Éditorial
(1er avril 2004)
Un verre à moitié vide
Lors d’un Conseil des ministres exceptionnel à Ostende, le gouvernement a pris un ensemble d’améliorations sociales. Attendues depuis longtemps, ces avancées vont se concrétiser lentement (jusqu’en 2007). Elles restent cependant insuffisantes pour combler le fossé croissant entre les revenus des invalides, des pensionnés, des chômeurs et les revenus des actifs.
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Si un travailleur devient malade, il recevra un revenu de remplacement appelé indemnité d’incapacité de travail la première année. Si la maladie se prolonge et dépasse un an, il sera déclaré invalide. Les indemnités perçues par un invalide sont en relation (un pourcentage) avec le revenu initial. Le niveau des indemnités varie selon la situation sociale du travailleur : isolé, chef de ménage, cohabitant. Mais, il y a un minimun et un maximum. Si ces limites inférieures et supérieures n’évoluent pas à la même allure que les salaires, le fossé entre le revenu des invalides et ceux des travailleurs va forcément s’accroître.
L’érosion des allocations sociales est réelle
Et dans les faits, ce fossé s’est creusé de plus en plus.
Il y a 20 ans, l’indemnité d’invalidité représentait 44 % du salaire moyen et aujourd’hui elle n’en représente plus que 33 %. Au cours de la même période, l’allocation de chômage est passée de 42 % à 28 % du salaire moyen. Cette évolution traduit le décrochage entre les allocations sociales et le niveau moyen de bien-être de la société. Cette lente érosion fait que nos allocations sociales sont aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté défini par l’Europe. C’est pourquoi, en mai 2001, lors d’une grande manifestation nationale, tous les mouvements sociaux s’étaient regroupés pour revendiquer des revalorisations qui, pour les seuls invalides, représentaient un budget de l’ordre de 1,8 milliards d’euros.
Des améliorations sociales sur
le sable mouvant des promesses
Face à cette érosion indiscutable, le gouvernement a décidé d’adapter, tous les deux ans, les allocations à l’évolution du bien-être et ce à partir de 2007. Cette adaptation ne sera pas automatique. Il faudra tenir compte du taux d’emploi et de l’équilibre financier durable de la sécurité sociale. Son financement, estimé à 1,65 milliards d’euros, est donc loin d’être assuré. Entre-temps, certaines allocations sont augmentées dès à présent; certains minima sont relevés; le retour au travail est encouragé.
On ne peut que se réjouir de ces avancées sociales. Mais le coût de ces améliorations relatives aux indemnités ne dépasse pas 287 millions d’euros en 2007. On est loin du cahier de revendications de 2001! Et par rapport aux améliorations de revenus suite à l’allègement des impôts dans le cadre de la réforme fiscale, près de 5 milliards d’euros, c’est peu de choses. De plus, la concrétisation de ces avancées reste malgré tout hypothétique, puisqu’elles dépendent d’une évaluation de la situation économique en 2006.
Sans financement supplémentaire, la sécurité sociale reculera
Et l’avenir n’est pas très rassurant. La reprise de la croissance se fait attendre, les comptes de l’Etat ont été équilibrés grâce à des opérations financières ponctuelles (one shot), les coûts des pensions vont augmenter sérieusement. L’année 2004 se terminerait dans le rouge et l’incertitude est grande pour les années suivantes … En clair, s’il n’y a pas de financement supplémentaire, les améliorations sociales promises risquent de passer à la trappe. Et si l’adaptation des minima et plafonds au bien-être moyen de la société tarde encore, les allocations sociales deviendront des allocations de base et on risque alors de voir fleurir, comme c’est déjà le cas pour les pensions, les régimes sociaux complémentaires qui vont encore accentuer le fossé entre les catégories socio-économiques.
Pour que la sécurité sociale garantisse des revenus suffisants en cas de maladie, chômage ou lors de la retraite, il faut la refinancer de manière structurelle. L’instauration d’une cotisation sociale généralisée (CSG), calculée et perçue sur l’ensemble de tous les revenus, mobiliers et immobiliers, et revenus du travail et des entreprises permettrait des améliorations sociales d’envergure.
Face à la lente érosion des allocations sociales, les récentes décisions sociales du gouvernement sont des “promesses” minimalistes. Pour mener un vrai programme social d’envergure, il faut refinancer la sécurité sociale de manière structurelle. C’est un choix politique essentiel pour l’avenir.
Jean Hermesse
Secrétaire national
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