A suivre...
(19 mai 2011)
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Pourquoi? Comment?” La conférencière qui a mis ces questions au
programme de son exposé, ce soir-là, recueille un succès de foule.
L’auditoire est rempli pour l’écouter et apprendre les “petits trucs”
susceptibles d’augmenter la dose de bonheur de chacun. Pour peu la salle
manquerait de place. L’exercice auquel elle se plie, empreint de
vulgarisation de recherches scientifiques, attise certes la curiosité
intellectuelle ; mais plus encore avec ce thème, il allume une petite flamme
dans l’esprit de l’assistance tout ouïe. Chacun espérant sans doute voir
s’incarner son propre devenir dans les propos de la chargée de cours
(1).
C’est que le bonheur est
dans l’air du temps. De tout temps, d’ailleurs, relativiseront certains. A
en croire un Pierre Teilhard de Chardin, par exemple, qui disserte sur ce
qu’est le bonheur, les enquêtes, livres et expériences se succèdent
“pathétiquement” sur ce thème depuis des siècles. N’empêche, aujourd’hui,
les rayons de librairie foisonnent de livres consacrés au sujet. Du manuel
pratique à l’échange d’expériences. Du plus concret au plus philosophique.
Du plus léger au plus dense. Les best-sellers s’inscrivent dans le
mouvement. En témoigne le succès du “World Book of Happiness” (Editions
Racine) dans lequel plus de 100 spécialistes livrent leurs sagesses en une
ou deux pages séparées par de superbes photos qui laissent rêveur et en
disent long sur la fascination qui est à l’œuvre.
“Ce début de XXIe
siècle ne croule pas seulement sous les mauvaises nouvelles!”, affirme
Leo Bormans(2) en introduction de l’épaisse publication.
“C’est aussi une époque où des milliers de chercheurs du monde entier se
lancent dans la psychologie positive, une discipline relativement nouvelle.
La psychologie positive ne prend pas comme point de départ les erreurs, les
échecs et les syndromes négatifs, mais la force positive de l’être humain”.
Et de tabler sur une chose: le bonheur, ça s’apprendrait.
Par
intermittence
Ca s’apprend?
Heureusement, pourrions-nous dire. Car l’obligation semble se généraliser.
On s’engage volontiers de nos jours dans une recherche frénétique du bonheur
personnel, en tout temps, en tout lieu. Il faut être heureux. On se
culpabiliserait même de ne pas y arriver. Si la quête est noble, explique la
professeure Moïra Mikolajczak, elle n’est pas réaliste. A moins de vivre
coupé du monde, le bonheur absolu et constant n’existe pas. Il est par
essence flexible, fluctuant. Malheureusement, en effet, les sources
d’émotions négatives ne peuvent disparaître de nos vies; le malheur allant
parfois jusqu’à contaminer les souvenirs heureux, jusqu’à effacer les
plénitudes d’antan. “La vie humaine est dure, parfois tragique, le temps
qui passe est toujours une blessure dans les chairs. Sans le bonheur, sans
cette aptitude à ne pas se noyer dans tout ce qu’il y a de sombre autour de
soi, comment résister à la morosité et au désespoir?(…) Nous ne vivons pas
pour être heureux mais parce que nous pouvons l’être”, explique le
psychiatre Christophe André(3). De son avis, être heureux
aurait ceci d’utile voire de vital, que cela rendrait la vie
psychologiquement possible. Nous voilà tels des “intermittents du bonheur”,
condamnés à vivre dans l’alternance entre bonheur et tristesse, condamnés à
accepter cette part d’incontrôlable.
Les
scientifiques s’en mêlent
Au détour de recherches
scientifiques – plus ou moins au point méthodologiquement - le bonheur se
pare de nombreuses vertus: longévité, bonne santé, relations durables… Il en
va ainsi de la sympathique “Nun Study” menée par des chercheurs américains à
partir des déclarations de religieuses au moment de leur entrée dans les
Ordres. En bref, les nonnes qui exprimaient le plus d’émotions positives
dans la lettre destinée à leur mère supérieure et censée décrire leur
engagement, celles-là ont vécu plus longtemps que les autres. Un signe!?
Des études ont également
battu en brèche quelques mythes. Ni l’argent, ni l’absence de maladie, ni la
jeunesse, ni les enfants ne font le bonheur. Par contre, offrir des cadeaux
à ses proches contribuerait au bonheur; davantage que de faire des achats
pour soi, apparemment. Savourer le présent, aussi, y participerait. Tout
comme dire merci, avoir conscience de la chance que l’on a, faire l’amour,
cultiver les amitiés - les bons vieux amis davantage que le papillonnage
amical -, paraît-il, être présent à ce que l’on fait.
Augmenter
notre conscience
“Convoquer le
bonheur, comme on sifflerait un chien”, explique Christophe André, n’a
pas de sens. En revanche, se préparer à l’être, “ouvrir mes yeux et mon
esprit, comme, lors d’une promenade en forêt, je me rends présent à ma
marche, au lieu de m’absorber dans mes soucis d’hier et de demain”.
Impossible? Certains jours, assurément! Mais tentons l’expérience le plus
souvent possible, par-delà nos composantes génétiques, qui – paraît-il –
déterminent une partie – une partie seulement – de notre “prédisposition” au
bonheur.
Les progrès de
l’imagerie cérébrale en attestent aujourd’hui: notre cerveau évolue jusqu’à
notre mort. Si certaines voies neuronales s’amenuisent, d’autres se
renforcent, conclut Moïra Mikolajczak. Une des clés pour ouvrir les portes
des bonheurs serait aussi de croire que l’on peut changer.
// Catherine Daloze
(1) Conférence donnée par Moïra Mikolajczak dans le cadre de
cycles de conférences organisés par l'Institut de recherche en sciences
psychologiques (IPSY) de l’UCL. Plus d’infos :
www.uclouvain.be/ipsy-cycle-conferences.html
(2) Rédacteur en chef de Klasse – magazines à destination
des enseignants, des élèves et des parents de la Communauté flamande.
(3) Christophe André, “De l’art du bonheur. Apprendre à
vivre heureux”, éd. L’Iconoclaste, 2010.
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