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Éditorial (15 janvier 2004)

 

L’Etat et le marché : un nécessaire équilibre

 

Dans un livre récent et remarquable, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz (1), ancien conseiller économique de Bill Clinton et vice-président de la banque nationale, résume ainsi sa philosophie politique : je me situe, dit-il, quelque part entre les partisans d’une économie dominée par l’Etat et ceux qui préconisent de le cantonner à un rôle minimal. Il faut, dit-il, un juste équilibre entre le marché et l’Etat. Le marché est au cœur de toute économie qui réussit, mais pour qu’une économie réussisse, il faut un équilibre entre l’Etat et le marché et cet équilibre peut être différent selon les domaines, selon les pays et selon les époques.

 

Le discours conservateur soutient que moins il y a d’Etat et d’impôts, mieux cela vaut, l’Etat est supposé toujours gaspiller et le privé dépenser à bon escient. Les événements des dernières années ont montré plutôt d’énormes gaspillages du privé comme on l’a vu avec l’écroulement de grandes sociétés privées aux États-Unis (Enron), en France (Vivendi Universal), en Italie (Parmalat) ou en Belgique (Hauspie-Lernout).

Il faut soutenir, dit J. Stiglitz, qu’il existe des champs légitimes d’activités de l’Etat : éducation, promotion de la technologie, protection sociale des personnes âgées, protection contre les risques de santé, protection des milieux défavorisés. Tant les dépenses que les réglementations publiques ont un rôle à jouer, les échecs du marché sont nombreux et les particuliers sont confrontés à d’énormes risques contre lesquels ils ne peuvent s’assurer valablement et de citer : la santé, la vieillesse, le chômage. Pour bien équilibrer, dit-il, il faut renforcer le rôle de l’Etat dans certains domaines et l’alléger dans d’autres. Cette approche rejoint nos convictions, mais elle est, hélas, à contre-courant d’une évolution massive qui rompt l’équilibre préconisé en faveur d’un des pôles : le marché.

 

Les conséquences peuvent en être dramatiques car cela augmente les inégalités, l’insécurité, les ruptures sociales et la pauvreté. Cela mine les valeurs de base de nos sociétés, mais cela peut aussi mener à terme à des dysfonctionnements et des échecs économiques importants.

La protection sociale (pension, santé, chômage) est un secteur où précisément le rôle de l’Etat est primordial et doit le rester. Seul l’Etat peut réellement protéger face aux risques liés à la vieillesse, à la santé et au chômage.

 

On attend beaucoup aujourd’hui, au-delà des pensions légales du 1er pilier, des compléments apportés par les 2ème et 3ème piliers organisés dans un cadre commercial. Mais ces piliers complémentaires pensions organisés par le marché restent précaires : l’inflation peut miner à terme la valeur du capital et des revers boursiers ou des faillites d’entreprise peuvent provoquer l’écroulement de fonds de pension comme l’expérimentent aujourd’hui des millions de personnes aux États-Unis (2). Ces piliers complémentaires renforcent aussi les inégalités puisque certains travailleurs ou certains secteurs économiques moins prospères ne peuvent les financer. Seul un premier pilier pension, fort et solide, garanti par l’Etat, peut offrir à tous une protection valable en matière de pension.

 

Dans le domaine de la santé, l’assurance maladie obligatoire et généralisée offre seule une véritable protection garantie par l’Etat. Toute initiative du marché dans ce domaine est redoutable car le marché rejette hors des couvertures d’assurances le plus possible de mauvais risques : personnes âgées, malades chroniques, maladies graves, ceux précisément qui ont le plus besoin de protection santé. Cela ne peut donc être une solution collective. Et en plus, cela entraîne une dérégulation générale du système qui pousse les prix des soins de santé à la hausse comme on le voit aux États-Unis.

 

Beaucoup parmi nous se demandent si demain les soins de santé et les pensions resteront “ payables ”. On ne peut nier que les dépenses augmentent rapidement. Les causes en sont connues et tous nos voisins rencontrent les mêmes problèmes. Nous sommes confrontés à un choix politique : si nous voulons des soins de santé abordables et des prestataires de soins motivés et compétents, il faut y mettre le prix. Avec la croissance de 4,5 % l’an retenue par le gouvernement pour le budget des soins de santé, l’orientation donnée est claire, l’Etat joue son rôle face à un problème fondamental de protection sociale.

 

Nous devons soutenir cet effort et ne pas céder à l’illusion que le marché pourrait régler ce problème comme on veut parfois nous le faire croire. Bien sûr, cela ne nous dédouane pas d’efforts constants pour la maîtrise des dépenses et la lutte contre toutes les dépenses inutiles.

 

Nous avons légitimement et efficacement résisté à l’envahissement du marché dans le secteur de la protection contre les risques de santé. Nous avons des motifs de le faire pour respecter cet équilibre entre marché et Etat dont parle Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Américain lui-même, il n’hésite pas à regretter amèrement le manque d’initiative de l’Etat américain en matière de protection sociale.

 

(1) Quand le capitalisme perd la tête – Fayard 2003

(2) Lire l’article de Jean Hallet : “Nos pensions : modestes et inégales” (La Libre Belgique 8-01-2004, page 17)

 

 

Edouard Descampe

Secrétaire général

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