Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre... (3 mars 2011)

► Lire aussi : Contre la spéculation alimentaire

 

Emeutes

et malaise agricole

A leurs prémisses, les mouvements de révolte tunisiens et égyptiens ont porté le souvenir des émeutes de la faim de 2008. A l’époque, une quarantaine de pays avaient vu se soulever des populations en proie à la flambée des prix agricoles. En ce début d’année encore, la question alimentaire n’est pas étrangère aux soulèvements. Elle nous concerne tous, partout à travers le monde.

Au cœur de la révolution du jasmin semblent s'accumuler divers mal-êtres : l’accablement face à la vie chère, face au chômage massif et la soif de libertés. “Ce n’est pas par hasard que les pays du Maghreb, inquiets des risques d’une contagion de la révolution du jasmin, baissent à tour de bras les prix des denrées de première nécessité, soulignait en janvier le quotidien suisse Le Temps, notamment de la farine, l'aliment de base dans toute la région.”

Les prix des denrées agricoles ont connu, en effet, une hausse spectaculaire fin 2010. La tendance risque de se poursuivre en mars et en avril, période critique pour les récoltes, car la pression sur les stocks devient plus importante. L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l'agriculture, plus connue sous l’acronyme FAO, lance l'alerte: plus de 80 pays sont confrontés à un déficit alimentaire. L’indice des prix des produits alimentaires, que l’organisme international surveille de près, “a dépassé son pic de 2008. Le sucre, les huiles et les matières grasses affichent la plus forte hausse”.

Le Sud n’est pas le seul à en subir les effets. Dans le panier de la ménagère belge, le pain et le café coûteront plus cher dans un avenir proche. Rien de comparable, toutefois, avec les conséquences dramatiques que vivra le Sud de la planète. Dans les familles les plus démunies, l'alimentation représente 60 à 80 % des maigres revenus (pour 10 ou 20% sous nos latitudes).

 

Sécheresse et pluies diluviennes,
mais pas seulement...

Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer la nouvelle flambée des prix. Parmi ceux-ci, le climat, et tout particulièrement ces fameux chocs météorologiques récemment subis aux quatre coins du globe : incendies en Russie, inondations en Australie… Tel un cercle vicieux, les changements climatiques risquent de peser plus lourd encore sur l’agriculture, à l'avenir; à moins que celle-ci parvienne à mieux respecter les sols, tout en se montrant résistante aux aléas du ciel.

D’autres explications sont également avancées par les observateurs. Ainsi, dans le domaine de la politique agricole, on parle beaucoup du jeu financier qui, au travers des spéculations grandissantes, déstabilise le marché. Les financiers ont transféré leurs activités vers les marchés à termes des produits agricoles. Ils y poursuivent bien d’autres objectifs que de protéger le secteur contre la volatilité des prix. Ce sont les bénéfices rapides et dodus qui comptent. Les marchés ne gagnent malheureusement qu'en nervosité. D’aucuns, pour réduire les spéculations et les incertitudes, en appellent donc à davantage de régulation et d’information sur les stocks réellement disponibles.

D’autant qu’au niveau mondial, l’offre de biens alimentaires se raréfie. Car les zones dévolues aux agro-carburants ne font que s'étendre: ainsi en va-t-il de 38% de la production de maïs aux Etats-Unis. Autre extension sensible, celle des surfaces fourragères. Destinées à l’alimentation du bétail, celles-ci se développent au détriment des surfaces meunières. Car la demande mondiale en protéines animales s’est accrue elle aussi, sous l'effet d'une demande de viande plus importante dans les pays dits émergents.

 

Manger, c'est voter

Plutôt que pointer du doigt ces nouveaux carnassiers, il y a lieu de s’inquiéter de nos surconsommations, préconise Olivier De Schutter, le rapporteur spécial aux Nations unies pour le droit à l’alimentation(1). Selon lui, il y a lieu de veiller à un équilibre global. “En tant que consommateur, on vote à chaque repas: on est donc en mesure de peser sur les ressources, en privilégiant une agriculture de proximité et des produits moins transformés”.

“C’est aussi au niveau 'micro' que cela se joue”, insiste encore le rapporteur. Qui invite à sortir des logiques classiques du volume et du prix, du seul rapport entre l’offre et la demande. Ce système génère en effet des prix trop élevés pour le consommateur pauvre, mais aussi trop bas pour le petit producteur. Dans les cas extrêmes, il mène tout droit à des situations surréalistes. Par exemple lorsque l’Europe, forte de ses primes à l’exportation, déverse sur les marchés du Sud des poulets vendus moins chers que la volaille locale.

Olivier De Schutter propose des actions à entreprendre: organiser les petits agriculteurs, renforcer leur pouvoir sur la chaîne agroalimentaire, protéger les plus pauvres, mettre sur pied des mécanismes de stabilisation des prix…. C’est le bon moment, d’après lui, en cette période où les gouvernements semblent en perte d’imagination, à court d’idées… Si l'inspiration peut assurément se trouver dans les “solutions locales à un désordre global” (en référence au documentaire – plutôt radical – de Coline Serreau) (2), elles devront tabler sur l’interdépendance. N'est-il pas affolant, en effet, de voir l'agriculteur de nos contrées espérer bien malgré lui  qu'une catastrophe détruise les récoltes à l'autre bout de la planète pour pouvoir s'en sortir?

L'espoir réside dans le cheminement des différentes régions du monde vers la souveraineté alimentaire. “La liberté est le seul bien qui meurt quand on ne l’utilise pas”, conclut Jean Ziegler – prédécesseur d’Olivier De Schutter - dans le film Les Moissons de la faim(3). Une pirouette qui est loin d'épuiser le sujet.

 

// Catherine Daloze

(1) Site du rapporteur: www.srfood.org/

(2) Voir www.solutionslocales-lefilm.com/

(3) Documentaire de Marie-France Collard, bientôt disponible en DVD.

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

A suivre 2011

A suivre 2010

A suivre 2009

A suivre 2008

A suivre 2007

haut de page