A suivre...
(5 juin 2008)
Contre
la spéculation alimentaire
“Tirez
avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires!”
Alors
que la pénurie d’eau et de terres agricoles exploitables contribuent à
aggraver la pénurie de produits alimentaires et les hausses de prix,
provoquant des “émeutes de la faim” en Egypte, Haïti, Indonésie, Afrique
subsaharienne… (1), des produits bancaires invitent leurs
clients à profiter de cette pénurie qu’ils présentent comme une
“opportunité” de placement à haut rendement.
Aux
dires de la commissaire européenne chargée de l’Agriculture, Mariann Fischer
Boël, 140 fonds indexés partiellement ou totalement sur les prix des
matières premières agricoles ont été lancés en février dernier dans l’Union
européenne. Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro,
Jean-Claude Juncker, qualifiait, à la fin du mois de mai, de “criminels”
et de “rapaces” les spéculateurs financiers sur les marchés des
matières premières agricoles, qui contribuent à la crise alimentaire
mondiale: “Faire monter les prix alimentaires pour son propre profit,
déclarait-il, accepter que la famine et la guerre soient de simples dommages
collatéraux, c’est le contraire d’une économie de marché éthiquement
fondée.”
“Accepter que la famine et la guerre soient de simples dommages
collatéraux, c’est le contraire d’une économie de marché éthiquement
fondée”.
(Jean-Claude
Juncker) |
Le 9 avril dernier,
Jacques Diouf, directeur général de la FAO, Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture, estimait que les prix des denrées
alimentaires au niveau mondial avaient bondi de 45 % sur les neuf derniers
mois et qu’il y a de sérieuses pénuries de riz, de blé et de maïs. Caritas
International lançait également un cri d’alarme: “Les céréales sont
devenues un objet de spéculation et ce sont les malheureux qui en paient le
prix”. Certes, la faim dans le monde n’est pas, hélas, une réalité
nouvelle. D’après le Programme alimentaire mondial (PAM), 25.000 personnes
meurent chaque jour de malnutrition, conséquence des inégalités des échanges
entre le Nord et le Sud et des désinvestissements dans les pays en voie de
développement dans l’agriculture vivrière, bien souvent sous l’impulsion
d’institutions internationales, mais aussi conséquence des catastrophes
naturelles, de la mal gouvernance ou de mauvais choix dans les stratégies de
développement.
A tout cela s’ajoute
aujourd’hui une crise financière qui encourage les fonds d’investissement à
placer leurs capitaux spéculatifs sur les “marchés refuges” des matières
premières agricoles.
En réaction à cette
vague spéculative sur les denrées alimentaires, un ensemble d’associations,
de syndicats et organisations sociales se sont unis, à l’initiative de
Réseau Financement Alternatif et de Netwerk Vlaanderen, au sein du
Rassemblement national contre la spéculation alimentaire, afin d’obtenir, au
niveau belge comme au niveau européen, l’interdiction des opérations
financières purement spéculatives sur les matières premières alimentaires
(2).
Le “droit à une
alimentation adéquate”, rappelle le Rassemblement national contre la
spéculation alimentaire, est contenu dans le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels (2002). Ratifié par la Belgique,
celui-ci définit le droit à une alimentation adéquate comme “le droit
d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au
moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et
qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions
culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie
psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse,
satisfaisante et digne…”
Spéculation,
hausse des prix et volatilité
Selon la FAO, la
tendance à la hausse des prix internationaux de la plupart des produits
agricoles n’est qu’en partie le reflet du jeu correct de l’offre et de la
demande. Des financiers ont attiré l’attention des spéculateurs sur les
marchés agricoles les présentant comme un moyen de diversifier les risques
et d’obtenir des rendements supérieurs. La première conséquence de cette
spéculation concerne le niveau des prix, artificiellement gonflés par une
spéculation à grande échelle.
Certes le secteur
agricole a besoin d’investissements et les producteurs ont besoin de
stabilité afin de permettre l’achat anticipé des denrées. Mais les
institutions qui spéculent sur le marché des matières premières alimentaires
ne sont pas nécessairement impliquées dans la vente ou la livraison de
celles-ci. Il s’agit de transactions sans lien avec l’économie réelle, qui
sont autant de paris sur la hausse ou la baisse des prix des marchandises.
La hausse des prix n’est
pas la seule conséquence de la spéculation. Il faut également compter avec
la volatilité, c’est-à- dire le degré de fluctuation des prix d’un produit
sur une période de temps donné. Plus les variations de prix d’un produit
sont fortes et imprévisibles, plus la possibilité de réaliser de larges
gains en spéculant sur les futures variations de prix de ce produit est
importante. Cela signifie que la volatilité peut attirer une activité
spéculative significative, qui à son tour peut initier un cercle vicieux de
déstabilisation des derniers cours au comptant.
Cette
déstabilisation est source d’inquiétude pour les gouvernements, les
négociants, les producteurs et les consommateurs. Dans le contexte
actuel, s’impose un gel des transactions spéculatives sur les
produits alimentaires de base, décrété par décision politique.
Celui-ci contribuerait immédiatement à faire baisser les prix des
produits alimentaires, estime Michel Chossudovsky, professeur
d’économie canadien et directeur du Centre de recherche sur la
mondialisation (3), auteur d’un ouvrage essentiel:
“La mondialisation de la pauvreté” (éd. Écosociété).
Christian Van Rompaey |
(1) “La crise alimentaire était annoncée” En marche (1er
mai) www.enmarche.be
(2) Plus d’informations: Réseau Financement Alternatif -
Chaussée d’Alsemberg, 303-309 à 1190 Bruxelles - 02/340.08.62 -
http://www.financite.be/
(3) Lire l’article “La famine mondiale” sur le site
www.mondialisation.ca
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