A suivre...
(2 juin 2011)
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Avec ou sans famille
Si
le pays se languit d’un gouvernement fédéral, certaines thématiques
continuent de se frayer un chemin dans les arcanes politiques du pays. C’est
le cas du “regroupement familial”. Cette possibilité pour une famille de se
(re)constituer par-delà les frontières, de se (re)trouver dans le pays
d’accueil d’un de ses membres, migrant. Un enfant viendra rejoindre ses
parents ou vice-versa. Un conjoint, son épouse ou vice et versa.
De tels rattachements
existent de longue date. En Belgique, les jeunes hommes marocains ou turcs,
pour la plupart incités dans les années 60 à venir travailler dans le plat
pays, ont été rejoints par leur femme et leurs enfants. Naturellement !
Comme une conséquence évidente. Depuis l’arrêt de l’immigration de travail
organisée, en 1974, “le regroupement familial est de loin la forme la
plus répandue d’immigration légale en Belgique”, indique un rapport de
la Fondation Roi Baudouin (1). Il concerne plus de la
moitié des demandes de permis de séjour. C’est là la raison principale de
l’intérêt que lui portent certains responsables politiques en recherche de
mesures rutilantes sur le terrain de l’immigration. La limitation des “flux”
est un sujet porteur, d’autant qu’il se mue - trop souvent - en réceptacle
des mal-êtres de toute nature. Dans ce contexte-là, l’étranger n’a pas bonne
presse. Même si, observe également la Fondation, en examinant de plus près
le regroupement familial, “on assiste aussi à une augmentation du nombre
de Belges autochtones (entendez : Belges de naissance, et non par
naturalisation) qui épousent une personne résidant à l’étranger”.
Musculations dans l’hémicycle
De récents débats entre
députés pour modifier les règles du regroupement familial ne semblent pas
avoir été épargnés par “les relents populistes et racistes”, comme les
qualifie le Moc (Mouvement ouvrier chrétien). Mais de quoi ont-ils débattu?
Les partisans de la révision (MR, N-VA, Open VLD et CD&V) se sont inscris
dans une volonté de durcissement des critères pour accéder au regroupement
familial. Ceci afin d’éviter ce qu’ils qualifient d’abus: des familles qui
se retrouvent à “charge de la collectivité”. Les projets de modification de
la loi, débattus en Commission de l’intérieur de la Chambre, ont reçu un
mauvais bulletin du Conseil d’Etat. Cet organe, qui émet des avis quant à la
régularité des dispositions politiques, a estimé anticonstitutionnels les
aménagements proposés (avis du 4 avril). En cause? Entre autres, un effet
discriminatoire. En effet, les Belges devraient attester – parmi d’autres
critères – de revenus minimums équivalents à 120% du revenu d’intégration
(ex-minimex) pour prétendre au regroupement familial, tandis que les autres
citoyens de l’Union européenne pourraient se limiter à prouver un équivalent
de 100%. Quand des Etats membres de l’Union européenne réservent à leurs
propres ressortissants un traitement moins favorable qu’aux ressortissants
d’autres Etats membres en séjour dans leur pays, on parle de “discrimination
à rebours”, explique le Centre pour l’égalité des chances, qui plaide plutôt
pour l’examen au cas par cas de ces conditions matérielles.
“Interpellant”, affirme le Ciré (Coordination et initiatives pour
réfugiés et étrangers) qui perçoit derrière cette mesure une atteinte aux
citoyens belges d’origine marocaine ou turque. Nouveaux débats à la Chambre,
le 26 mai dernier et échanges “musclés” en séance plénière cette fois. La
modification de la loi y est adoptée, dans le sens d’un durcissement des
critères.
Trop
bonne, la Belgique?
La Belgique serait-elle
tellement laxiste en matière de regroupement familial? Ce n’est pas l’avis
du Ciré. L’affirmer, c’est méconnaître les mécanismes en vigueur pour lutter
contre les abus, indique l’association(2). Et d’énumérer
les garde-fous: la légalisation nécessaire des documents, les enquêtes des
postes consulaires, la possibilité d’annulation de mariages conclus à
l’étranger, la possibilité de retrait de séjour au cours des deux premières
années en cas de rupture de la vie familiale (la troisième année s’il y a
des éléments de complaisance), la possibilité de retrait du séjour à tout
moment en cas de fraude, l’âge minimum des époux ou partenaires, l’exigence
d’un logement suffisant, l’affiliation à une mutualité… Se marier et vivre
avec la personne que l’on a choisi n’est pas si simple. Et les vérifications
administratives fourmillent déjà. Pourquoi, dès lors, en ajouter?
D’une manière générale
dans les débats touchant à la migration, Le Ciré regrette “la diffusion
d’informations tronquées qui renforcent les peurs non fondées et
entretiennent des fantasmes sécuritaires”. L’approximation serait bien trop
souvent de mise. Quand on crie à l’afflux des demandeurs d’asile. Ou quand
on parle de “nationalité bradée”. Le Ciré entend contrecarrer ces idées
simplistes et renvoyer à une mise en perspective plus large. C’est, par
exemple, à la lueur des vingt dernières années que l’association demande
d’analyser le nombre de demandes d’asile. La situation actuelle n’a alors
plus grand chose d’anormal ou d’ingérable.
Ainsi, avant d’aller
crescendo dans les mesures visant à restreindre le droit au regroupement
familial, le Ciré estime qu’il y aurait lieu d’évaluer les réformes
précédentes, prises voici à peine quatre ans, en 2006 et 2007.
Une évaluation, le
Centre pour l’égalité des chances, en réclame également. “Pour parler sans
détours : la réglementation en matière de migration est devenue un ensemble
extrêmement complexe et inaccessible, qui n’a jusqu’ici jamais été examiné
dans son ensemble”. Les instruments sont-ils cohérents ? Permettent-ils
d’atteindre les objectifs qu’ils visent ?, questionne le Centre, parlant
d’un climat politique et social chargé. Et voilà peut-être que l’on
entrevoit une interrogation fondamentale : quel est l’objectif ? Accueillir
un peu, beaucoup… ? Filtrer un peu, beaucoup… ? Rassurer un peu, beaucoup… ?
Ménager le porte-monnaie, le vivre-ensemble ?
“La migration n’est
résolument pas claire, ni prévisible, lit-on sous la plume du Centre pour
l’égalité des chances : c’est une question qui nous confronte avec des
situations de crises humaines, avec notre propre identité, avec des
questions comme la viabilité de l’Etat providence et l’évolution
démographique sur le continent européen.(…) Nous devons éviter de nous
laisser aller aux démonstrations musclées. Le respect des droits
fondamentaux doit rester notre priorité”.(3) Ainsi en
va-t-il du regroupement familial. N’est-il pas d’abord la mise en pratique
d’un droit fondamental, celui de vivre en famille? Il est assurément bien
autre chose qu’un outil de gestion des flux migratoires, comme d’aucuns
semblent le considérer.
// Catherine Daloze
(1) “Le regroupement familial en Belgique : les chiffres
derrière le mythe”, janvier 2011. Téléchargeable sur
www.kbs-frb.be .
(2) “Déconstruction d’une manipulation de l’information”,
février 2011. Téléchargeable sur www.cire.be
(3) “Migration”. Rapport annuel 2010 du Centre pour
l’égalité des chances et la lutte contre le racisme.
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