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Immigration (18 décembre 2008)

 

 

Les “sans-papiers”
coincés
dans l’illégalité

 

 

 

  

 

“Quand les papiers arrivent” est une série de portraits
de sans-papiers réalisés par l’Assemblée des voisins et le Ciré.
Sur le site www.cire.be, ils parlent chacun de leurs projets.

 

“Donnons un visage aux sans-papiers”, le slogan a été lancé voici dix ans par le Mouvement national pour la régularisation des sans-papiers. Dix années plus tard, ont-ils acquis ce visage? Sommes-nous davantage conscients des histoires de vie qui ont amené des hommes, des femmes et des enfants à vivre “sans-papiers” sur le sol belge?

Au qualificatif d’illégaux, Véronique Oruba, secrétaire nationale du MOC préfère celui de demandeurs d’asile. Terme que l’on utilisait plus volontiers par le passé, et qui nous renvoie davantage à penser ces personnes comme des victimes. Terme qui s’éloigne de la connotation négative maintenant ancrée dans le mot “illégaux”, associé à l’escroquerie. Au risque d’oublier ou de blâmer, de considérer comme douteuses les raisons qui ont poussé ces personnes à venir en Belgique.

Pour l’essentiel, deux types de motivation – qui peuvent aller de pair - sont à l’origine de la migration: la fuite des persécutions, de la violence, de la guerre, des régimes totalitaires ne respectant pas les droits de l’Homme… et la fuite d’une situation d’insécurité économique, de la pauvreté, de la faim. On quitte rarement son pays, sa famille, ses racines sans raison majeure; il est parfois bon de s’en souvenir.

 

Eviter le contact
avec les autorités

Arrivés sur le territoire belge, certains migrants seront “sans-papiers” ou le deviendront au bout d’un temps. Les uns, en fuite, ont introduit une demande d’asile et n’ont pas vu cette demande aboutir; d’autres, étudiants venus de l’étranger, n’ont pas souhaité quitter le pays au terme de leurs cursus; d’autres encore ont été enrôlés dans des filières souterraines de travail sans protection; puis certains conscients de la difficulté d’obtenir le statut de réfugié ont préféré ne pas se manifester auprès des autorités belges…

Les associations de défense des "sans-papiers" militent pour une régularisation d'après des critères précis, connus dès l'entrée sur le territoire et identiques pour tous.

La méfiance vis-à-vis des autorités belges est en effet de mise, et semble se renforcer avec le temps, au fil des occupations d’églises, des grèves de la faim… L’issue des mobilisations se révèle hasardeuse. Le sort des grévistes, des occupants ou de ces hommes perchés au sommet d’une grue est marqué par l’aléatoire: parfois ils obtiendront un permis de travail C ou B (1), parfois un certificat d’inscription au registre des étrangers pour neuf mois, parfois pour deux mois, parfois rien… Faute de garanties, et face aux témoignages d’expulsions musclées, d’aucuns hésiteront à sortir de la clandestinité, à se lancer dans une procédure de demande d’asile ou de régularisation dont l’issue est incertaine. C’est que les critères ne sont pas clairs, martèlent les associations de défense des “sans-papiers”. Elles militent pour une régularisation d’après des critères précis, connus dès l’entrée sur le territoire à tout le moins, et identiques pour tous.

 

Régularisation en 2000

et après?

On s’en rappelle en janvier 2000, la Belgique a procédé à une campagne de régularisation massive d’étrangers en séjour illégal sur son territoire. Cette loi temporaire a vu l’introduction de quelque 32.662 dossiers, concernant plus de 50.000 personnes dont 23.000 enfants. Leurs demandes devaient se baser sur un des quatre critères suivants: avoir demandé le statut de réfugié sans avoir reçu de décision dans un délai de 4 ans, être dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine pour des raisons indépendantes de sa volonté, être victime d’une maladie grave ou faire valoir des circonstances humanitaires tout en ayant développé des attaches sociales durables dans le pays (séjour de minimum six ans en Belgique). C’est cette dernière condition qui a été le plus souvent avancée par les demandeurs (77%). Mais, pour certains, comme ces jeunes femmes équatoriennes, domestiques auprès de particuliers, il sera très complexe, voire impossible de démontrer leur présence sur le territoire. Même dans l’illégalité, elles n’ont pas d’existence.

Au final, 80% des personnes ayant introduit un dossier lors de cette campagne temporaire ont été régularisées. Le problème n’était pourtant alors résolu que partiellement – tous n’ont pas osé introduire de dossier - et que ponctuellement – la campagne a duré trois semaines seulement.

La déclaration gouvernementale de mars 2008 laissait entrevoir quelque issue à cette question de la régularisation, dans le sens souhaité par les organisations qui se mobilisent pour la défense des “sans-papiers”. Elle annonçait le souhait du gouvernement de pratiquer une régularisation par le travail, d’élargir les critères relatifs à la longueur de la procédure et aux attaches durables. Parallèlement, elle évoquait l’idée d’un recours à une commission indépendante pour répondre aux demandes de régularisation. Ces propos – appréciés par les organisations – restent cependant neuf mois plus tard, au stade des intentions. La mobilisation de ce 14 décembre, dans les rues d’Anvers, le déplore une nouvelle fois. “Les engagements pris doivent être tenus, affirment les quelque 2.500 manifestants. On ne peut laisser sans réponses des personnes qui attendent depuis autant de temps”. Et de rappeler les promesses faites à la veille des élections communales de 2006, puis en juin 2007, puis dernièrement pour mai 2008, par la ministre fort décriée Annemie Turtelboom (Open Vld), en charge de la migration et de l’asile, qui fait barrage à ces engagements.

Si le débat de plus en plus technique devient l’apanage de spécialistes des droits de l’Homme, les enjeux concernent pourtant le “vivre ensemble”. Ici et là se mobilisent les voisins d’une famille aux portes de l’expulsion, les passants d’une rue où dorment des hommes en déroute…

Que peuvent-ils faire face à une politique de migration qui se durcit? Si ce n’est de faire entendre leur indignation et participer, à leurs niveaux, à l’amélioration de l’accueil… sur le terrain de l’informel au moins.

(1) Une personne qui n’a pas la nationalité belge doit, pour travailler sous l’autorité d’une autre personne, obtenir un permis de travail et son employeur une autorisation d’occupation. Il existe trois types de permis A, B ou C. Les deux derniers ont une validité d’un an et sont valables pour l’un auprès d’un employeur déterminé, pour l’autre auprès de tout employeur.

Catherine Daloze

 

“Toute la misère du monde”

Les migrations liées aux conditions matérielles de vie sont soumises à de vives réprobations sous nos latitudes. Le refrain est connu et traduit les craintes: “On ne peut accueillir toute la misère du monde”.

Rappelons que la phrase complète de son auteur, Michel Rocard, alors Premier ministre français, se terminait pas ceci: “mais nous devons savoir en prendre fidèlement notre part”.

Rappelons également que, contrairement à une idée répandue, les migrants ne tentent pas tous d’atteindre nos régions. Loin s’en faut. “Seuls deux migrants sur cinq s’installent dans des pays de l’OCDE” (1).

Ensuite, comme le remarque Le Ciré (Coordination et initiatives pour et avec les réfugiés et étrangers) (2) les pays occidentaux ne sont pas étrangers aux causes de l’exil. D’interdépendance, il est question dans notre système mondialisé. Certains parlent alors de l’effet “boomerang”: des décisions prises au Nord en matière d’emprunts, de barrières commerciales, de vente d’armes… par les Etats ou les multinationales ont des répercussions au Sud, qui elles-mêmes se répercutent au Nord sous la forme de migrations notamment. Les choix de développement faits au Nord entraînent le Sud dans une dépendance accrue et vers des politiques qui ne servent pas nécessairement sa population.

Voilà en bref quelques éléments qui nuancent ces propos abrupts : “On ne peut accueillir toute la misère du monde”, et nous invitent à la réflexion.

CD

 

(1) Lire Hélène Thiollet, Géographie des grands flux migratoires, dans L’atlas des migrations – Le Monde, n° hors série, novembre 2008.

(2) Ciré, rue du Vivier, 80-82 à 1050 Bruxelles – 02/629.77.10 - www.cire.irisnet.be/

 

Qu’est-il advenu des régularisés ?

Le Centre pour l’égalité des chances, en collaboration avec l’Université d’Anvers et l’ULB, vient de clôturer une étude sur la situation sociale et économique des personnes ayant bénéficié de la procédure de régularisation de l’an 2000.

Intitulée “Before et after” (1), l’étude témoigne de parcours très divers. “Comme tous les citoyens, les personnes régularisées peuvent connaître une période d’activité économique suivie d’une période de chômage, puis dépendre d’un revenu d’intégration sociale puis… Il n’y a pas de lien automatique à faire de ce point de vue entre la période avant et la période après la régularisation. Ce qui empêche d’enfermer les personnes régularisées dans un schéma fataliste quel qu’il soit”.

L’étude démontre également l’importance des contacts sociaux établis avant la régularisation, officiels ou officieux. Tout en évoquant la méfiance des sans-papiers, le Centre trouverait pertinente la création d’un guichet d’information à leur attention et le renforcement des politiques d’accompagnement.

Au détour de ses réflexions, le Centre rappelle que les étrangers qui n’ont pas de droit de séjour ne peuvent pas pour autant être dépouillés des droits de base comme le droit aux soins de santé ou le droit à l’éducation.

(1) Etude téléchargeable sur le site www.diversite.be  (rubrique “publications”)

 


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