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Dans les livres (5 juin 2014)

Des conteurs dans vos bagages

Les histoires sont souvent comme des voyages. Une fois amorcées, elles entraînent un changement d'atmosphère. De nouvelles réalités s'ouvrent au lecteur. Il suffit parfois de quelques phrases pour entrer littéralement dans un univers particulier, pour être ailleurs, dans la peau d'un autre. L'écrivain fait office de guide. Il a balisé le terrain. Au lecteur de se laisser transporter.

Chaque année, à la période de Noël, En Marche ouvre ses colonnes à la plume d'un conteur. Tous Belges, tous mus par la passion de l'écriture, parfois connus des arpenteurs de librairies, parfois moins, ces écrivains croisent la route du journal le temps des fêtes(1). Six d'entre eux, parmi les plus récemment publiés dans En Marche, viennent de faire paraître de nouvelles histoires. Autant d'invitations à les (re)lire durant l'été.

(1) Tous ces contes peuvent être lus dans notre rubrique contes.

Sur les rives du Canal

Ce sont vingt-quatre récits que livre Evelyne Wilwerth, avec Miteux et magnifiques. Ces histoires brèves – quatre ou cinq pages pas plus – partagent un même cadre : on ne s'éloigne pas beaucoup des rives du Canal bruxellois, lieu surprenant et intriguant, entre les abords bucoliques et les casses ou la déchetterie environnantes. Si leur domaine est pareil, chaque histoire a son héros, sa vedette, de “petites gens”. Employé d'un parc à conteneurs, habitante sous un pont, couple en balade, ado à la recherche de sensations, jeune Rom qui tend la main aux automobilistes, pêcheur ou comédienne pour une pub… Tous connaissent les lieux. Qu'ils y vivent, qu'ils les traversent, qu'ils soient des habitués ou de passage.

Evelyne Wilwerth éveille le lecteur à ces vies, tantôt sinistres, tantôt fascinantes. On ne chemine pas longtemps en compagnie de chaque personnage. Au début, c'est à regret que l'on voit arriver le récit suivant. Mais ce serait la loi du genre, d'après l'auteure. Les nouvelles sont des “histoires à trous”, explique d'ailleurs un de ses personnages, des histoires où l’“on ne précise pas tout, on suggère”.

À peine le temps de s’attacher à un destin, de ressentir empathie ou révolte… qu'un autre fragment de vie s'ouvre à la lecture. Puis le rythme s'installe et on passe d'une nouvelle à l'autre avec la sensation de toucher à l'essentiel de l'humain. Sans fard, quand sexualité et désir s'invitent là où on ne l'imaginerait pas. Un livre coloré, en tout cas, pour l'auteure qui se plait à préciser le turquoise ou le pivoine d'un vêtement. Et pourquoi pas, une invitation à embarquer sur une de ces péniches qui sillonnent le Canal.

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>> Miteux et magnifiques • Evelyne Wilwerth • éd. MEO • 2014 • 139 p. • 15 EUR.

Fantaisiste à la mode belge

Les ours n'ont pas de problème de parking : avec ce titre, le ton est donné pour les neuf contes qui vont suivre. Bienvenue dans l'univers fantastique de Nicolas Ancion. Mais attention : qui dit merveilleux avec cet auteur liégeois, dit aussi farfelu, inquiétant, voire cruel. Au premier degré, les histoires ont quelque chose d'enfantin. Entendez un album de foot, objet de toutes les convoitises ; des peluches qui vivent, se sentent abandonnées, jalousent l'affection portée à un chat, etc. Le lecteur comprend vite que derrière la façade gentillette, ça bouillonne.

Un exemple avec cet extrait : “Ici, c'est plutôt calme, le gosse n'est pas encore rentré de l'école, tout est bien rangé. Ca sent l'humidificateur d'air aux arômes de sapin. Ça pue surtout le petit garçon gâté qui préfère son magnétoscope à ses peluches. Le jour où les jouets du monde entier s'uniront pour la grande révolution, il aura intérêt à prendre le maquis dans la minute.

En effet, les tueurs en série sont aussi de la partie. Tout le long, une forme de surréalisme domine. Du second degré ressortent la complexité et la perversité des rapports humains. Parmi les neuf récits publiés une première fois en 2001, notons Tête de Turc. Il est paru dans En Marche en décembre 2007 et raconte comment un homme engagé pour jouer au Père Noël dans un grand magasin s'élève contre une mère fière de son fils qui souhaiterait recevoir les droits de l'homme en cadeau plutôt qu'un jouet pour lui. Autre récit à signaler, le plus dérangeant du recueil : Le grand méchant Marc. Ici l'homonyme de Marc Dutroux finit par souhaiter être emprisonné à sa place. On replonge alors dans l'actualité belge la plus noire.

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>> Les ours n'ont pas de problème de parking • Nicolas Ancion • rééd. Espace Nord • 2014 • 207 p. • 8,50 EUR. • Téléchargeable sur http://ancion.hautetfort.com/

S'arrêter face à un tableau

Tout part d'une peinture ancienne : Le Ballon, de Félix Vallotton (1899), visible au Quai d'Orsay à Paris. Colette Nys-Mazure tire son récit de l'œuvre. Son livre est une invitation à explorer le tableau, avec elle. Forte de l'attention de cette spectatrice curieuse, de l'érudition d'une femme cultivée. D'un coup d'oeil rapide, on ne voit qu'une gamine courir derrière un ballon rouge.

Mais l'auteure entraine le lecteur à la découverte d'un image bien plus complexe. Elle parle de l'intrépidité de l'enfance, de la prudence frileuse des adultes, du drame de son enfance – la disparition de ses parents –, de la mort. Elle salue la liberté mise en scène par le peintre Vallotton, “à l'heure où l'on vit en surprotégeant les êtres, en les retenant de vivre pour les empêcher de mourir”. Un court récit où chaque mot apparaît choisi avec soin, dans un style mêlant poésie et quête philosophique.

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>> Valloton, le soleil ni la mort • Colette Nuys-Mazure • éd. Invenit • 2013 • 73 p. • 12 EUR.

En défiant la grande faucheuse

Simon Faucher veut mourir. A cent et trois ans, l'écrivain a déjà défié la grande faucheuse sans succès. Devenu quasi intime avec elle, il l'appelle Jeanine, en souvenir d'une vieille voisine. Il sait que Jeanine n'apprécie pas ceux qui s’autorisent à lui faire la leçon, qu'elle n'aime pas les hôpitaux par exemple. Il la décrit au bord du burn out quand elle en ressort, etc. Il désire tant qu'elle s'occupe de son cas, qu'elle confirme enfin sa condition de mortel.

Mais rien n'y fait, il est toujours vivant. Alors, l'ex-auteur de “romans à l'eau de rose” décide de tenter un nouveau genre plus sarcastique et de rire de la mort. Histoire d'agacer Jeanine, il se lance dans le récit de morts stupides : un plongeur retrouvé empalé au faîte d'un sapin, des frères siamois fauchés par une voiture alors qu'ils effectuent un pèlerinage pour remercier la Vierge d'avoir survécu à un accident de la route, une riche entrepreneur argentin qui fait une confiance aveugle à son GPS et meurt noyé...

Simon Faucher entend réaliser “un chef d'œuvre de littérature qui, par le seul pouvoir des mots, parviendra à tuer son auteur”. Quant à la véritable auteure, Justine Lalot, elle évoque son roman comme un exorcisme pour ceux qui – comme elle – ont (eu) peur de la mort. Elle alterne les récits écrits par Simon et ceux qui le décrivent lui, dans un cadencement alors propice à la lecture par bribes. Elle conseille d'écouter Mozart en tournant les pages, en plaçant chaque chapitre sous le thème d'un mouvement du Requiem.

Un roman “déjanté”, riche en imagination, qui se parcourt sourire aux lèvres, de situation cocasse en ironie du sort.

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>> A rats qui rient, raies qui aiment • Justine Lalot • éd. Luce Wilquin • 2014 • 256 p. • 20 EUR.

Le vieil enfant

Après tant d’années de silence et de désespoir, Célestin veut comprendre. Comprendre pourquoi, à l’adolescence, son fils Sylvain a perdu le goût de vivre et est devenu si agressif. Comprendre aussi pourquoi la charmante belle-fille et le petit-fils de 17 ans qu’il vient de découvrir fortuitement ont été abandonnés par ce fils rebelle. Comprendre enfin ce qui a décidé Sylvain de fuir à l’autre bout du monde sans donner d’explications ni de nouvelles.

Suite de Jolie libraire dans la lumière, le dernier roman en date de Frank Andriat est un écrin de poésie et de sensibilité sur les relations familiales, l’amour, les non-dits… Avec une plume vive et délicate à la fois, l’auteur bruxellois invite à suivre le cheminement d’un père désireux de faire la paix avec son fils, de renouer des liens qui ont pourtant toujours été difficiles entre eux. “Si je n’avais pas été écrivain, aurais-je été un bon père ?”, se demande Célestin, ce “vieil enfant”, comme le nomme tendrement sa femme Ambre. De son côté, prisonnier de ses secrets et de ses rancœurs pendant tant d’années, le moment n’est-il pas venu pour Sylvain de s’en libérer et de se réconcilier avec ce père enfermé dans ses livres? Ce sont bien des bouffées d’espérance qui se dégagent à la lecture de cette histoire.

Auteur d’un soixantaine de romans pour adultes et adolescents et de plusieurs essais, Frank Andriat vient aussi de publier Clés pour la paix intérieure, un petit guide de méditation pour cultiver la sérénité en toute simplicité (Ed. Marabout) et Le stylo, un roman jeunesse alerte qui ouvre les yeux sur la vie d’une classe à l’occasion du vol d’un stylo (Ed. Mijade).

//JD

>> Le vieil enfant de Frank Andriat • éd. Desclée de brouwer • 2014 • 168 p. • 12 EUR.

Des univers si particuliers

Pas de fioriture. À l'image de leurs titres résumés en un mot : Visiteuse, Hermétique, Epouse-moi, Musclée, Maitresse…, les quinze nouvelles de Véronique Janzyk sont de petits condensés. Ses phrases courtes ne s'attardent pas sur le paysage et passent par “la violence des mots, des gestes, la frénésie sexuelle, la démence psychiatrique”…

Les Fées penchées sont écrites en “je”. Cela amène le lecteur à écouter le temps de quelques pages différents personnages. Tous troublants, si ordinaires mais tellement curieux. Exemples ? Un fan de Mylène (Farmer) que chaque album de la star fait “rechuter en Mylène”, entendez : tomber en dépression. Une guenon qui s'interroge sur l'épaisseur de la vitre entre elle et les humains qui l'observent. Une culturiste en proie à des questions d'identité sexuelle. Une vacancière solitaire, préférant les “all in” pour observer ses coreligionnaires. Une animatrice “Tupper” qui s'identifie aux produits hermétiques qu'elle vante.

Les lecteurs d’En Marche reconnaîtront peut-être aussi dans la Marraine, activiste de Sea Life, toute acquise à la cause des bébés phoques (En Marche - décembre 2012) ou dans la Visiteuse, cette bénévole qui arpente l’hôpital (En Marche - juillet 2011).

Chaque fois, Véronique Janzyk fait apparaître furtivement une plaie, une écorchure, un état d'âme, un truc qui disjoncte. Néanmoins, ajoute-t-elle dans la bouche de sa visiteuse, “aucune pathologie ne m'effraie. Aucun pronostic. Mais comme tout le monde, je préfère les histoires qui se terminent bien”. La publication de Véronique Janzyk prend place dans le catalogue de Onlit éditions (www.onlit.net), éditeur belge nativement numérique, qui se consacre depuis 2006 à explorer et diffuser la création littéraire contemporaine, en phase avec l’évolution des nouvelles technologies.

//CD

>> Les fées penchées • Véronique Janzyk • éd. Onlit Books • 2014 • 98 p. • 12 EUR.

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