A suivre...
(21 avril 2011)
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vie et la mort
se touchent du doigt
Trafic d’organes,
un cauchemar éveillé ?
La
rumeur dite d'Orléans, propagée dans les années 60, laissait entendre que
les cabines d'essayage de plusieurs magasins de lingerie féminine de la
ville française piégeaient les clientes pour la traite des blanches. En
matière d'histoires nébuleuses et dramatiques mettant en scène la traite des
êtres humains, le trafic d'organes fait lui aussi recette. Fantasme ou
réalité? (1)
Début de cette année, le
Conseil de l'Europe a pris connaissance d'un rapport relatif au trafic
d'organes. L'instigateur: un sénateur suisse, Dick Marty, marchant sur les
traces de la Procureure Carla Del Ponte et des suspicions nourries par cette
dernière. Fin des années nonante, lors de la guerre du Kosovo, l'Armée de
libération du Kosovo aurait alimenté un trafic d'organes, exécutant des
prisonniers – principalement des Serbes – à des fins de transplantation(2).
Les récits sordides ne rempliraient ainsi pas seulement l'imagination des
créateurs de séries télévisuelles ou la presse à sensations. Ils ne se
limiteraient pas à constituer les ficelles de fictions à succès où intrigue
policière et technicité médicale se mélangent. Celles par exemple où un
agent assermenté découvre une ablation inquiétante.
Avéré ou
fantaisiste
Sur le terrain
ex-yougoslave, les soupçons ne sont pas neufs et continuent de susciter des
démentis d'autant qu'ils mettent en cause des personnages de premier plan,
comme l'actuel Premier ministre kosovar, Hasim Thaçi. Rumeurs? Faits avérés?
Supputations fondées? Hypothèses crédibles? L'Assemblée parlementaire
européenne engrange le rapport accablant du député Marty qu'elle prend au
sérieux. Elle engage les Etats à persévérer dans l'enquête, à construire –
quoiqu'il en soit - un cadre pénal susceptible de réprimer ce type de
trafic.
Le cas du Kosovo en
temps de guerre n'est pas isolé. D'autres “amputations” de force ont fait la
Une des médias. Comme la dénonciation de prélèvements d’organes sur des
condamnés à mort chinois. Début des années 2000, Amnesty International –
avec la Société britannique de transplantations, notamment – dévoilait ce
nouveau “business”, où les condamnés n'ont pas voix au chapitre, où les
dates d'exécution sont planifiées en fonction des besoins de greffe. "À la
'bourse' chinoise des organes, une cornée coûterait en moyenne 5.000$, un
rein 20.000$ et un foie 40.000$", informait l'organisation de défense des
droits de l'homme.
Ni se
vendre, ni être vendu
Car le commerce
d’organes serait luxuriant – le manque de donneurs est criant. Il amènerait
littéralement certains à se vendre, de gré, sans être prisonniers de guerre
ou condamnés à la peine capitale. La pauvreté accule à d'extrêmes
sacrifices. Le rein constitue un bon candidat pour ce genre de ‘deal’. Il
peut suffire d'un rein pour vivre, notre anatomie en renferme deux. Sa
conservation ne nécessite pas autant de précautions que d'autres organes.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avance en la matière un chiffre
noir: de 5 à 10 % des transplantations de rein relèveraient d'un trafic.
L'OMS ne le conçoit pas
autrement: en matière d'offre d'organes, pas de contrepartie pécuniaire, pas
de récompense de valeur marchande, pas de vente !
Et en
Belgique?
La législation belge
s'inscrit résolument dans le même sens, celui des droits de l'homme. "Le
corps humain ne peut faire l’objet d'un commerce: 'tout homme peut engager
ses services, son temps mais il ne peut se vendre ni être vendu. Sa personne
n’est pas une propriété aliénable'". Certes les réseaux mafieux de
recruteurs, les professionnels de la santé peu scrupuleux qui profitent de
ce marché sont à blâmer. Mais certainement pas les donneurs – victimes d'un
rapport de force inégal, qu'ils soient privés de liberté, ou qu'ils soient
acculés par la pauvreté.
C'est sur le terrain de
la traite des êtres humains que la lutte contre le trafic d'organes
s'organise en Belgique. Comme dans le cas de ce mariage blanc où le marié
s’assure la nationalité belge en échange d’un organe prélevé à l'étranger.
Si la commercialisation d'organes et les transplantations illégales ne
semblent pas se pratiquer à l’intérieur de nos frontières, comme l'explique
le Commissaire Wim Bontinck, la vigilance n’en demeure pas moins de mise.
Car notre voisinage proche n’est pas épargné. La police fédérale participe à
une surveillance internationale, alors que certains pays jouissent de la
triste réputation de pays sources et que le tourisme de transplantation
semble se développer. Donneur et/ou receveur se retrouvent par exemple dans
des hôpitaux pour pratiquer les transplantations, sous des latitudes pas
très éloignées comme en Turquie ou en Moldavie. Quel risque, mais aussi
quelle responsabilité que celle portée par les touristes de cette veine ! La
cellule ‘traite des êtres humains’ dit ne négliger aucun des témoignages qui
lui parviennent, analysant alors de manière critique les informations ainsi
révélées, tentant de distinguer fantaisie, rumeur et vérité.
Sur le sol belge, la
garantie de ne pas être mêlé à ce trafic tient surtout aux procédures de
transplantation en vigueur: elles respectent des règles strictes. Celles de
la gratuité du don, de l’anonymat du donneur aux yeux du receveur(3).
Surtout, la transplantation belge se fait forte de son intégration dans le
cadre de l'Euro-transplant. Les donneurs potentiels y sont référés. Les
receveurs également. L’analyse des “compatibilités” profite de cette échelle
plus large de collaboration entre pays(4) et s’appuie sur
des critères définis de groupe sanguin, d’âge, de degré d’urgence…
Voilà quelques motifs de
tranquillité quant à l’équité, à la justice sous-jacente à la
transplantation. Mais, attention, on parle ici de donneurs “cadavériques”.
La formation d'un couple “receveur et donneur vivant” relève, elle, de la
“débrouille”, de la démarche individuelle. Là, le risque d'une motivation
pécuniaire, de chantage affectif… n’est pas à exclure.
// Catherine Daloze
(1) Question abordée lors qu'une journée sur le don
d'organes et la transplantation organisée au CHU Mont Godinne, le vendredi 8
avril 2011.
(2) G.Berghezan, "Trafics d'organes: vers la fin de
l'impunité au Kosovo?", note d'analyse du GRIP, janvier 2011.
(3) Pour en savoir plus :
www.beldonor.be
(4) Eurotransplant gère l’allocation des organes pour les
centres de transplantation de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la
Croatie, le Grand Duché du Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie.
L’organisme noue également des contacts bilatéraux avec d'autres pays comme
la France.
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