A suivre...
(20 janvier 2011)
La guérison comme promesse
“La
médecine qui tue!”, titrait une récente émission diffusée par la RTBF.
Un duo de journalistes – Philippe Dutilleul et Nathalie De Reuck, y
dénoncent les pratiques de “la nouvelle médecine germanique” et l’emprise de
“thérapeutes” adeptes de la biologie totale. Leurs souhaits : mettre en
garde l’opinion publique face à ces pratiques et soutenir les accusations
éparses.
Leur démarche ne date
pas d’hier. Certains téléspectateurs se souviennent peut-être du
documentaire “Mort biologique sur ordonnance téléphonique”, diffusé
en décembre 2009. Certains lecteurs ont même peut-être cherché à en savoir
plus en lisant “On a tué ma mère ! Face aux charlatans de la santé”(1).
A l’écran, comme sur papier, est relatée l’histoire de Jacqueline Starck,
mère de la journaliste Nathalie De Reuck, décédée d’un cancer du sein, faute
de soins adéquats. La journaliste retrace le fil de ses souvenirs et le
parcours de sa mère face à ses maux.
Sur
des chemins bien sinueux, Jacqueline Starck a tenté de vaincre d’abord les
douleurs permanentes qui l’accablent sans diagnostic précis, ni médications
ou soins efficaces. “Tous ces docteurs sont dépassés. Pauvre médecine!
Pauvres de nous ! Espoir et patience… quelle belle devise”,
déclare-t-elle à l’époque. Médecins, thérapeutes défilent, jusqu’au prêtre
chargé de la désenvoûter. La guérison n’est jamais qu’une vaine promesse.
Puis un cancer du sein apparaît. Elle est convaincue par quelques
“thérapeutes” de n’accepter ni chimiothérapie, ni tout autre soin issu de la
médecine dite “classique”. Consultations par téléphone, pendules,
radiesthésie, kinésiologie, pseudo-thérapie familiale… devaient tout
arranger. Une conviction la guide, fondement de la “médecine nouvelle” :
toute maladie est la résultante d’un conflit psychologique traumatisant.
“Prendre conscience en son for intérieur du conflit à l’origine du symptôme
dont on souffre”, c’est le faire disparaître, résume Nathalie De Reuck,
impuissante. L’apparition de nouveaux symptômes sera considérée comme
stimulante, étape sur “le chemin incontournable de la guérison”.
Mais, la réalité fonce en sens inverse.
Deux mois avant de
mourir, Jacqueline Starck le comprendra. Elle confie à sa fille les notes
mais aussi des enregistrements de ses conversations avec ces “dérapeutes”(2).
Ces traces servaient à Jacqueline Starck pour suivre strictement leurs
conseils. Elles sont aujourd’hui autant d’éléments utiles pour attester des
manipulations à l’œuvre. Une plainte est déposée contre un ostéopathe et
deux “thérapeutes” – dont un est récemment décédé d’un cancer du cerveau… –
pour escroquerie, pratique illégale de la médecine et non assistance à
personne en danger.
Les
dangers de l’exclusive
Nathalie De Reuck
n’entend pas faire le procès de toutes les méthodes alternatives. “Je
veux éveiller l’attention et sensibiliser l’opinion publique aux dangers
réels de certaines d’entre elles. Mon but, c’est de permettre au citoyen de
prendre conscience qu’il a en main sa santé. Et qu’un choix mal inspiré peut
se révéler destructeur, voire mortel“, explique-t-elle. La prudence est
de mise mais pas le manichéisme qui entraînerait la condamnation de toute
alternative.
Les voies qui sont
différentes de la médecine classique ne sont pas toutes comparables. Il n’y
a pas lieu de confondre “le copain rebouteux du voisin qui apaise les
rhumatismes juste pour rendre service, les méthodes d’appoint comme la
diététique ou les massages relaxants et les praticiens véreux qui distillent
leur faux savoir, leurs illusions dangereuses et sectaires contre des
espèces sonnantes et trébuchantes”. C’est bien de “dérives sectaires”
dont on parle. Un phénomène en expansion dans le domaine de la santé et du
bien-être(3).
Fortes de promesses de
guérison et de recettes magiques, les pratiques à risque se développent en
nombre, portées par des thérapeutes bien souvent autoproclamés. Le réel
danger réside dans leur recommandation d’un usage exclusif ou abusif de
leurs techniques et traitements alternatifs. Avec eux, le patient se
soustrait à toute autre forme de suivi médical. Avec eux, il s’engage
souvent sur le terrain attirant des médecines ancestrales sans se rendre
compte qu’elles sont dévoyées. Avec eux, loin d’adopter la complémentarité,
il cultive une profonde méfiance envers la médecine “conventionnelle”, voire
un rejet complet. Avec eux, le thérapeute se fait omnipotent. Cette
exclusivité doit alerter.
Petite
enquête personnelle
Le Centre d’information
et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles(4)
invite à se poser plusieurs questions, pour maintenir aiguisé notre esprit
critique. Quelles sont les qualifications officielles du praticien? Les
méthodes de diagnostic et les traitements appliqués sont-ils reconnus
scientifiquement? La thérapie proposée exclut-elle toute autre forme de
traitement? Quel est mon état réel après quelques séances de traitement? Une
amélioration est-elle perceptible et est-elle due à ce traitement? Le
praticien sort-il de son rôle de soignant? Autant de questions auxquelles il
est parfois compliqué de répondre : il existe nombre de formations sans
reconnaissance académique et la loi Colla, qui prévoit l’enregistrement des
médecines non conventionnelles et de chaque thérapeute, ne se traduit pas
encore dans les faits.
S’interroger reste un
réflexe précieux. D’autres aspects feront office d’alarmes complémentaires:
les promesses de guérison peu crédibles ou encore les honoraires démesurés.
Car le business semble là aussi juteux.
Messages
à la médecine
Face à ces succès, la
médecine “classique” ne porte-t-elle pas une part de responsabilité? Elle
charie de lourds manquements. On connaît la prise en compte insuffisante des
facteurs humains et psychologiques par des médecins techniciens centrés sur
la pathologie, le manque d’empathie manifesté par certains praticiens aux
agendas minutés. On s’élève contre le business dans lequel baigne la
production des médicaments. On partage la conviction que soigner le corps ne
va pas sans prendre soin de l’esprit. On cherche souvent le sens que l’on
croit caché derrière une maladie. Mais “célébrer l’altruisme et rappeler
à la médecine scientifique que le patient n’est ni un cas, ni un numéro et
qu’il mérite attention et délicatesse, quand elle en manque, ne devrait
inciter personne à relâcher sa vigilance critique”(1).
//
Catherine Daloze
(1) N. De Reuck, avec P. Dutilleul, “On a tué ma mère! Face
aux charlatans de la santé”, éd. Buchet-Chastel, 2010.
(2) Comme on les nomme au sein de l’association
Psychothérapie Vigilance.
(3) D’après la Mission interministérielle de vigilance et de
lutte contre les dérives sectaires, en France :
www.miviludes.gouv.fr/
(4) 02/504.91.68 –
www.ciaosn.be
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