A suivre...
(5 mai 2011)
Des lendemains qui chantent
pour la Sécu?
“Le bel avenir de la sécurité sociale”. Le titre choisi par le
Mouvement ouvrier chrétien (Moc) pour guider ses travaux annuels porte en
lui-même un dilemme. Faut-il y adjoindre un point d’exclamation ou plutôt un
point d’interrogation? Faut-il adopter une attitude volontariste ou suivre
l’air du temps, propice aux mises en question du système?
Si l’histoire de la
sécurité sociale n’a pas été un long fleuve tranquille, si le système a
toujours fait débat entre la gauche et la droite, les contestations
apparaissent particulièrement aigues aujourd’hui, alors que se discute une
réforme de l’Etat. Des arguments chocs, comme celui des transferts inégaux
entre la Flandre et la Wallonie plombent le débat, où d’aucuns prétendent
que chaque famille flamande paie chaque année pour la Wallonie l’équivalent
d’une Polo. Pourtant, comme l’explique Paul Palsterman, du service d’études
de la CSC, il apparaît assez vain de “se lancer dans une bataille de
chiffres pour démontrer que la Polo n’est peut-être qu’une Dacia, voire un
scooter d’occasion, ou qu’à une certaine époque c’étaient les familles
wallonnes qui payaient chaque année une bicyclette aux Flamands, ou que ce
sont les Wallons qui ont financé la construction du port de Zeebruges et
l’agrandissement de celui d’Anvers”. Fondamentalement, rappelle-t-il
avec force, la sécurité sociale est un transfert. Des biens portants vers
les malades, des travailleurs vers les chômeurs et les pensionnés, etc. Et
ces transferts relèvent aussi de solidarités internes aux Régions
elles-mêmes. Ainsi, à ses yeux, remettre en cause les transferts, c’est
remettre en cause la sécurité sociale en tant que telle. Et s’engager dans
un recul social pour l’ensemble du pays, insiste le président du Moc,
Thierry Jacques.
La sécurité sociale
belge peut compter sur la force des valeurs qui la sous-tendent, rappelle
avec optimisme Pierre Reman, directeur de la Fopes. Ce sont la solidarité,
la justice distributive (chacun selon ses besoins) et commutative (chacun
selon ses moyens) et la dignité qui implique que l’homme n’est pas une
marchandise, qu’il est avant tout un citoyen amené à participer. Et
l’économiste d’expliquer combien la légitimité du système a son importance
pour l’avenir. “Voir l’avenir en noir n’est pas favorable à faire évoluer
un programme légitimement”, indique-t-il en proposant une lecture
positive des indicateurs.
Oui, la sécurité sociale
assure une fonction de régulation importante, qui ne pourrait exister sans
le rapport de forces construit entre les acteurs (mutualités, syndicats,
patronat…). Certes, tout n’est pas rose. L’art du compromis semble de plus
en plus ardu à mettre en œuvre. Comme Thierry Jacques le constate : “la
capacité à se mettre à la place de l’autre, à l’entendre et à comprendre ses
réalités”, se ferait plus rare, de même que le respect des règles qui
permettent d’organiser la vie en commun. Surtout les défis restent de taille
pour le système laissant d’aucuns sur le bord du chemin. En particulier au
regard de la situation de la jeunesse, insiste Pierre Reman. Il y a une
urgence sociale à remettre les jeunes sur le devant du débat public,
indique-t-il, parlant des plus faiblement qualifiés, avec comme objectif
principal l’accès à l’emploi.
Pour mener à bien la
mobilisation nécessaire, plusieurs invitations sont lancées, qui bousculent
les habitudes, questionnent les modes de vie.
Arrêter
de sanctionner la débrouille
Ainsi Christine Mahy, du
Réseau belge de lutte contre la pauvreté, invite à changer de regard sur les
personnes en situation de précarité. Cessons de les taxer d’irresponsables,
alors que finalement, c’est tout le contraire; la spirale de dépendance dans
laquelle elles se trouvent tient davantage aux conditions qui leur sont
imposées qu’à un manque de débrouillardise et de créativité. Reconnaissons
que leur potentiel est mangé par l’énergie dépensée dans le quotidien à se
loger, à assurer l’éducation des enfants, etc. Prenons conscience de
l’injonction paradoxale à laquelle les gens font face, qui incite à la
débrouille mais la sanctionne. Comme dans la problématique de l’habitat
permanent en camping. Cette manière d’auto-construire son habitat, dans un
contexte malaisé d’accès au logement, est “sanctionnable” aux yeux de
l’aménagement du territoire. N’est ce pas pourtant, pour certains ménages à
bas revenus, une manière d’innover, d’inventer des solutions, de prendre
leurs responsabilités?
Retourner
aux fondamentaux
Autre invitation :
interroger “la religion de la croissance” (dixit Thierry Jacques), donner
une nouvelle vigueur à l’approche classique de la protection sociale et de
l’Etat providence. Philippe Defeyt, pour l’Institut du développement
durable, évoque la perspective d’une société d’alter-croissance où
préoccupations environnementales, économiques et sociales s’interpénètrent.
A l’unisson avec l’économiste Tim Jackson, il enjoint: “Concentrons-nous
sur ce que nous attendons de l’économie. Nous serons surpris de constater
que cela se résume à un petit nombre de choses évidentes. Des ‘capabilités’
d’épanouissement. Des moyens de subsistance, peut-être un emploi rémunéré.
Une participation à la vie de la société, un certain degré de sécurité, un
sentiment d’appartenance, la capacité de partager une entreprise commune,
tout en cherchant à développer notre potentiel d’être humain”. Il ajoute
le besoin d’équité. Un élément altruiste qui participerait de notre niveau
de bien-être.
En clôturant les deux
jours de travaux, c’est finalement le point d’exclamation que choisit
Thierry Jacques, président du MOC pour terminer l’expression du bel avenir
de la sécu. “Nous sommes renforcés dans notre conviction: la sécurité
sociale fait partie intégrante de la solution aux crises que nous vivons de
façon particulièrement aigüe ces dernières années, mais qui se succèdent
depuis maintenant plus de 30 ans. Notre sécurité sociale a un bel avenir ! A
une condition : que nous continuions notre combat contre l’inégalité”.
// Catherine Daloze
>> Plus d'infos
sur la Semaine sociale qui s'est tenus les 20 et 21
avril derniers à Charleroi sur
www.moc.be
• Les différentes
interventions seront publiées dans un numéro spécial de la revue Politique
en septembre 2011.
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