A suivre...
(15 juin 2010)
Plus de 900.000 électeurs en voix off
Le 13
juin 2010 est derrière nous. Une grande majorité d’entre nous avons pris le
chemin des bureaux de vote et rempli notre “devoir de citoyen”. Pas simple
en ces temps troublés. Une certaine lassitude s'est emparée de nous, amenant
à douter de notre assiduité.
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B.Nd/BELPRESS |
La préparation des
élections s'est faite dans la précipitation. Mais la mobilisation n'en a pas
moins été grande pour inciter l'électeur à marquer son choix. “Allez
voter” a-t-on pu entendre ou lire. Les politiques l'ont martelé, certes,
mais aussi d'autres acteurs soucieux de l'acte démocratique. C'est que le
Net et les réseaux sociaux avaient semé l'inquiétude. On y trouvait des
appels à ne pas voter, des incitations à envoyer un signal aux responsables
politiques par le boycott, voire des pétitions. Et, fait nouveau,
remarquaient les inquiets(1), “les appels à ne pas aller
voter n'émanent pas seulement des ‘suspects habituels’: les anti – ou contre
– tout, mais aussi d'un segment de la population de gens actifs, impliqués,
que l'on ne saurait qualifier, a priori, d'antipolitiques”.
Clip télévisuel,
messages radiophoniques, éditoriaux ont été diffusés pour nous rappeler
l'importance de ce devoir. On pense à la voix de Jacques Bredael et au
message de l'asbl Les territoires de la mémoire: “le 13 juin, votez pour
résister aux idées d'extrême droite”. On pense au clip relayé notamment
par le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) sur les enjeux des élections qui
touchent la vie de chacun d'entre nous. On pense à l'éditorial d'Alda
Greoli, Secrétaire nationale de la Mutualité chrétienne, titré: “Voter,
gouverner: prendre ses responsabilités”(2). Elle y
enjoint au vote, à la prise de responsabilité tout simplement, en se
démarquant de certains coutumiers des consignes de vote.
Tout cela peut,
peut-être, sembler bien austère au regard des messages en sens contraire.
Comme celui d'un groupe créé sur le réseau Facebook: “le 13 juin, j'irai
pas voter, j'ai piscine”. 13.000 membres y auraient adhéré dont une
candidate… Alors qu'elle se présentait sur une liste électorale, elle avait
cru bon, sans penser aux conséquences, de se joindre à ce groupe “pour
rigoler”(3). Sa présence ajoute au désarroi face à la
teneur des propos qui circulent sur les réseaux sociaux: trait d'humour ou
réel engagement?
Belgique, village gaulois
Finalement, quels
messages ont été efficaces? Au lendemain des élections, ce sont surtout les
décomptes de voix qui prévalent. Ce lundi 14 juin, sur les antennes de La
première (RTBF), le politologue Jean Faniel avançait tout de même un
chiffre: 16% des électeurs inscrits ne sont pas allés voter ou ont voté
blanc ou nul. Il semblerait que ce score n'ait connu d'équivalent qu'en
1974. Néanmoins, d'élection en élection, les variations - si elles ne sont
pas négligeables - ne sont pas phénoménales (2% en plus que pour le scrutin
de 2007). Elles sont cependant questionnantes aux yeux des politologues. En
2007, Pascal Delwit, dans une chronique sur le thème: “Abstention, votes
blancs et nuls: un enjeu de l'élection en Belgique”, attirait
l'attention sur la problématique. “On en parle peu, mais sachons
néanmoins que cela représente pas moins de 900.000 électeurs!”. Oui, la
question de la participation au vote atteint aussi la Belgique, malgré
l'obligation à laquelle est tenu le concitoyen. En Europe, avec le
Luxembourg et la Grèce, nous faisons pourtant office de village gaulois du
geste démocratique généralisé. Nos autres voisins ne connaissent pas cette
obligation et font autrement face à la question de la participation. Etre
élu par un petit 30% de la population qu'on va représenter: voilà qui serait
une bien curieuse démocratie. Car c'est de la légitimité des élus qu'il en
retourne, et de leur représentativité. Finalement, notre pays ne devrait-il
pas être fier de son système “exceptionnel”? Et ses citoyens ne
devraient-ils pas profiter de la règle – non comme d'une contrainte
supplémentaire et sans portée – mais comme d'un acquis, d'une opportunité
même menue?
Flash dans l'isoloir
Ce n'est pas
gagné. Les élections à répétition, l'enlisement politique… en
viendraient à banaliser l'acte de voter. Et quand la Toile lève le
voile sur le secret des urnes, lorsqu'elle nous fait entrer dans
l'intimité du votant, on prend conscience d'une certaine
désinvolture. Sur les réseaux sociaux encore, des internautes se
sont exprimés sur leurs votes. Des statuts comme “Il est 11h30 et
je suis toujours indécis quant à mon vote” au “Marie a voté…”,
nombreux étaient les branchés, fiers de s'épandre sur les élections.
Plus surprenants, ceux qui, dès leur passage dans l'isoloir, mettent
en ligne la photo de leur bulletin de vote, vierge ou non. Cliché
pris avec leur GSM. Certains se vantent d'avoir fait des dessins ou
inscrit des petites blagues sur leur bulletin, rendant ainsi leur
vote nul… Ce qui attire les commentaires, souvent positifs, de leurs
amis facebookiens...
Les experts
connaissaient la pression sociale dans les campagnes qui, plus qu'en ville,
aurait pour effet de réduire le nombre d'absents au scrutin. Voilà que
surgit une autre influence qui vient ajouter à la difficulté de cerner ce
phénomène multiforme. Défaut d'information, choix délibéré, empêchement …
sont autant d'hypothèses… à suivre.
// Catherine Daloze
et Virginie Tiberghien
(1) Lire la carte blanche signée par des membres du Conseil
supérieur de l'éducation permanente dans le journal Le Soir du 26 mai: “Vote
obligatoire: ne pas jeter la démocratie avec l'eau du bain !”.
(2)
Voter, gouverner : prendre ses responsabilités,
éditorial paru dans “En Marche” le 6 mai 2010.
(3) Le Jour Verviers, 10 mai 2010, “Candidate
abstentionniste: une blague entre copines”
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