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A suivre... (18 mars 2004)

 

 

“Est-il utile de tromper le peuple ?”

 

Les Espagnols ont fait “le choix de la vérité”, affirmait le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, en choisissant de sanctionner le Parti populaire espagnol lors des élections générales du dimanche 12 mars dernier, après les attentats de Madrid.

 

José Maria Aznar devrait aujourd’hui reprendre à son compte la question posée par l’empereur Frédéric II en 1780 à toute l’Europe des sciences et de la pensée : “Est-il utile de tromper le peuple ?” Il semble plutôt que le gouvernement espagnol avait délibérément choisi de suivre le conseil de l’écrivain satirique irlandais Jonathan Swift qui, dans son traité sur “l’art du mensonge en politique”, observant le grand penchant des hommes de son temps “à croire les mensonges” , était persuadé que “le moyen le plus efficace pour combattre et détruire un mensonge est de lui opposer un autre mensonge… le mensonge politique [étant] l’art de convaincre le peuple, l’art de lui faire accroire des faussetés salutaires et cela pour quelque bonne fin.” Jonathan Swift ajoutait encore une petite remarque à communiquer à Tonny Blair : “Une abondance de mensonges politiques est une marque certaine de la liberté anglaise” (!)

Il est vrai que dans l’affaire irakienne, on n’en est plus à un mensonge près. Sur ce que représentaient exactement les armes de destruction massive, constate Caroline Paihle chargée de recherche au GRIP (1), les déclarations officielles américaines et britanniques n’ont cessé de varier au fil du temps. S’il s’agissait au départ de trouver et détruire des “ stocks massifs ” détenus par Bagdad, il fut ensuite question d’arrêter des “programmes” d’armement, puis des “capacités” de production et finalement des “capacités de développement”.

Après la guerre, les forces occupantes ont “désespérément” recherché les armes de destruction massive avec des moyens bien plus importants que ceux de l’ONU, un budget colossal et des équipes que l’armée américaine présentait comme beaucoup plus efficaces que les experts onusiens.

 

“Une guerre préventive inutile…”

De ces recherches, il n’est pourtant sorti aujourd’hui aucun élément significatif. Interviewé par le Whashington Post, le 3 février dernier, Colin Powell répond qu’il “ne sait pas s’il aurait recommandé une invasion de l’Irak s’il avait su qu’il n’y avait pas de stock d’armes interdites.” Et le 28 janvier 2004, l’inspecteur américain David Kay qui avait démissionné avec fracas quelques jours auparavant, alors que M. Bush s’appuyait sur son rapport pour tenter de justifier les opérations militaires en Irak (2) déclara : “Nous nous sommes pratiquement tous trompés… Il est temps d’analyser comment nous en sommes arrivés là.” Comme l’avait déjà observé la commission Tower, mise sur pied dans le cadre de l’Irangate en novembre 87 : “Les processus démocratiques (…) sont enrayés lorsque les renseignements sont manipulés pour influencer les décisions des élus et de la population.” C’est précisément ce qu’a fait l’administration Bush en effaçant toute trace de désaccord au sein des agences de renseignement afin de pouvoir réaffirmer la vision voulue de la menace irakienne, “les responsables évoquant les images de villes américaines noyées dans la fumée des champignons nucléaires irakiens, et d’un saddam Hussein fournissant des armes nucléaires et chimiques à Oussama ben Laden.” (3)

La guerre en Irak, résume le GRIP dans une note de synthèse (3), a mobilisé des moyens énormes (coût de la guerre : plus de 70 millions de dollars) alors que les buts présentés pour la justifier se sont en fin de compte révélés faux. Aucune arme de destruction massive n’ a été trouvée et le lien entre Saddam Hussein et Al Qaïda était inexistant. Selon Jeffrey Record, travaillant pour un centre de recherche de l’Armée américaine, “sous la bannière d’une guerre mondiale contre le terrorisme (…), le gouvernement américain a conduit les Etats-Unis à mener un combat injustifié et sans fin”. Selon lui, la guerre en Irak est “une guerre préventive inutile (…) qui ne participe pas à la guerre mondiale contre le terrorisme, mais a plutôt constitué un détournement de celle-ci.”

 

Revenons à Jonanthan Swift, qui, rappelons-le, est aussi l’auteur des “Voyages de Gulliver”. Cette histoire, détournée en contes pour enfants, n’est rien d’autre qu’une dénonciation de la dérive de la condition humaine s’éloignant du lieu de la Vérité. La cité livrée à la corruption, le monde va au désastre par l’intrigue et le mensonge. Gulliver, dans ses voyages, témoigne de cette expérience tragique engendrée par les menteurs et la trop grande quantité des mauvais messages qu’ils veulent nous débiter : “Quand il y a trop de vers à l’hameçon, écrivait-il, il est difficile d’attraper des goujons”. 

 

Le mensonge en politique (ou l’art du mentir-vrai) est un art subtil qui obéit à des règles savantes que l’on pourrait ainsi résumer : soustraire les mensonges à toute vérification du vraisemblable, ne jamais dépasser les bornes du vraisemblable, créer des variations à l’infini, rationaliser la production de contrefaçons politiques en instituant des “sociétés de menteurs”

 

Christian Van Rompaey

 

(1) “Bilan d’un an de guerre en Irak. Analyse des coûts et des éléments déclenchants.” Caroline Pailhe (15 mars 2004). Un rapport du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité).

(2) Le Monde 24 janvier 2004.

(3) “Les États-Unis à contre-courant. Critiques américaines à l’égard d’une politique étrangère unilatéraliste.” Ouvrage collectif réunissant une série d’essais d’auteurs américains démontrant que l’opposition à la guerre couvre un très large spectre de l’opinion publique américaine. Introduction de Jean-Paul Marthoz (12,90 Euros). Éditions du GRIP et éditions Complexe (2004).

 

Renseignements : GRIP, Rue Van Hoorde, 33 - 1030 Bruxelles - Tél. 02/241.84.20 - www.grip.org  - admi@grip.org 

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