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A suivre... (15 janvier 2004)

 

États-Unis : une réforme “historique”

de l’assurance-maladie

 

Le 8 décembre dernier, le président américain, George W. Bush apposait sa signature au bas d’une loi réformant le système fédéral d’assurance maladie des personnes âgées et handicapées (le “Medicare”) après que la Chambre des représentants et le Sénat l’aient voté au terme d’un débat très tendu.

 

Ce vote est une victoire incontestable pour le président Bush. Cela fait en effet 40 ans que le Medicare (1) n’avait connu un tel changement. Les deux grands partis américains, démocrates et républicains, ont toujours tout fait pour empêcher toute extension du Medicare afin qu’aucun des deux partis ne puisse en tirer un avantage politique. Mais aujourd’hui chacun d’eux estimait que jouer la carte de l’immobilité pourrait leur être reproché… et sanctionné aux prochaines élections, comme l’explique Theodore Marmor, professeur de gestion publique à l’Université de Yale dans le quotidien français “Le Monde”(2).

Pour George W. Bush, cette réforme est “historique” parce qu’elle “va permettre de fournir des soins de meilleure qualité aux personnes âgées vivant aux États-Unis”. Effectivement, les personnes âgées ayant de faibles revenus et ne disposant pas d’une assurance privée pourront obtenir le remboursement partiel de leurs médicaments alors que, jusqu’à présent, les assurés du programme Medicare n’étaient remboursés que pour les frais de médecin ou d’hospitalisation (3).

A première vue, cette réforme peut apparaître comme un aubaine pour les seniors. A y regarder de plus près, le texte de la loi signifie un changement profond du programme Medicare mis en œuvre en 1965 par les démocrates sous le président Lyndon Johnson, car il prévoit la mise en concurrence du programme Medicare avec les assurances privées commerciales à partir de 2010. Si cette réforme est “historique” pour reprendre les mots du président américain, ce n’est pas pour les raisons qu’il avance. La loi contient en effet nombre d’articles tout à l’avantage de l’industrie pharmaceutique et hostiles aux principes sociaux du Medicare. “L’idée, explique Philippe Pignarre, ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, est de faire gérer la sécurité sociale par des assurances privées en concurrence” (4). Si la direction du regroupement national des retraités qui compte 35 millions de membres a apporté son soutien à la réforme, les sondages cités par la presse américaine montrent que cette approbation est contestée. Les démocrates ne peuvent que dénoncer la porte ouverte à la privatisation du système d’assurance maladie public estimant qu’il va surtout profiter aux compagnies d’assurance ainsi qu’aux sociétés privées (commerciales) de gestion hospitalière, comme l’affirmait le sénateur Ted Kennedy tout au long de ce débat.

 

Une révolution sociale américaine

Le coût de la réforme est estimé à 400 milliards de dollars sur dix ans (2006-2016). Selon des estimations des services budgétaires du Congrès, plus du quart de cette somme sera octroyée aux entreprises privées commerciales dans le secteur de la santé sous forme de paiements directs et d’allègements fiscaux.

Medicare se voit interdire toute négociation sur les prix. Il sera impossible pour le Medicare d’utiliser sa puissance d’achat pour peser sur les prix des médicaments.

Par ailleurs, les mécanismes de limitation des dépenses feront en sorte que le privé ne pourra que se retourner vers les bénéficiaires lorsque la croissance des coûts deviendra insupportable. On sait qu’aux États-Unis la croissance des coûts en soins de santé est galopante (14% du PIB américain contre 9% en Europe pour un service global moins bon et plus inégalitaire), et que le coût de gestion des assurances privées est beaucoup plus élevé qu’en Europe.

Philippe Pignarre tire la sonnette d’alarme car il voit la France et l’Europe en général s’inspirer du modèle américain (4) : “C’est une véritable révolution sociale… L’État abandonne toutes ses fonctions de protection sociale : retraite, chômage, assurance-maladie, et les remet entre les mains des sociétés privées. Toute spécificité est retirée aux sociétés organisées sous forme mutualisée, à l’origine de toutes les formes socialisées de redistribution. Les mutuelles sont mises dans l’obligation légale de fonctionner sur le modèle des assurances privées. L’État n’intervient plus qu’en dispensant des réductions d’impôt, forcément inégalitaires…” (5).

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Actuellement, aux États-Unis, plus de 40 millions d’habitants ne disposent d’aucune couverture en cas de maladie. Les personnes âgées et les pauvres sont protégés par des programmes publics : le Medicare et le Medicaid. Le reste de la population est libre de contracter une assurance privée proposée, pour l’essentiel, par les entreprises.

(2) “Quand Bush se déguise en social-démocrate” par Theodore Marmor (Le Monde 8/01/2004)

(3) “Une réforme historique pour les seniors américains” (Espace Social européen (N°661)

“Etats-Unis : les personnes âgées auront un meilleur accès aux médicaments” (Le Devoir, quotidien canadien - 26 novembre 2003 ).

(4) “Assurance-maladie : la cruelle leçon américaine” par Philippe Pignarre (Le Monde 8/01/2004).

(5) Lire également sur le même thème “L’Etat et le marché” l’éditorial d’Edouard Descampe en page 16 de ce numéro.

 

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