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Social (21 mars 2013)

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Ce que Bruxelles révèle

© Patrick Gueneau

Prochainement, certaines politiques de santé, d’emploi… passeront des mains de l’Etat fédéral aux entités fédérées. Ainsi le prévoit la 6ème réforme de l’Etat décidée en 2011. Aujourd’hui, c’est la mise en pratique concrète qui occupe nos responsables politiques. Dans ce débat, Bruxelles apparaît comme un révélateur, un miroir grossissant, trop peu entendu(1). S’y posent avec acuité les questions de voisinage entre entités, de coopération entre les politiques, de cohabitation entre les ressortissants de telle ou telle Communauté…

Quel réceptacle pour les compétences transférées? Les Régions? Les Communautés? Quelle cohérence entre les politiques une fois qu’elles sont devenues wallonne, flamande, bruxelloise, francophone ou germanophone? Quel mode de gestion? Quel financement? Voilà à grands traits les interrogations. Elles peuvent paraître abstraites formulées de la sorte. Les réponses, pourtant, auront des conséquences très concrètes pour les citoyens. Quelques exemples en vitesse. En maisons de repos (matière transférée), l’échelle de dépendance utilisée pour déterminer les besoins de soins restera-t-elle identique ou sera-t-elle variable entre institutions selon l’endroit où elles se trouvent? La mesure sera-t-elle différente de celle utilisée dans le secteur de l’aide à domicile (matière qui reste fédérale) ? Les voiturettes pour personnes à mobilité réduite coûteront-elles plus cher en Wallonie qu’en Flandre?

Eviter les dispositifs rivaux

Un des risques majeurs réside dans la concurrence entre les dispositifs. En particulier sur le terrain bruxellois. Selon les subsides octroyés aux institutions par l’autorité publique concernée, selon les conditions salariales en vigueur dans la région, les prestations, les soins, leur couverture pourrait varier d’une partie à l’autre du pays, voire même à Bruxelles en fonction de l’entité compétente. On sait, par exemple, que la Flandre dispose de davantage de moyens que les autres régions. Elle pourrait décider de pratiquer des barèmes plus élevés en maison de repos pour le personnel infirmier. Ainsi, une infirmière trouverait un avantage financier à travailler dans une maison de repos relevant de la Région flamande, plutôt que dans une maison de repos relevant de la Région wallonne ou bruxelloise.

Bruxellois, une identité en soi

Plane, sur ce chantier, le spectre des “sous-nationalités”. Elles contraindraient pour chaque Bruxellois à marquer son appartenance à la Communauté française ou à la Communauté flamande. Une véritable gageure alors que les origines s’entremêlent, que la mobilité nous caractérise de plus en plus. Un régime de sous-nationalités pourrait entraîner – faute de troncs communs – des inégalités de traitements entre habitants d’un même espace. Voire même mettre en péril le système de sécurité sociale par essence obligatoire et égalitaire, observe Paul Palsterman, juriste au service d’études de la CSC. “La majorité des Bruxellois ne souhaitent pas qu’on instaure un tel système de sous-nationalités”, affirme Denis Grimberghs, vice-président des Mutualités chrétiennes et mandataire bruxellois, en évoquant les risques sous-jacents de fortes tensions sociales et communautaires, telles que cela a pu se produire dans d’autres pays pas si éloignés de la Belgique. Aujourd’hui, avec les écoles ou les institutions culturelles, le système est optionnel, précise-t-il, c’est-à-dire qu’il est possible pour l’habitant de la Région bruxelloise de choisir le service auquel il va recourir. Celui-ci inscrira son petit dernier dans une crèche agréée par Kind en Gezin tandis que l’aîné fréquente une école francophone. Celui-là a inscrit ses enfants dans l’enseignement flamand tout en ayant pris un abonnement dans un théâtre francophone, etc. Par contre, il n’est pas possible aux autorités publiques de la Région bruxelloise de fixer des obligations à l’égard des personnes qui soient différenciées. Les droits doivent être identiques.

Ainsi, la Flandre, alors qu’elle mettait en place la “zorgverzekering” (assurance dépendance), a dû se résoudre à laisser le mécanisme facultatif en Région bruxelloise, alors qu’il est obligatoire en Région flamande. Cette mesure a néanmoins amené le secteur des soins de santé bruxellois à expérimenter ce que pouvait donner la coexistence de systèmes différents. Certes à la marge, puisqu’il ne concerne finalement que la perte d’autonomie, mais comme “un test grandeur nature d’une défédéralisation des soins de santé(2). “Nous avons mesuré l’inquiétude que cela soulève chez les gens, quant à l’efficacité de leur assurance. Et aussi les tensions que cela engendre entre les intérêts personnels et la participation à une solidarité générale”, explique Christian Kunsch, directeur de la Mutualité Saint-Michel.

Et la solidarité ?

En dressant les grandes lignes de la 6ème réforme de l’Etat, le gouvernement cite explicitement la Cocom – Commission communautaire commune(3) – sur Bruxelles afin d’accueillir “les compétences qui impliquent pour les personnes des obligations ou des droits à une intervention ou à une allocation”, et pour ce qui concerne “les institutions bicommunautaires”. En se tournant vers cette Commission – dont la spécificité est d'être bilingue tout en gérant des matières par essence dévolues aux Communautés – , on peut éviter que les Bruxellois francophones et Bruxellois flamands touchent par exemple des allocations familiales différenciées selon leur régime linguistique. Une marge de discussion reste cependant possible quant aux entités réceptacles des matières transférées.

Contraindre à choisir une langue, une communauté ou déterminer arbitrairement les appartenances a-t-il vraiment du sens? D’autant que comme le rappelle Christian Kunsch selon le principe mutualiste : “plus on est nombreux, mieux on répartit le risque”.

//CATHERINE DALOZE

(1) Ce 2 mars, la Mutualité Saint Michel a organisé une table ronde autour des enjeux liés aux transferts de compétences et à l’impact sur les Bruxellois, qui a réuni un large public. Certaines présentations sont disponibles sur demande auprès de communication.bxl[at]mc.be

(2) “La saga de l’assurance dépendance”, article de Denis Grimberghs paru dans la Revue nouvelle, juin 2002.

(3) La Cocom est l’institution bruxelloise qui gère les compétences bi-communautaires, essentiellement en matière de santé et d’aide aux personnes, entre autres des aspects tels que l’agrément des hôpitaux et des maisons de repos, les services d’aide et soins à domicile…

Traits de caractère bruxellois

En savoir plus

Le Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques) a pour objet l’étude de la décision politique en Belgique et dans le cadre européen. Il publie régulièrement analyses et études dans ces domaines. Son Courrier hebdomadaire n°2129- 2130 (2012) étudie l’impact qu’aura l’accord de réformes institutionnelles sur Bruxelles.

L’auteur, Jean-Paul Nassaux, parcourt entre autres les transferts de compétences aux communautés et aux régions, sous l’angle bruxellois : emploi, soins de santé, aide aux personnes, allocations familiales, justice, mobilité... Il présente la méthode actuellement mise en place par la Région bruxelloise et par la Cocom afin de se préparer à l’exercice de ces nouvelles compétences. Il évoque aussi le refinancement de Bruxelles. Notons que le Courrier hebdomadaire précédent (n°2127-2128), sous la plume de Paul Palsterman, s’attache aux aspects sociaux de l’accord.

>> Plus d’infos : 02/211.01.80 - www.crisp.be

> Lieu de transit pour Wallons, Flamands, etc.

Bruxelles se caractérise par une grande mobilité. La Région compte quelque 20.000 habitants en plus chaque année. 80.000 y entrent, et 60.000 en sortent, dont un certain nombre de jeunes familles, pour s’établir en dehors de la ville. Tous concernés un temps par les enjeux bruxellois. Les hôpitaux bruxellois soignent 30% de non-bruxellois. “Ceci implique qu’il faudra aller plus loin qu’étudier les besoins des Bruxellois dans les investissements futurs en matière de lits hospitaliers”, observe le chercheur Olivier Gillis (Recherches et développement MC). Sans oublier que Bruxelles compte une part importante de ressortissants et personnes d’origine étrangère dont le néerlandais ou le français n’est pas toujours la langue maternelle.

> Une population fragilisée

Bruxelles est particulièrement atteinte par la précarité : 28% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un chiffre confirmé par les statistiques d’affiliation à la MC pour Bruxelles: 25% des membres bénéficient de l’intervention majorée (Bim ou Omnio), contre 13% en Flandre et 17% en Wallonie (selon les données relatives aux membres MC - 2011). Un Bruxellois sur cinq (20%) renonce ou postpose des soins médicaux (visite chez le médecin, achat de médicaments) pour des raisons financières. Ce taux est de 10% au niveau national. Et la Mutualité Saint-Michel de constater l’accès plus difficile aux dispositifs de santé pour ce public fragilisé, le manque d’information de ces personnes sur les dispositifs sociaux existants. En multipliant les systèmes, en éclatant les compétences, on risque d’aggraver la situation. Par exemple, les tickets modérateurs pour certains soins gériatriques et de revalidation ne seront plus, à l’avenir, repris dans le Maf – maximum à facturer(1) – fédéral, et risquent de ne pas être couverts par les entités fédérées.

> Etranglements financiers

La Cocof (Commission communautaire francophone) a recueilli, au début des années 90, des matières transférées de la Communauté française en Région bruxelloise. Dans le domaine de la santé, il s’agissait des maisons médicales, des services de santé mentale, des centres de coordination des soins à domicile... La Cocof se trouve cependant étranglée financièrement, et sans pouvoir fiscal. Contrairement à la Région. Mais la Région bruxelloise fait face également à une situation particulière : nombreux sont les Wallons et les Flamands à venir y travailler mais qui n’y résident pas, et donc n’y payent pas d’impôts. Bruxelles est comme condamnée à entretenir les meilleures relations possibles avec ses voisins pour son refinancement. D’autant, qu’il s’agira de veiller au financement de nouvelles compétences. On pense aux maisons de repos et maisons de repos et de soins. La clé de répartition du budget fédéral décidé pour accompagner ce transfert se base sur la population des plus de 80 ans. Sachant que les maisons de repos bruxelloises hébergent, comparativement à leurs homologues wallonnes ou flamandes, un public plus jeune avec des problèmes de santé aigus, le financement tel qu’envisagé posera – plus qu’ailleurs encore - un problème criant.

> Institutions complexes

Six législateurs interviennent sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale. La concertation est plus que de rigueur.

(1) Le Maf garantit à chaque ménage que ses dépenses en soins de santé ne dépasseront pas un certain montant annuel, fixé en fonction du statut et des revenus annuels du ménage.


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