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Social (24 janvier 2013)

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Grand déménagement politique

Certaines politiques de santé, d’emploi… passeront dans les mains des entités fédérées. Après l’accord institutionnel pris, l’heure est à la concrétisation. Les parlementaires wallons et bruxellois auditionnent des experts. La Communauté germanophone y travaille aussi. Pas simple pour le citoyen de s’y retrouver. La complexité des débats ne devrait pourtant pas occulter leur portée. Tentative d’éclaircissements.

Fin 2011, un accord est conclu pour une réforme de l'Etat. Il tiendra lieu de programme pour le gouvernement fédéral qui se forme alors. Le précédent gouvernement était tombé en avril 2010 (élections en juin 2010), soit seize mois auparavant. La longueur de cette crise politique est révélatrice de la délicatesse des débats. Finalement, l'accord détermine, entre autres, la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvoorde. Il prévoit aussi le transfert de compétences de l'Etat fédéral vers les entités fédérées, c'est-à-dire de donner aux parlements et gouvernements régionaux et/ou communautaires la charge de gérer des domaines qui, jusqu'à présent, incombaient à l'Etat fédéral(1). Ce n'est pas une première. Il s'agit de la 6ème réforme de l'Etat, et toutes ont défini des transferts. L'accord tient en quelques pages. Des précisions s'imposaient. Elles se négocient actuellement.

(1) Le texte de l'accord est disponible sur www.belgium.be : "Accord institutionnel : le formateur reçu par le Roi" (11 octobre 2011).

Acteurs

© www.belgium.be

Le transfert vers les entités fédérées – et le débat en cours sur la communautarisation (c'est à dire le transfert du Fédéral aux Communautés) ou la régionalisation (c'est-à-dire le transfert du Fédéral aux Régions) – nécessite peut-être un rappel sommaire de qui elles sont. Et de remarquer d'entrée de jeu que le découpage de l'Etat belge n'est pas marqué par la simplicité.

La Belgique se compose de trois Communautés (flamande, française et germanophone), correspondant aux trois langues officielles du pays, et définissant les politiques scolaire, culturelle, sportive... Petite subtilité, en lieu et place de Communauté française, on parle aujourd'hui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La Belgique se compose également de trois Régions (flamande, de Bruxelles-Capitale et wallonne), selon un découpage territorial, et habilitées dans les politiques économique, d'aménagement du territoire, agricole.... Seconde subtilité, côté flamand, Communauté et Région ont fusionné pour ne former qu'un seul Gouvernement et un seul Parlement. Troisième subtilité, sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, les compétences relevant des Communautés sont exercées en fonction des institutions/services concernés par la Cocof (Commission communautaire francophone), la Cocon (Commission communautaire néerlandophone ou VGC pour Vlaamse Gemeenschapscommissie) ou la Cocom (Commission communautaire commune).

Cette dernière - dont la spécificité est d'être bilingue tout en gérant des matières par essence dévolues aux Communautés - est nommément citée dans l'accord sur la réforme de l'Etat. Notamment en ce qui concerne les allocations familiales des enfants bruxellois. Le rôle de la Cocom est de faire vivre au mieux le bi-communautaire à Bruxelles, d’éviter les sous-nationalités sur le sol bruxellois. Certains craignent que son mode de fonctionnement entraîne des blocages aux accents Nord/Sud. De fait, au niveau du Collège des ministres de la Cocom, tout acte est soumis à la double signature d'un ministre francophone et d'un ministre néerlandophone. Si l'un refusait de signer, tout en étant soutenu par son groupe linguistique au sein de l'assemblée parlementaire de la Cocom, il pourrait paralyser le système.

Matières

Les politiques concernées par le transfert ont trait à l'emploi (contrôle des demandeurs d’emploi y compris l’exécution des sanctions, études et formation des demandeurs d’emploi, titres services, congé éducation...), aux soins de santé, à l'aide aux personnes, aux allocations familiales, à la mobilité (limitation de vitesse…), à la justice (application des peines, droit sanctionnel de la jeunesse). Une des particularité de cette 6ème réforme de l'Etat, est qu'elle touche, pour la première fois, à des prestations de sécurité sociale.

Détail des matières transférées en soins de santé et aide aux personnes

Personnes handicapées : les aides à la mobilité (voiturettes…) • l’allocation pour l’aide aux personnes âgées (APA).

Politique hospitalière : les normes d’agrément des hôpitaux, services, fonctions, programmes de soins hospitaliers • les investissements en infrastructures et appareillage médical lourd.

Personnes âgées et soins “long care” : la compétence complète (y compris la fixation du prix réclamé aux résidents) en matière de maisons de repos, maisons de repos et de soins, centres de soins de jour, de court séjour, services gériatriques et spécialisés isolés • certaines conventions de revalidation (malentendants, rééducation fonctionnelle ou motrice…).

Santé mentale : les plateformes de santé mentale • les maisons de soins psychiatriques • les initiatives d’habitations protégées.

Prévention : ce qui restait au fédéral (matière déjà confiée largement aux Communautés en charge de l'éducation sanitaire, de la médecine préventive) • le Fonds de lutte contre les assuétudes.

Soins de santé de première ligne : le soutien aux métiers de la santé de première ligne et l’organisation des soins de première ligne (le fonds Impulseo, les cercles de médecins généralistes, les réseaux locaux multidisciplinaires, les services intégrés de soins à domicile, la prévention par les dentistes…) • les réseaux palliatifs et les équipes multidisciplinaires palliatives.

Enveloppes

Les transferts financiers accompagnant les compétences s'élèvent à un montant total de 16,9 milliards. Pour le secteur des soins de santé, les matières transférées représentent pas moins de 16% du budget de l'Assurance soins de santé obligatoire en 2011 – soit environ 4,2 milliards d'euros. Le financement tel qu'il a été négocié fait craindre que les enveloppes dévolues à chaque compétence ne soient pas suffisantes. Quelques exemples.

Sur le terrain des maisons de repos, les dépenses de l'Inami (fédéral) augmentent en moyenne chaque année, depuis 10 ans, de 7,5% (hors inflation). Le mécanisme de financement prévu dans la réforme ne permettra pas de maintenir ce rythme de croissance. Or on sait, au regard du vieillissement de la population, que les besoins augmenteront encore. A noter qu’en matière de soins de santé, seuls les services et les prestations sont comptabilisés dans les montants à transférer (tels qu’ils sont repris dans l’accord). Les frais d'administration des soins des santé (3 à 4% des dépenses) doivent encore être calculés. Sur le terrain des allocations familiales, le principe retenu pour répartir les montants fédéraux est celui de “un enfant mineur = un enfant mineur”, sans prise en compte des suppléments octroyés aux familles en raison de leur situation familiale ou sociale, sans distinction de rang qui viennent soutenir les familles plus nombreuses, sans tenir compte du fait que des allocations sont actuellement octroyées aussi aux 18-25 ans qui poursuivent des études. Pour maintenir le niveau actuel des allocations familiales aux familles bruxelloises et wallonnes, il faudra trouver un financement complémentaire.

Plus globalement, en travaillant par matière, n'affaiblit-on pas l'assiette globale? On ne facilite en tout cas pas les compensations entre les branches de la sécurité sociale, la solidarité entre elles, qui est de mise au fédéral. On risque également de réduire les économies d'échelle. Prenons l'exemple des voiturettes remboursées actuellement par l'Inami. Leur prix négocié au fédéral auprès des fabricants bénéficie de l'effet du nombre. Si les négociations se mènent par les différentes entités fédérées, donc sur des quantités moindres, le prix à l'unité risque d'augmenter. On peut tenir le même raisonnement pour les vaccins.

Enjeux

Quel réceptacle pour les compétences ? Effectuer le choix des entités auxquelles seront attribuées les compétences n'a rien d'anodin. La formulation de l'accord institutionnel laisse des portes ouvertes à ce propos. Un exemple : l'accord parle de communautarisation pour les soins de santé, mais il n'exclut pas la régionalisation, en mentionnant quelques lignes plus bas les accords de la Saint Quentin (1993), qui fixent eux les conditions du transfert des compétences de la Communauté française vers la Région wallonne et la Cocof.

Quelle cohérence dans les matières à l’avenir ? Avec l'éclatement des compétences dans les diverses entités, on peut craindre l'apparition de divergences dans les protections sociales. Les couvertures risquent de ne plus être identiques que l'on soit wallon, flamand ou bruxellois, que l’on relève de l’une ou l’autre Communauté. Un problème d'autant plus criant pour Bruxelles où pourraient se côtoyer de près des régimes très différents, où l'on craint d’assister aussi au déménagement vers d'autres Régions du pays des ménages, en fonction des avantages en vigueur. Il s’agit de prévoir et baliser les accords de coopération entre les entités.

En outre, plus nombreuses sont les structures gestionnaires, plus le risque de complexité administrative est grand. La coordination entre les politiques et les réglementations mais aussi entre les administrations, entre les services, inquiète.

Quelle accessibilité ? Prenons l’exemple des services de revalidation, matière transférée. Ils ne sont pas répartis de manière uniforme sur le territoire belge. Si les conditions d’accès et de paiement devaient varier en fonction de la région où ils se situent, on assisterait à des différences de traitement entre patients. D’autant que les coûts liés à cette revalidation ne participeront plus du calcul du Maximum à facturer (Maf), établi – lui – au niveau fédéral. A moins d’intégrer ces tickets modérateurs dans le Maf fédéral. Un scénario complexe, si chaque entité fixe ses propres règles de financement, et donc la part à charge du patient.

Quel mode de gestion ? Le modèle de concertation sociale à l’œuvre aujourd’hui ne voit pas son avenir assuré. Les partenaires, dont la Mutualité chrétienne, rappellent l’intérêt de ce mode de co-gestion, qui permet à la concertation sociale (employeurs et syndicats) mais aussi aux acteurs de soins de santé (prestataires et organismes assureurs) de définir les besoins, de décider des moyens à mettre en œuvre, tout en offrant un gage de stabilité, contrairement au paysage politique qui change au gré des élections.

Quel financement ? Le glissement vers un financement privé – faute de moyens transférés – fait partie des risques. Les organisations marchandes sont déjà présentes dans certains secteurs comme les maisons de repos, faute d’une offre suffisante par les pouvoirs publics ou faute de moyens publics suffisants pour les acteurs non marchands du privé (asbl). Or la privatisation croissante inquiète, entre autres, pour le risque de marchandisation qu’il comporte, et l’accessibilité aux plus bas revenus. Le sous-financement risque d’accentuer les inégalités – et la concurrence – entre les entités fédérées, et donc entre les citoyens.

Délais

On évoque le 1er janvier 2014 pour la mise en œuvre de ces transferts. Ceci implique que les différents accords de gouvernement et les modalités de fonctionnement soient prêts au début de l'été. Certaines voix s'élèvent déjà pour annoncer un report au 1er janvier 2015...

// CATHERINE DALOZE


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