Santé publique
(7 juillet 2011)
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La ronde infernale des régimes amaigrissants
L’été est là. Il était d’ailleurs en avance cette année, perturbant ceux (et
celles surtout) qui s’étaient décidés “à faire régime” dès la fin de l’hiver
pour être prêts à entrer dans leurs vêtements légers et à se dévêtir plus
sereinement sur la plage. Et si l’on remettait un peu les pendules à l’heure
à propos des régimes amaigrissants?
“Après les vacances de Pâques, j’était bien décidée à
perdre les cinq kilos pris cet hiver, confie Myriam.
Cinq kilos, c’est une taille. Pas question d’imaginer acheter une
nouvelle garde-robe d’été. Je me suis dit : j’arrête les frites, la sauce,
les doigts trempés dans le chocolat, les apéros en semaine; je ne finis plus
les collations des enfants; je ne fais plus mes courses l’estomac vide; je
mange mes cinq fruits et légumes par jour; je bois davantage d’eau; je zappe
les grignotages entre les repas, les chips et la glace devant la télévision,
le soir…”. Résultat? Myriam a tenu quelques jours… jusqu’au week-end
suivant en fait, bien fourni en tentations culinaires entre l’anniversaire
du petit, le diner chez belle-maman… (mais ressers-toi!) et les pizzas
sorties du congélateur parce qu’il n’y avait rien d’autre dans le frigo…
Corinne, elle, s’est décidée à consulter un médecin nutritionniste.
“Depuis mon adolescence, je fais régulièrement des régimes,
avoue-t-elle. J’ai déjà tout essayé : la soupe au chou, la méthode
Montignac, les substituts de repas, les régimes Mayo et Atkins, le régime
hyper-protéiné, les réunions Weight Watchers… Sans parler des crèmes
amincissantes, des coupe-faims et autres méthodes soi-disant
révolutionnaires. Comme beaucoup, je pioche dans les magazines féminins et
les conseils des copines pour tenter toujours autre chose. Il faut
reconnaître que souvent, je suis arrivée à perdre une dizaine de kilos très
rapidement. Mais chaque fois, je les ai repris plus vite encore. Et c’est
même de pire en pire. En plus, quand je me mets au régime, je suis d’une
humeur massacrante et ne parle plus que de cela. Depuis trois mois que je
suis suivie par le médecin, j’ai perdu sept kilos. Je mange de tout sauf que
je dois bien gérer le taux de matières grasses des aliments, respecter les
proportions de la pyramide alimentaire. Ca marche bien, sans faim, sans
privation, c’est magique! J’ai repris aussi le sport, comme le médecin me
l’a recommandé”.
15 régimes populaires
sous la loupe
Gageons que les témoignages de Myriam et Corinne parleront à beaucoup
d’entre nous. Que penser de ces régimes et recettes-miracles qui fleurissent
à chaque printemps, parfois à grands renforts médiatiques?
Il y a quelques mois, pour la première fois, l’Agence française de sécurité
sanitaire de l’alimentation, environnement et travail (Anses) a passé en
revue les quinze régimes amaigrissants “standardisés” les plus suivis en
France(1). Et ce, la plupart du temps, sans avis médical
et parfois même, en l’absence de surpoids. Le verdict est sans appel: tous
ces régimes, sans aucune exception, induisent des déséquilibres
nutritionnels et des inadéquations d’apports. Pour plus de la moitié des
régimes, les apports en sel sont supérieurs à la limite recommandée par
l’OMS (parfois plus du double).
Dans 80% des cas, l’apport en protéines est supérieur à l’apport
nutritionnel conseillé. Le plus excessif dans ce domaine est le régime Dukan
(hyper-protéiné), lequel apporterait également trop peu de fibres
alimentaires, comme c’est le cas de trois phases de régimes sur quatre. Dans
plus de 50% des cas, les apports en lipides (graisses) sont excessifs mais
dans 40% des cas, ils sont trop faibles. De manière générale aussi, les
apports en vitamines et en minéraux sont insuffisants.
Par ailleurs, la pratique de ces régimes provoque des modifications
profondes du métabolisme énergétique du corps. Conséquence: dès que la cure
est arrêtée, la reprise de poids est quasi-inévitable et, éventuellement,
plus sévère! Le rapport affirme même que 80% des individus reprennent le
poids perdu dans l’année qui suit la fin de la cure! Le principal facteur
influençant la stabilité du poids après le régime est la pratique d’une
activité physique régulière dès le début de la restriction calorique et son
maintien après la phase de restriction.
Des risques pour la santé
L’Anses souligne également le risque d’apparition de conséquences néfastes
pour la santé, associées à la pratique de régimes amaigrissants :
►
perte de la masse musculaire conduisant à l’affaiblissement de la personne.
►
diminution du capital osseux et risque accru de fractures,
►
risque cardiovasculaire plus élevé provoqué par le fluctuation du poids,
►
risque accru d’inflammations, d’atteintes hépatiques, de calculs biliaires,
induit par les régimes très hypocaloriques.
►
troubles digestifs passagers –dont constipation – dans les régimes carencés
en fibres,
►
risque de problèmes rénaux liés aux régimes hyperprotéiques…
D’autres risques ont été identifiés pour les populations spécifiques,
notamment dénutrition (personne âgée), troubles hormonaux (adolescente,
sportif) et perturbations de la croissance (fœtus, enfant et adolescent).
Quant aux conséquences psychologiques et comportementales, elles ne sont pas
négligeables. Le rapport français souligne les risques de dépression et de
mauvaise estime de soi qui découlent généralement des échecs à répétition
des régimes, ainsi que le dérèglement assez fréquent des signaux
physiologiques de faim et de satiété.
Manger équilibré et bouger !
Le rapport de l’Anses conclut que la recherche de la perte de poids sans
indication médicale comporte des risques. Il pointe l’importance, pour les
personnes désireuses de perdre du poids, d’un accompagnement par un médecin
ou un diététicien mais aussi d’y associer la pratique régulière d’une
activité physique, indispensable pour conserver une bonne masse musculaire
et éviter la reprise des kilos perdus. Il rappelle que rien ne peut
remplacer une alimentation saine, équilibrée et diversifiée, et enfin, que
l’obésité, elle, est une maladie chronique multifactorielle qui nécessite
une prise en charge par des spécialistes.
//Joëlle Delvaux
(avec Cristelle Dupont)
(1) “Risques sanitaires liés aux pratiques alimentaires
d’amaigrissement”. Etude de l’Anses. 25 novembre 2010. Principaux résultats
consultables sur www.anses.fr
Vivre son corps autrement
Pour maigrir, il est nécessaire d’acquérir progressivement de
nouvelles habitudes alimentaires et d’augmenter son activité physique.
Mais il faut aussi se préparer aux changements dans sa tête.
Pourquoi est-il si difficile de maigrir durablement? Certains spécialistes
évoquent la théorie du “poids d’équilibre” qui consiste à revenir
spontanément à un poids donné, propre à sa morphologie. On peut aussi mettre
en évidence la loi de la survie: le corps qui a connu des régimes va
automatiquement faire des réserves (stocker les graisses) en prévision de
possibles privations. Dernière explication: en cas de régimes trop stricts,
carencés en certains nutriments, la reprise de poids est assurée dès le
retour aux anciennes habitudes.
Mais ces explications ne sont pas seules en cause. Le Dr Gérard Apfeldorfer,
psychiatre et psychothérapeute, spécialisé dans l’étude des comportements
alimentaires, explique combien il est important de maigrir aussi dans sa
tête, c’est-à-dire d’apprivoiser ce corps qui s’amincit et de tisser de
nouvelles relations avec les autres et soi-même
(1).
Mincir, c’est perdre une partie de son enveloppe protectrice, s’ouvrir au
regard et au désir d’autrui. Ce qui peut être désarçonnant.
Maigrir dans la tête, c’est aussi – et avant tout – se mettre au clair sur
la décision et les motivations profondes à perdre du poids. Pourquoi
maigrir? Pour qui? Selon le Dr Apfeldorfer, répondre à ces questions est
nécessaire pour avoir une chance d’aboutir. Une fois la décision prise, il
convient de considérer en détail la façon dont on se nourrit pour être
capable, par la suite, de modifier ses comportements alimentaires et de
modérer ses appétits (manger de tout un peu) sans pour autant renoncer aux
aliments qu’on aime. Dès lors, il est important de comprendre les règles de
la nutrition, pour mincir sans nuire à sa santé.
Il est tout aussi important de réfléchir au rapport que l’on entretient à la
nourriture. Dans “Ma cuisine intérieure” (Ed. Dunod), Michel Gillain, ancien
professeur de gestion hôtelière et psychothérapeute, plonge au plus près de
nos émotions, de nos pulsions, de nos peurs et du besoin de reconnaissance
pour mieux comprendre nos habitudes culinaires et préférences alimentaires.
Car notre “faim d’amour” affecte directement notre relation à l’aliment,
donc, notre digestion, notre métabolisme et notre poids, dit-il. Alors,
comment équilibrer son poids sans s’adonner à des régimes soi-disant
miracles? “En apprenant à décoder les messages secrets du ventre, nous
devenons responsables – et non coupables – de notre relation à la
nourriture, répond Michel Gillain. Il n’est plus question “d’avaler”
n’importe quoi ; nous devenons épicurien tant avec la nourriture que dans
notre vie! Parallèlement nous retrouvons le plaisir de manger et, tout
naturellement, notre poids idéal”.
//JD
(1) Le Dr Gérard Apfeldorfer est l’auteur, notamment,
de “Maigrir, c’est dans la tête” et “Maigrir en paix”, (Ed. Odile Jacob).
Quand faut-il maigrir ? |
La première question à se poser n’est-elle
pas de savoir s’il est vraiment nécessaire
de maigrir? La question peut paraître
provocante. Mais elle n’est pas dénuée de
fondement dans une société où le culte de la
minceur fait disjoncter nos repères et piège
les femmes - mais aussi de plus en plus
d’hommes - constamment insatisfaits de leur
corps, dans leur course perpétuelle et
obsessionnelle à parfaire leur propre image.
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Si l’on s’en tient aux risques sur la santé,
il est évident qu’en dessous d’un indice de
masse corporelle (IMC) de 25, il n’est pas
nécessaire de maigrir (1). Si l’on se situe
entre 25 et 30 d’IMC, il faut voir si
l’excès de poids s’accompagne ou non
d’autres facteurs de risques pour la santé
et essayer de diminuer lentement son poids
ou, à tout le moins, le stabiliser pour
prévenir l’obésité. En tout cas, il est
préférable d’avoir un excès de poids modéré
mais stable que de perdre et de regagner
continuellement du poids (c’est le fameux
yo-yo). Avec un IMC supérieur à 30, il est
nécessaire de diminuer progressivement -
puis stabiliser - son poids. Pour atteindre
cet objectif, un suivi médical est vivement
conseillé pour bénéficier de conseils avisés
et être soutenu dans une démarche de longue
haleine.
(1) Le classement du surpoids s’effectue
selon l’IMC. Celui-ci correspond au poids en
kg divisé par la taille (en mètre) au carré.
Pour les adultes, la classification est la
suivante : en dessous de 18, poids très
insuffisant; de 20 à 25, poids idéal; de 25
à 30, surpoids; au-dessus de 30, obésité
(modérée jusqu’à 35, sévère entre 35 et 40
et très sévère au-delà de 40).
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