Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Maladies (20 octobre 2011)

Réforme de la santé mentale

 

Un réseau de soins autour du patient

Permettre, autant que possible, aux personnes souffrant de troubles psychiques de rester dans leur milieu de vie grâce à un réseau de soins de proximité : tel est l’objectif de la grande réforme de la santé mentale dont l’expérimentation démarre actuellement sur le terrain à travers plusieurs projets-pilotes.

© Reporters - Image Source
En Belgique, malgré les démarches et efforts entrepris depuis de nombreuses années pour diversifier l’offre de soins en santé mentale, l’approche thérapeutique reste fortement centrée sur l’hospitalisation. Ainsi, avec 150 lits psychiatriques par 100.000 habitants, notre pays se classe en deuxième position des Etats de l’Union européenne après Malte (qui vient d’ailleurs de prendre des mesures pour diminuer son offre de lits). Autres caractéristiques de notre réalité hospitalière psychiatrique : une inégale répartition des lits entre les régions - Bruxelles étant sous-équipé et la Flandre comptabilisant le double de lits par rapport à la Wallonie -, des temps d’hospitalisation parfois très longs, une faible rotation des patients avec des listes d’attente parfois impressionnantes.

Un processus de désinstitutionalisation de la psychiatrie a été entamé dans les années 90. Mais la nécessité d’entreprendre une grande réforme de la santé mentale qui poursuive ce processus et implique le Fédéral, les Régions et les Communautés, a fini par s’imposer, au-delà des alternatives à l’hospitalisation, développées jusqu’ici. Plusieurs constats sont à l’origine de cette réforme baptisée “Psy107” en raison du financement prévu dans l’article 107 de la loi sur les hôpitaux(1).

Tout d’abord, dans les pays comme la France ou l’Angleterre où les soins de santé mentale sont dispensés au plus près du milieu de vie, les résultats sont très encourageants. On remarque que les personnes, en situation de crise ou non, progressent positivement vers un rétablissement. En outre, un traitement à domicile avec des visites régulières et une approche médico-sociale combinée, permet de réduire la durée d’hospitalisations ultérieures. On y observe aussi une forte baisse du nombre de suicides.

Par ailleurs, dans notre société occidentale, les problèmes de santé mentale au sens large touchent beaucoup de monde. Une personne sur cinq souffre, à un moment ou un autre de son existence, de problèmes psychiques plus ou moins graves. Et les assuétudes et des pathologies comme la dépression, le burn-out... continuent hélas à se développer. S’il faut éviter de psychiatriser les problèmes de société, les souffrances psychiques nécessitent un accompagnement, une prise en charge adaptée au plus près du lieu de vie de la personne et de son entourage. Or, la méconnaissance de l’offre – pourtant variée - des soins en santé mentale et la stigmatisation de la psychiatrie font que les patients ne sont pas toujours bien orientés ni soignés.

Autre problème: la continuité des soins laisse souvent à désirer une fois que la personne atteinte de troubles psychiques chroniques (schizophrénie, troubles bipolaires...) sort de l’hôpital, son état de crise étant jugé stabilisé. Comme l’explique le Professeur Lievens, Président de l’association Similes(2), du jour au lendemain, beaucoup de parents ou conjoints qui voient revenir leur proche à la maison, deviennent des “soignants psychiatriques” 24 heures sur 24, et cela sans préparation aucune. Leur existence s’en trouve totalement bouleversée. Ils se trouvent bien souvent démunis lorsqu’une nouvelle crise survient ou que le patient refuse de se faire soigner. Parfois aussi le patient retourne vivre seul dans son appartement, sans soutien aucun, ce qui est encore plus dramatique.

Similes réclamait depuis longtemps que soient mis en place une série de relais qui aillent vers le patient et non l’inverse qui se pratique habituellement en médecine. Elle a toujours plaidé pour des services de “soins psychiatriques à domicile” qui travaillent en coordination étroite avec les institutions psychiatriques hospitalières, les autres structures alternatives d’accueil, mais surtout avec les associations de familles de personnes atteintes de troubles psychiques comme Similes car elles sont les mieux placées pour souligner leurs besoins et ceux de leurs malades. A la lumière des principes qui guident “Psy 107”, l’association est donc satisfaite de la réforme en cours. Même son de cloche du côté de l’asbl Psytoyens, concertation d’usagers en santé mentale(3): “Les réseaux et circuits de soins fonctionnent bien souvent de manière insatisfaisante, constate Annick Toussaint, responsable du projet Participation pour l’asbl. La réforme qui s’engage ne va pas tout résoudre mais le fait de privilégier le suivi psychiatrique et l’accompagnement dans le milieu de vie et de créer des équipes mobiles qui se rendront à domicile est positif”.

 

Cinq fonctions interdépendantes

Lancée sur les fonds baptismaux en 2009, la réforme “Psy 107”, intitulée “Vers de meilleurs soins de santé mentale par la réalisation de circuits et réseaux de soins”, entend mettre en place un nouveau modèle qui associe les ressources des institutions hospitalières et les services développés dans la communauté. L’organisation préconisée concerne l’ensemble des intervenants présents sur un territoire donné. Ils sont invités à créer des stratégies pour répondre aux besoins en santé mentale de la population âgée de 16 ans et plus .

Pour construire ce nouveau modèle et en assurer la pérennité, la réforme postule qu’un nombre minimum de fonctions doivent être remplies; fonctions qui, progressivement, s’organiseront en réseau de services alternatifs répartis sur le territoire.

La première fonction porte sur les missions de base de l’aide et des soins, à savoir la prévention, la détection précoce et la première intervention. Cela sous-entend une accueil de la demande et l’organisation d’une réponse de proximité, en assurant, si nécessaire la continuité des soins sur le long terme.

La deuxième fonction représente une nouvelle forme de soins en santé mentale. Il s’agit d’équipes mobiles de traitement à domicile. Certaines interviendront en situation de crise ou d’urgence et d’autres, assureront des suivis de longue durée. L’objectif est de pouvoir offrir des soins adaptés aux personnes là où elles vivent.

La troisième fonction s’inscrit dans le secteur de la réhabilitation psychosociale. Il s’agit de permettre aux personnes d’accéder à la réinsertion sociale et professionnelle, de développer leurs capacités en vue d’une autonomie dans la vie de tous les jours.

La quatrième fonction concerne l’intensification des soins résidentiels spécialisés pour des personnes qui sont dans une phase tellement sérieuse que l’aide dans l’environnement de vie ou au domicile n’est temporairement pas indiquée. Ces petites unités sont caractérisées par des séjours de courte durée, d’une grande intensité, et par un encadrement spécialisé.

La cinquième fonction touche aux habitats spécifiques pour des personnes souffrant de problèmes chroniques stabilisés et devant bénéficier d’un soutien dans l’organisation de la vie quotidienne.

“L’idée est donc de construire un réseau autour du patient, de mettre en place des parcours thérapeutiques individualisés, expliquait récemment Brigitte Bouton, coordinatrice régionale de la réforme “Psy 107”, lors d’une journée de réflexion et de partage d’expériences sur cette réforme, organisée par la Mutualité chrétienne et la Fédération nationale des associations médico-sociales (FNAMS). En mai 2010, un appel à projets a été lancé auprès des hôpitaux pour expérimenter, pendant trois ans minimum, ces nouvelles formes de soins et construire un véritable réseau de collaborations entre acteurs de la santé mentale, chaque projet devant organiser l’ensemble des fonctions de soins”, poursuivait Brigitte Bouton.

En Wallonie, 10 projets (24 recevables pour la Belgique) ont été considérés comme recevables par le Service public fédéral de la Santé Publique. Avant l’été, quatre d’entre eux ont reçu un feu vert pour démarrer en 2011. Il en va de même, en région bruxelloise, pour le projet fusionné du Centre hospitalier Titeca et des Cliniques universitaires St-Luc.

Les projets-pilotes sont financés grâce au gel d’une partie de l’offre actuelle de lits psychiatriques. Une partie des moyens financiers et humains existants dans les hôpitaux initiateurs de projets sont ainsi réaffectés à la création d’équipes mobiles pluridisciplinaires et à l’intensification des soins dans certaines unités de vie spécifiques. Par ailleurs, les projets sélectionnés disposent d’un budget supplémentaire pour faire face aux frais de fonctionnement, payer le coordinateur de réseau et financer la fonction médicale de coordination.

 

Enthousiasme et craintes

Il est bien entendu trop tôt pour effectuer la moindre évaluation de ces mises en réseau. Un avis unanime semble en tout cas se dégager: la grande réforme de la santé mentale qui démarre maintenant sur le terrain est enthousiasmante à bien des égards. Elle invite tous les acteurs de la santé mentale à s’y impliquer et fait des usagers et familles des partenaires effectifs. Elle ouvre aussi la porte à de nombreux espoirs d’améliorations. Beaucoup de choses sont à inventer et à mettre sur pied, ce qui constitue une opportunité à saisir. Lors de la journée de réflexion de la MC et de la FNAMS, Véronique Bauffe, une des promotrices du projet Réseau Hainaut, témoignait notamment du succès de l’appel à candidatures pour constituer les équipes mobiles: “Le personnel soignant est confronté quotidiennement aux limites de la prise en charge hospitalière et bon nombre de travailleurs ont marqué leur intérêt pour relever le défi”.

L’enthousiasme ne doit pourtant pas être béat. Il importe que la réforme n’aboutisse pas à une diminution de lits psychiatriques, telle qu’elle rendrait les hospitalisations difficiles ou impossibles à réaliser alors qu’elles s’avèrent nécessaires. Il n’est pas exclu qu’en raison de la fermeture de lits psychiatriques, “la réintégration du patient dans son environnement et son tissu social habituel” pose un gros problème. Une autre crainte porte sur la charge financière que le patient devra assumer dès lors qu’il sera suivi dans son milieu de vie. Les soins ambulatoires risquent de coûter plus cher que lorsqu’il y a hospitalisation ou hébergement en institution. Que dire aussi du risque, pour le patient, de ne pas savoir à quelle personne de référence s’adresser en cas de problème, les dispositifs d’aide, notamment à domicile, se juxtaposant. Ces appréhensions parmi d’autres, il convient que les acteurs concernés par la réforme y soient attentifs. Les expérimentations en cours trouvent ici tout leur sens et toute leur utilité.

//Joëlle Delvaux

 

(1) Pour en savoir plus sur la réforme, consulter le site www.psy107.be  

(2) Similes est une association de familles et proches de personnes atteintes de troubles psychiques. Plusieurs antennes existent en Wallonie et à Bruxelles. Infos : 02/644.92.00. - www.similes.org 

(3) Psytoyens est une fédération d’associations d’usagers de services d’aide et de soins dans le domaine de la santé mentale. Infos : 081/23.50.19. – www.psytoyens.be  

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Maladies"

haut de page