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Maladies (6 octobre 2011)

 

Alzheimer, compagnon de voyage déroutant

La maladie d'Alzheimer fait partie des maux les plus redoutés dans notre société occidentale. Perdre jusqu’à la mémoire de qui nous sommes est évidemment un sujet d’inquiétude bien légitime. Mais l’image de la maladie se réduit trop souvent aux pertes de capacités de la personne et se focalise sur la phase ultime de la vie. Pourtant, vivre avec la maladie d’Alzheimer n’implique pas la disparition de toutes les joies de l’existence.

 

© BSIP-Reporters
Est-ce parce qu’elle nous fait entrer dans un univers mystérieux,
étrange, que la maladie d’Alzheimer nous effraie tant? Est-ce parce que nous l’associons au tabou de la démence ou à la stigmatisation de la vieillesse que nous la redoutons à ce point? Dans l’esprit de la plupart d’entre nous, la maladie d’Alzheimer est une maladie épouvantable et impitoyable, une lente mort de l’esprit… Qu’en connaissons-nous en fait si nous n’y sommes pas directement confrontés dans notre entourage? Essentiellement ce que nous en disent les médias. Ici, on nous dévoile le diagnostic qui s’abat sur telle personnalité ou telle star. Là, on nous montre des patients en phase ultime de leur vie, totalement désorientés, en errance. Là encore, on met l’accent sur le poids que la pathologie exerce sur l’entourage immédiat, sans jamais laisser s’exprimer les malades eux-mêmes. Là enfin, on donne la parole aux scientifiques pour faire le point sur la recherche des causes et des traitements de cette maladie du cerveau, en progression dans la population puisqu’elle est plus fréquente dans le très grand âge et que nous sommes de plus en plus nombreux à vivre très vieux…

 

“Les médias véhiculent encore bien souvent une image négative et stigmatisante des maladies de la mémoire, notamment comme s’il s’agissait de la chose la plus terrible qui puisse arriver, que la vie s’arrêtait dès le moment où le diagnostic est posé et que les personnes ne sont plus capables de prendre des décisions, constatent les auteurs d’une étude sur les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer, réalisée par la KUL pour la Fondation Roi Baudouin(1). L’ignorance et les réactions négatives influencent fortement la qualité de vie des personnes atteintes d’Alzheimer et de leurs proches. Elles ont pour effet d’insécuriser les malades qui suscitent encore plus d’incompréhension lorsqu’elles font part de leurs frustrations. Le fardeau de la maladie devient ainsi plus lourd à porter qu’il ne l’est en réalité, et les personnes ont tendance à s’isoler complètement. Il est donc urgent de dédramatiser la maladie d’Alzheimer pour briser, ou du moins nuancer, la stigmatisation et les tabous qui s’attachent à elle”.

 

Il n’est pourtant pas question d’enjoliver les choses. La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative, incurable aujourd’hui. Il s’agit de la forme la plus fréquente de démence chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Elle résulte de la perte progressive et irréversible de neurones dans le cerveau et provoque une lente dégradation des fonctions cognitives : mémoire, orientation, attention, concentration, capacité de jugement, langage...

 

Les causes demeurent toujours mystérieuses. De nombreux chercheurs pensent que la maladie est vraisemblablement causée par un ensemble de facteurs: génétiques, environnementaux et liés aux modes de vie.

 

Une vie émotionnelle riche

La maladie d’Alzheimer est souvent représentée comme une pathologie qui prive peu à peu un être humain de son esprit, de ses capacités mentales, la personne finissant par perdre tout contrôle sur elle-même. Cette représentation, propre à notre culture occidentale, postule que l’esprit – immatériel – est le principe actif de notre humanité et que le corps – matériel – n’est qu’une enveloppe passive ou un simple instrument de la raison. Dans cette conception dualiste, la perte des fonctions rationnelles ne peut être ressentie que très négativement. Or, c’est sans compter toute la dimension physique et notamment la vie émotionnelle qui s’y rattache. Pourquoi dès lors ne pas mettre l’accent sur la richesse des émotions qui peuvent s’exprimer à travers le contact physique (câlins, tendresse…) et les innombrables messages non verbaux capables de briser les barrières de la maladie ? Comme le dit très justement Marie Gendron dans son excellent ouvrage “Le mystère Alzheimer”(2), la mémoire affective, mémoire des émotions associées à un événement ou à une personne, échappe à l’usure du temps. Quelle que soit la gravité de sa maladie ou sa difficulté à communiquer, la personne atteinte d’Alzheimer ressent l’état émotif de son entourage et éprouve le besoin essentiel de se sentir aimée. Des études ont démontré, par ailleurs, que la personne continue, jusqu’aux stades avancés de la maladie, à ressentir positivement la musique et les stimulations sensorielles.

 

Apprivoiser la maladie

La maladie, quelle qu’elle soit, a tendance à être représentée comme un démon qui prend possession de sa victime, un ennemi à combattre à tout prix. Alzheimer n’échappe pas à cette vision. Ici, l’intrus est aussi perçu comme perfide parce qu’il se diffuse subrepticement, grignote les capacités et les souvenirs et finira malheureusement par avoir le dernier mot. De plus, la perspective de la fin de vie et de la mort, envahissante dans les représentations sociales de la démence, assombrit encore le tableau.

 

Alors, quelle attitude adopter? Lutter de manière héroïque? Ou au contraire se résigner? Ne faudrait-il pas plutôt apprendre à connaître Mr Alzheimer, ce compagnon d’un long voyage inattendu et déroutant, pour mieux vivre avec lui ? Dans cette optique, il s’agit de s’habituer à lui, d’essayer de ne pas ressentir sa présence comme un fardeau et surtout, de conserver la maîtrise de sa propre existence. Se placer devant sa maladie et non derrière elle.

 

“Un diagnostic de maladie d’Alzheimer est souvent perçu comme un couperet, une condamnation. Or, même si on ne peut pas arrêter l’évolution de cette maladie, il reste encore plusieurs belles années à vivre, beaucoup de bons moments dont on peut profiter”, lit-on dans une brochure sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, éditée par la Fondation Roi Baudouin(3). Le message est clair: Tout ne bascule pas d’un coup. Les maladies de la mémoire évoluent lentement et d’une façon différente d’une personne à l’autre. Il est important de cueillir le bonheur dans l’instant et de profiter des plaisirs simples de la vie. Il est possible et souhaitable de continuer longtemps des activités valorisantes et familières(4), de mettre en place des stratégies pour diminuer les conséquences des problèmes de mémoire. Pour lutter contre les risques de perte de poids, renforcer la tonicité, avoir un sommeil de meilleure qualité et un esprit plus éveillé, la pratique d’une activité physique régulière est aussi recommandée. Quant aux médicaments, ils peuvent ralentir la progression des symptômes dans les premiers stades de la maladie. Les soins médicaux et paramédicaux ne doivent pas être négligés pour améliorer la qualité de vie. Enfin, il est important de pouvoir demander – et accepter – de l’aide en temps utile.

 

Chacun son tour

Très souvent, la maladie d’Alzheimer est vue comme quelque chose qui ramène une personne dans les premières années de sa vie et lui fait vivre une seconde enfance. En effet, la mémoire ancienne, y compris les souvenirs de l’enfance, est celle qui résiste le mieux. Par ailleurs, les malades perdent certaines capacités attribuées aux adultes comme l’autonomie, le sens des responsabilités, le respect des normes sociales et des convenances. Les enfants d’un malade ont ainsi l’impression de rôles renversés à l’égard de leur parent, ce qui s’accompagne d’impressions gênantes, d’émotions négatives, voire de souffrances profondes.

 

Pourquoi ne pas adopter une autre logique? Voir non pas un retour vers la dépendance mais un retour aux origines, qui permet aux personnes malades, libérées des contraintes que la société impose aux adultes, de revivre la période heureuse de leur enfance? Cette vision permet d’accepter l’idée que dans la vie, c’est chacun son tour de s’occuper de l’autre. Et de ne plus considérer le malade comme un enfant mais comme un adulte vulnérable.

 

Il est choquant de voir certains se permettre de tutoyer les personnes sans leur accord, de leur parler en “langage bébé”. Ou de bavarder devant elles comme si elles n’étaient pas là. Ou de ne plus prendre la peine de les saluer en entrant dans la pièce où elles se tiennent. “Les capacités de communication des personnes désorientées ne sont pas que le résultat des pertes cognitives mais sont aussi influencées par le contexte matériel, l’environnement (qui exige de la constance) et la manière dont on communique avec elles, affirme Valentine Charlot, neuropsychologue et présidente de l’asbl “Bien vieillir” (5). Quand le langage s’étiole et change de forme, il faut privilégier la communication non verbale et le partage des émotions. Cela commence simplement par arriver en douceur, se présenter et se tenir de face au même niveau que le personne. Plonger son regard dans le sien. C’est se montrer attentionné, apaisant, encourageant. Sourire, toucher, par exemple l’avant-bras ou l’épaule, de manière respectueuse. Lui parler calmement en articulant, en formulant des phrases courtes et simples. Lui laisser du temps. Et être vrai: cela ne signifie pas tenter de la raisonner à tout prix ou de corriger des détails, mais oser lui parler de sujets qui lui tiennent à cœur, de ses souvenirs d’enfance, de ses histoires de vie”.

// Joëlle Delvaux

 

(1) “Framing et reframing : communiquer autrement sur la maladie d’Alzheimer” - B. Van Gorp et T. Vercruysse – Centrum voor Mediacultuur en Communicatietechnologie – KUL – Publication de la FRB – Mars 2011 – Etude téléchargeable sur www.kbs-frb.be ou disponible gratuitement au 070/23.37.28.

(2) Marie Gendron – “Le mystère Alzheimer – l’accompagnement, une voie de compassion” –Ed. de l’Homme – 2008.

(3) “Un autre regard sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées” – Brochure éditée par la FRB, téléchargeable sur www.kbs-frb.be ou disponible gratuitement au 070/23.37.28.

(4) C’est ce que pratiquent beaucoup de cliniques de la mémoire et de centres de jour.

(5) Asbl “Le bien vieillir” – 081/65.87.00. - www.lebienvieillir.be 

 

“Mon cœur n’oublie jamais”

 

 

 

 

Pour quelques jours, Angèle est accueillie par sa grand-mère car sa maman, enceinte, est très fatiguée et son papa, très occupé par son travail. Mais sitôt arrivée chez Mamia, la petite fille la trouve bizarre: sa grand-mère perd la mémoire et mélange le présent et le passé... Agnès de Lestrade signe un très beau texte sur une grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, vue par les yeux de sa petite fille, entre drôlerie et franche inquiétude.

 

>> “Mon cœur n’oublie jamais” Agnès de Lestrade Illustrations de Violaine Marlange Ed. Rouergue A partir de 7 ans.


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