La santé publique
(17 février 2011)
► Lire aussi :
Droits du patient : Une
loi indispensable... à améliorer
La
médiation hospitalière trop peu connue
Loi relative aux droits du patient
Il y a
neuf ans, la Belgique s’est dotée d’une loi sur les droits du patient. Un
texte qui n’a pas créé fondamentalement de nouveaux droits mais a jeté les
bases d’un système invitant prestataires de soins et patients à dialoguer
dans le respect mutuel et, en cas de plaintes du patient, à recourir de
préférence à la médiation. Ce dispositif fonctionne-t-il bien? Quels sont
les principaux griefs formulés par les patients aux médiateurs? Le point
dans cet article.
Une
invitation au dialogue
Manque d’information préalable sur le coût réel des soins,
informations insuffisantes sur les alternatives à une intervention
chirurgicale et sur les risques encourus, mécontentement relatif à
la qualité des prestations, accident thérapeutique, défaut
d’attention à soulager la douleur…
Des plaintes
comme celles-ci aboutissent sur le bureau des services de médiation
“droits du patient”. Ces plaintes ont en commun de porter sur les
droits fondamentaux du patient, coulés dans une loi en 2002 (voir
“Les droits du patient en bref”). Cette loi semble encore largement
méconnue du grand public même si, d’année en année, les services de
médiation sont davantage sollicités. D’aucuns diront que cela
traduit le fait que les patients deviennent exigeants et
procéduriers dès lors qu’ils ne sont pas entièrement satisfaits.
Karen Mullié, juriste en charge de cette matière à la Mutualité
chrétienne a une vision plus optimiste. “L’augmentation des
demandes formulées à ces services n’est pas négative en soi,
estime-t-elle. Elle témoigne d’un intérêt et d’un souci croissants
des patients par rapport à leur santé et aux soins qu’ils ont reçus.
Ils veulent avoir leur mot à dire et en appellent à davantage de
dialogue avec les professionnels de la santé. Les plaintes doivent
aussi être vues comme une incitation à améliorer l’organisation de
l’institution”.
En 2009, près de 18.000
plaintes ont été déposées auprès des médiateurs des hôpitaux et quelque 555
sont parvenues au service de médiation fédéral. “Pour ce qui concerne
notre service, dans 60% des cas, les plaintes concernent la qualité des
soins en ambulatoire, l’aspect technique étant souvent en cause”,
observait Marie-Noëlle Verhaegen, médiatrice francophone au service de
médiation fédéral, lors d’une très intéressante journée d’étude organisée
par la Mutualité chrétienne de Liège sur les droits du patient(1).
“L’autre grand pan des plaintes concerne les droits du patient au
consentement libre et éclairé, à l’information sur son état de santé et à
l’accès à son dossier médical. Les personnes demandent surtout un accord
financier et un dialogue avec le praticien concerné”.
Des soins
de qualité
“La mise en cause de
la qualité des soins concerne les aspects techniques proprement dits mais
l’aspect relationnel, humain, est aussi très présent dans les plaintes,
constate de son côté Claudine Willaume, du service Défense des membres de la
MC de Liège. Derrière ces plaintes, beaucoup de patients expriment en fait
le sentiment d’être négligés (notamment en maison de repos), peu écoutés,
mal informés par des médecins ou dentistes surchargés, de manquer
d’attention aussi de la part de soignants débordés et stressés. Claudine
Willaume livre quelques exemples parmi les dossiers de patients
hospitalisés: des médicaments déballés, administrés sans aucun commentaire,
le manque de visites du médecin dans la chambre durant le séjour, la
multiplication d’examens techniques sans explications… Mais il n’y a pas
qu’à l’hôpital que la mauvaise qualité des soins est reprochée: “Par
exemple, des patients nous disent ne pas être écoutés par leur dentiste
lorsqu’ils se plaignent des problèmes engendrés par une prothèse dentaire
mal réalisée et/ou mal adaptée, explique Claudine Willaume. La souffrance
des personnes est pourtant bien réelle et peut entraîner de lourdes
conséquences sur leur qualité de vie”.
Personne de
confiance et représentant |
Tout patient
capable de s’exprimer peut désigner une personne de confiance pour
l’aider dans l’exercice de ses droits à l’information, à consulter
son dossier médical et à introduire une plainte. |
En cas d’incapacité juridique du patient, l’exercice de tous les
droits est réalisé par un représentant. Si le patient est mineur ou
en minorité prolongée, les représentants légaux sont les parents ou
le tuteur. Si le patient majeur est incapable de s’exprimer et
d’agir (démence, coma,…), il s’agit d’un représentant nommé (mandat
écrit) ou d’un représentant informel (parent proche).
>> Des
formulaires-types
pour désigner une personne de confiance et un représentant parent
proche existent sur
www.patientrights.be
|
Consentement, informations
Selon l’esprit de la
loi, préalablement aux interventions ou soins qu’il propose au patient, le
prestataire doit lui fournir les informations pertinentes en matière de
coût, de risques, d’alternatives éventuelles, etc. Cette information claire
doit permettre au patient de donner (ou non) son consentement éclairé. Ce
principe légitime n’est pas aussi simple à réaliser qu’il y paraît : Qu’en
est-il dans les situations d’urgence ? Que se passe-t-il quand un patient ne
peut pas, lui-même, exprimer son consentement ? Peut-on laisser quelqu’un
sans soins parce que c’est “sa” volonté? A quoi s’engage le patient qui
signe un document de consentement expliquant les risques inhérents à une
intervention et les recommandations postopératoires ? Toutes ces questions
se retrouvent posées en filigrane des plaintes de patients.
“Pour ma part,
j’estime très important de prendre le temps de fournir au patient et à ses
proches toutes les informations utiles sur les examens ou les traitements
proposés, y compris du point de vue financier, témoignait le Dr Patrick
Yenge, gastro-entérologue au centre hospitalier de Wallonie Picarde, lors du
récent colloque tenu à Liège. Dans mon service, nous avons mis en place
des procédures pour tenir rigoureusement à jour les dossiers des patients et
systématiser les informations. Expliquer au patient ce que l’on fait ou l’on
envisage de faire, ce n’est pas du temps perdu. Cela permet de renforcer le
climat de confiance, indispensable dans la relation de soins”. Par
ailleurs, c’est certain, un patient bien informé suivra mieux son
traitement.
Les
limites de la médiation
Qu’il s’agisse des
médiateurs hospitaliers ou du médiateur fédéral, leur rôle consiste à
chercher une solution pour restaurer le dialogue quand il est rompu entre le
prestataire et le patient. “Selon les cas, le dialogue peut aboutir (ou non)
à des explications du praticien, des excuses, des recommandations pour
l’avenir, la transmission d’une copie du dossier médical ou un geste concret
(un changement de prothèse par exemple, un remboursement…), précise
Marie-Noëlle Verhaegen. Il ne s’agit pas de contrôler ni de sanctionner un
prestataire. Il n’est pas non plus de notre ressort d’indemniser un patient
qui s’estimerait lésé”. Si la demande du patient est clairement la
reconnaissance d’une faute et une indemnisation, il sera alors orienté vers
d’autres lieux ou acteurs pouvant traiter sa plainte (mutualité, avocat…).
Dans les hôpitaux, le
travail du médiateur n’est pas toujours aisé : charge de travail élevée au
regard du nombre de dossiers à traiter, difficultés, parfois, à mener sa
mission en toute indépendance par rapport à la direction…
Toujours est-il que
cette fonction de médiateur a le mérite d’exister et qu’elle participe très
certainement à l’avènement d’un modèle de relation médicale délibérative où
patient et soignant ont une responsabilité partagée, comme le soulignait
Michel Dupuis, philosophe, lors du colloque déjà cité. “Loin du modèle
paternaliste traditionnel ou du modèle informatif moderne et juridiquement
correct, le modèle délibératif suppose l’information, l’échange, la
négociation”, disait-il, ajoutant aussitôt : “Dans notre société, à notre
époque de rationalisme, l’exercice de la technique a tendance à noyauter la
relation médicale. Quelle place reste-t-il pour le mystérieux,
l’énigmatique ? Si le médecin devrait avoir une obligation de communication
à côté d’une obligation de résultats et de moyens, le patient devrait aussi
accepter la prise de risque, inhérente à toute relation de confiance”,
conclut le philosophe.
// Joëlle Delvaux
(1) La journée d’étude sur les droits du patient s’est
déroulée le 3 février à Liège. Plus d’infos au 04/221.74.44.
A qui adresser une plainte? |
► Les services de médiation
Lorsque la
plainte vise un praticien qui travaille dans un hôpital, le patient
peut contacter le service de médiation de cet hôpital. Si le
professionnel concerné exerce dans un hôpital psychiatrique, une
habitation protégée ou une maison de soins psychiatriques, il est
possible que le médiateur compétent soit celui d’une plateforme de
concertation en santé mentale à laquelle l’institution est
rattachée. Les coordonnées des médiateurs locaux sont disponibles
auprès du service de médiation fédéral (voir ci-dessous).
Si la plainte
vise un professionnel du secteur ambulatoire travaillant en dehors
d’un hôpital (ex. médecin généraliste, médecin spécialiste à son
cabinet privé, dentiste, médecin au sein d’une maison de repos), le
patient peut s’adresser au service de médiation fédéral “Droits du
patient”. Tél. : 02/524.85.21. Infos :
www.patientrights.be
► Le service défense des membres de la MC
Pour toute
question ou plainte relative aux droits du patient, vous pouvez vous
adresser au service Défense des membres de votre mutualité. Les
coordonnées sont disponibles au numéro gratuit 0800 10 9 8 7. |
Les droits du patient en bref
1.
Le patient a
droit à des prestations de qualité
répondant à ses besoins et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de
son autonomie.
2.
Le patient a
droit au libre choix du prestataire de soins
et à modifier son choix, sauf limites imposées par la loi (accidents de
travail, traitement des détenus…).
3.
Le patient a
droit à recevoir, dans un langage clair, toutes les informations qui
concernent son état de santé
et son évolution probable. Il peut demander que les informations soient
confirmées par écrit.
4. Le patient a
le
droit de consentir librement à toute intervention
du praticien sur base des informations fournies sur l’objectif et la nature
de l’intervention, le degré d’urgence, les contre-indications, les effets
secondaires, les soins de suivi, les alternatives possibles, les
répercussions financières…
5. Le patient a
le
droit à la consultation de son dossier soigneusement mis à jour par le
praticien, à
l’exclusion des annotations personnelles du praticien et des données
concernant des tiers. Il peut obtenir une copie de son dossier au prix
coûtant (max. 25 euros) dans les 15 jours.
6.
Le patient a
droit à la protection de sa vie privée
lors de toute intervention du prestataire de soins.
7. Le patient a
le
droit à
recevoir les soins les plus appropriés visant à prévenir, traiter et
soulager la douleur.
8. Le patient a
le
droit d’introduire une plainte
concernant l’exercice de ses droits, auprès d’un service de médiation
compétent.
// JD
>> Loi du 22 août 2002
et sur les droits du patients – MB du 26 septembre 2002.
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