Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Droits du patient (6 février 2003)

Une loi indispensable… à améliorer

La Belgique est le sixième pays de l’union Européenne à s’être doté d’une loi sur les droits des patients après le Danemark, la Finlande, la Grèce, les Pays-Bas et la France. Celle-ci ne crée pas fondamentalement de nouveaux droits puisqu’elle reprend des droits existants, consacrés par des documents internationaux, mais aussi par la jurisprudence et la doctrine en Belgique.

“L’absence d’un droit écrit dans un domaine aussi important que les relations entre patients et professionnels de la santé, nous dit Éric Houtevels, directeur du service juridique de la Mutualité chrétienne, représentait un déficit démocratique insupportable. Il n’était pas bon que le droit en cette matière ne soit créé uniquement par la jurisprudence, comme nous le montrent les nombreuses dérives du droit de la responsabilité aux États-Unis.”

Certains ont fait remarquer que le code de déontologie des médecins protégeait déjà les patients. Celui-ci avait effectivement subi quelques aménagements en phase avec l’évolution de notre société. Mais, force est de reconnaître que le code de déontologie règle avant tout les rapports entre médecins et entre médecins et instances de l’Ordre des médecins. “Le patient en tant que tel, commente Éric Houtevels, n’est pas destinataire de la règle déontologique : il ne peut l’invoquer devant une juridiction civile ou pénale… Drôle de droit que celui où le patient devrait laisser à d’autres la tâche de défendre ses intérêts !”

La loi s’articule donc autour des droits du patient au moment où celui-ci, confronté à la maladie, court le risque de perdre son autonomie. Elle ne parle ni de l’obligation des patients, ni des droits des professionnels de la santé. Elle ne modifie pas les dispositions du droit civil ou administratif déjà existantes. Elle ne traite pas non plus du droit social aux soins de santé inscrit dans la constitution (article 23).


 

Rencontre avec Michel Barbeaux,

Président des mutualités chrétiennes francophones

 

La toute récente loi sur les droits du patient est une initiative importante et positive. Elle correspond d’ailleurs à une évolution certaine des relations entre patients et prestataires de soins.

 

 Cela dit, des critiques ont été émises par la société civile, notamment de la part de nombreux responsables de santé (1) quant aux possibilités d’application de cette loi, qui, selon Michel Barbeaux (sénateur cdH), mériterait d’être améliorée. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que cette loi n’a pas été approuvée par certains membres de la majorité à la Chambre et au Sénat.

 

En Marche - Michel Barbeaux, votre première crainte est que la loi sur les droits du patient ne provoque une multiplication des plaintes en donnant des arguments aux personnes qui souhaiteraient se retourner contre les prestataires de soins quand ils n’obtiennent pas les résultats espérés…

Michel Barbeaux - Cette loi est rédigée de telle façon qu’elle offre des arguments de forme pour alimenter des plaintes éventuelles. Ainsi, il est dit que le prestataire de soins est tenu de donner toutes les informations qui le concernent”. Lors des discussions de ce projet de loi au Sénat (2), j’avais proposé de remplacer cette expression par “toutes les informations pertinentes”. Les avocats auront beau jeu de démontrer, en cas d’échec, que “toutes” les informations n’ont pas été données au patient. Le prestataire de soins qui travaille sous le risque permanent de se faire condamner sur une question de forme, risque bien de se tenir dans une attitude défensive à l’égard de son patient. Ce qui ne peut que nuire à l’indispensable climat de confiance qui doit présider aux relations entre patient et prestataire de soins.

 

En Marche - Il manque aussi à cette loi un versant important, celui de la loi - toujours annoncée - sur la responsabilité médicale.

Michel Barbeaux - Cette loi du droit des patients crée en effet un déséquilibre entre le patient et le prestataire de soins. Celui-ci se retrouve “quasiment” placé devant une obligation de résultat, alors que la déontologie lui reconnaît surtout une obligation de mettre en œuvre les moyens les plus sûrs pour obtenir la guérison, la médecine n’étant pas une science exacte… Il existe des situations médicales qui sont des échecs sans que le médecin ne soit pour autant fautif. Voilà pourquoi, l’idéal aurait été de voter en même temps que la loi sur les droits du patient, la loi couvrant la responsabilité médicale sans faute, ainsi que le demandait également l’Ordre des médecins. Force est de reconnaître aujourd’hui que ce projet n’est même pas déposé. Et s’il l’était, le Parlement actuel n’aurait plus le temps de le voter sous l’actuelle législature.

 

En Marche - La loi sur les droits du patient est toute entière tournée vers la proclamation des droits individuels du patient. Cette liberté ne connaît-elle pas certaines limites ?

Michel Barbeaux - La loi affirme le libre choix des prestataires - ce qui est un bien. Mais elle n’évoque absolument pas les situations où ce choix est inapplicable. Il est difficile, en hôpital, de choisir un médecin que ne fait pas partie de l’équipe hospitalière ou de refuser une infirmière attachée à une Maison de repos et de soins. Ce “libre choix” est également inapplicable dans la médecine de contrôle. D’autres lois règlent ces matières. Mais on risque bien de s’apercevoir un jour que celles-ci sont contradictoires. Comment par ailleurs, concilier la liberté individuelle, qui sous-entend la possibilité de refuser des soins, et l’obligation de vaccination ? Empêcher la propagation d’une maladie représente un intérêt collectif qui peut et doit contraindre une logique individuelle. Voilà un point important que la loi n’aborde pas.

Le principe du droit au consentement, lui aussi légitime, n’est pas aussi simple à réaliser qu’il y paraît. Que le patient accepte les soins que lui propose le soignant est évidemment la situation idéale… Mais je vois tout d’abord dans la loi une difficulté de type éthique. Celle-ci affirme en effet que le médecin doit se conformer à la volonté écrite du patient. Que se passe-t-il dans le cas où un candidat met sa vie en danger suite à un refus de soins ? Ne faut-il pas tenter de comprendre les raisons de ce refus avant de s’y soumettre ? Entendre d’autres opinions, celle des enfants ou des parents ? Peut-on laisser quelqu’un sans soins parce que c’est “sa” volonté ? L’Ordre des médecins a tenu à rappeler à ce propos que “un refus de consentement ne peut être qu’indicatif et n’a pas de valeur contraignante.” Dans les débats en commission du Sénat, la ministre a reconnu que l’on doit pouvoir tenir compte des conditions dans lesquelles quelqu’un rédige ses dernières volontés… mais le texte de la loi ne fait pas place à cette interprétation.

Par ailleurs, le droit au consentement risque d’être mis à mal dans bien des circonstances, en médecine préventive ou dans la médecine de contrôle. Pourrait-on, par exemple, refuser un test anti-dopage sous prétexte du libre consentement ? Quand il y a conflit entre une loi générale et des règles qui relèvent de codes internes propres à un milieu ou à une profession, quelle disposition l’emportera ? Juridiquement, c’est la loi qui prime.

 

En Marche - Enfin, le débat, déjà ancien, sur l’accès au dossier médical est relancé…

Michel Barbeaux - Si le principe de l’accès au dossier médical apparaît bon en soi, il reste qu’il est illusoire de croire qu’il suffit d’ouvrir un dossier médical pour que le patient puisse prendre en toute autonomie les bonnes décisions pour sa santé… Sans même penser aux personnes peu scolarisées, on a de très bonnes raisons de penser que le patient devra être accompagné et conseillé dans la prise de connaissance de ce dossier. Les informations qu’il contient sont très techniques. Elles peuvent aussi être source d’angoisse pour le patient. A-t-on pensé aux informations détenues par les médecins-conseils ? Les psychiatres ont tout particulièrement mis l’accent sur ce problème car en ce domaine, le diagnostic est rarement d’une certitude absolue. Une mauvaise lecture pourrait même renforcer la maladie du patient… Mais l’introduction d’un amendement prévoyant un accès indirect du patient à son dossier médical via une personne de confiance qui pourrait être le médecin de famille a été refusée lors des discussions au Sénat.

En conclusion, je dirais que si les objectifs de la loi sur les droits des patients sont aussi les nôtres, il faut souhaiter que celle-ci puisse être un jour améliorée sur les points que je viens de soulever. Nous avons le sentiment qu’on a voulu aller beaucoup trop vite !

Propos recueillis par
Christian Van Rompaey

 

(1) Lire le compte-rendu du colloque organisé par la Fédération Wallonne des Institutions Hospitalières de Wallonie (FIH-W) dans la revue d’éthique des soins de santé Ethica Clinica (Septembre 2002) - Chaussée de Marche, 604 5101 Erpent -Tél. 081/32 76 60 - Fax 081/32 76 76 - fih-w@openweb.be  -

(2) On peut lire l’intervention de Michel Barbeaux au Sénat : www.senate.be

   


 

La loi en bref

1. Le patient a droit à des soins de qualité répondant à ses besoins et ce dans le respect de ses valeurs et de ses convictions.

2. Le patient a droit au libre choix du prestataire de soins. Il est libre de modifier son choix, sauf limites imposées par la loi.

3. Le patient a droit à recevoir toutes les informations qui concernent son état de santé et son évolution probable. La communication avec le patient doit être claire et doit tenir compte de la situation de chaque patient. Celui-ci a le droit de ne pas être informé de son état de santé ou de désigner une personne de confiance à qui transmettre cette information. Ces choix seront inscrits dans le dossier du patient. A titre exceptionnel, le praticien peut refuser de donner des informations qui risquent de causer manifestement un préjudice grave à la santé du patient (exception thérapeutique).

4. Le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien sur base des informations qu’il a reçues. Ce consentement est donné expressément, sauf lorsque le praticien peut raisonnablement inférer du comportement de celui-ci qu’il consent à l’intervention. A la demande du patient ou du praticien le consentement peut être fixé par écrit et ajouté au dossier du patient. Le patient peut donc refuser de donner son consentement à un traitement, mais il sera informé des conséquences de son refus.

5. Le patient a droit à la consultation de son dossier à l’exclusion des annotations personnelles du praticien et des données concernant des tiers. Pour exercer ce droit de consultation il peut se faire assister par une personne de confiance qu’il désigne lui-même. Le patient a le droit d’obtenir une copie (ou partie) de son dossier. Le praticien peut refuser de donner cette copie s’il dispose d’indications selon lesquelles le patient subit des pressions de tiers (menaces sur la protection de la vie privée).

6. Le patient a droit à la protection de sa vie privée lors de toute intervention du prestataire de soins.

7. Le patient a le droit à la médiation au cas où il introduirait une plainte concernant l’exercice de ses droits.

8. En cas d’incapacité à s’exprimer (patients mineurs, patients majeurs ne disposant pas de capacité juridique et sous statut de protection, patients déments ou comateux), le patient a le droit d’être représenté par ses parents, un tuteur ou une personne de confiance. Dans chaque situation, le patient sera associé au maximum à l’exercice de ses droits selon sa capacité de compréhension.

CVR

 

La loi sur les droits du patients est datée du 22 août 2002 et a été publiée au Moniteur Belge le 26 septembre 2002.

 


haut de pageRetour à "l'Index droits"