International
(3 mai 2012)
Lire également :
Contrefaçons et autres droits d’auteurs sur la
Toile
La neutralité du Net |
La Toile prend de l’ampleur. Les contenus et les échanges
sur le Net se multiplient. Large espace ouvert a priori, Internet voit sa
“neutralité” fragilisée. La revue Démocratie – publiée par la Mouvement
ouvrier chrétien – décode. Qu’entend-on par la neutralité d’Internet? C’est
le fait que “chaque utilisateur et chaque fournisseur de service ait la
garantie que l’information qu’il envoie arrivera sans entrave et inchangée à
tous les récepteurs potentiels et inversement”, explique Olivier Lambert. |
Il
identifie trois types de menaces qui pèsent sur cette neutralité. D’abord
celles des logiques commerciales. De petits abonnés peuvent être
délibérément ralentis par les fournisseurs d’accès, à la faveur de clients
plus rémunérateurs. Ensuite, les menaces peuvent être d’ordre politique. On
pense aux coupures pour les versions les plus radicales. On peut aussi
penser aux techniques de filtrage que les autorités tentent de développer
pour la détection des infractions aux droits de propriété intellectuelle,
par exemple, et qui font pas mal de remous (lire ci-contre). Enfin, il y a
les limitations techniques. L’augmentation du nombre d’internautes, du temps
passé en ligne, des contenus offerts, etc. font courir le risque de
congestion. Il faut gérer le trafic. Certaines méthodes posent question
parce qu’elles pourraient “mettre en péril des principes fondamentaux comme
la protection de la vie privée ou le secret de la correspondance”. Voilà une
matière à réflexion pour les nombreux internautes que nous sommes, devenus
trop souvent des usagers sur un mode presque réflexe, sans chercher à en
savoir plus.
//CD
>> Lire :
Olivier Lambert, “Internet. Cette très chère
neutralité…”, dans Démocratie, n°9, 1ermai 2012. Aussi sur :
www.revue-democratie.be |
|
© Patrice Masante/REPORTERS |
L’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA)
suscite bien des émois en Europe. Les débats dépassent les histoires de
sacoches griffées, pour couvrir l’ensemble des biens protégés par les droits
de propriété intellectuelle. Sur le terrain de l’Internet, des médicaments
génériques ou encore des semences agricoles, les craintes s’expriment.
L’anagramme ACTA traverse le
paysage médiatique au gré du parcours du traité dans les
arcanes européens. Le tout sur fond de mobilisations citoyennes à son
encontre.
ACTA, abréviation de…
De quoi retourne-t-il derrière ce sigle? Il s’agit d’un
accord négocié au niveau international, afin de lutter contre les violations
des droits de propriété intellectuelle, y compris quand celles-ci
surviennent dans l’environnement numérique. Pour exemplifier la démarche, la
Commission européenne évoque le cas d’un auteur dont le livre serait piraté
en dehors de l'Union ou celui d’une entreprise de mode qui trouverait des
contrefaçons de vêtements vendues par d’autres... “ACTA vise à
harmoniser les règles qui établissent la façon dont ils pourront réagir dans
un tel cas. Tout détenteur d'un DPI (droit de propriété intellectuelle), du
producteur de Chianti au propriétaire de logiciels de divertissement,
bénéficieront d'un accès amélioré à la justice, aux douanes, et à la police
pour faire respecter leurs droits face aux contrevenants”.
Parcours de signature
L’accord a été signé en octobre 2011 par huit pays : les
Etats-Unis, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, le Japon, le Maroc, la
Nouvelle-Zélande et Singapour. Ces pays viennent d’être rejoints, le 26
janvier dernier, par 22 Etats membres de l’Union européenne – dont la
Belgique mais pas, par exemple, par notre voisin allemand. Cependant la
polémique grandissant, la ratification par ces Etats membres – phase
nécessaire à l’adoption effective du traité – semble moins évidente. De
même, l’ACTA devra être précédemment encore ratifié par le Parlement
européen : discussions prévues en juin.
La liberté en ligne
En attendant, la mobilisation contre le traité va bon
train, manifestations et travail de lobbying à l’appui. Parmi les opposants
farouches, on retrouve des défenseurs de la liberté sur Internet, comme La
Quadrature du Net (1). L’association voit dans le traité “une
arme d’intimidation pour les industries du divertissement”. Les acteurs
de l'Internet seraient poussés – sous peine de sanctions – à “coopérer” avec
ces industries “pour surveiller et censurer les communications en ligne,
en contournant l’autorité judiciaire”. Là, entre autres, pèse la menace
pour la liberté d'expression en ligne, martèlent ces fans de la libre
circulation de la connaissance. Leurs craintes viennent notamment de
l’aspect flou du texte, laissant la porte ouverte aux interprétations. Une
critique partagée par d’autres anti- ACTA qu’ils soient du secteur du Net,
de la santé ou autres.
Risque pour les médicaments génériques
Ainsi, du côté d’Oxfam Solidarité (2),
on fustige une définition de la contrefaçon bien trop vague. Et l’on
s’inquiète de ce qu’elle pourrait nuire à la circulation des médicaments
génériques. Les craintes sont d’autant plus grandes que par le passé, ces
médicaments ont déjà été victimes de telles mésaventures. Saisis pour
infraction sur les marques, certains génériques avaient été jugés trop
ressemblants en termes de nom et/ou d’emballage à une marque brevetée.
Fustigés à tort, les génériques n’étant pas assimilables à des médicaments
contrefaits, mais bien parties d’un système légalement autorisé. ACTA
renforcerait “l’amalgame entre faux médicaments et médicaments
génériques”.
Et les semences
Pour certains défenseurs des semences paysannes, il est
grand temps de rejoindre les défenseurs de l’Internet libre qui ont
déclenché la mobilisation contre l’ACTA. Dans leur ligne de mire, le
mécanisme qui permettrait à des géants comme Monsanto de menacer de petits
agriculteurs pour contrefaçon de leurs OGM brevetés. “Certes, si après
enquête, la contrefaçon n'est pas avérée, les produits seront restitués et
leur propriétaire dédommagé, explique le Réseau semences paysannes
(3). Mais une telle procédure est une arme redoutable
entre les mains de multinationales (...). C'est ainsi que de nombreux
agriculteurs américains ont dû payer des sommes colossales les conduisant
souvent à la faillite, sur simple injonction des polices privées de Monsanto
les menaçant de poursuites pour contrefaçon de ses OGM brevetés. Des
agriculteurs utilisant des semences paysannes qui ont été contaminées ont
subi le même sort.”
Le temps des oppositions
La Commission européenne, par le biais de son commissaire
au commerce, Karel De Gucht, dément. ACTA ne surveille pas l’Internet ; ACTA
ne change rien aux lois européennes; ACTA ne favorise pas l’industrie au
détriment des droits fondamentaux ; ACTA n’empêche pas les gens de partager
du contenu en ligne, mais se bat contre le piratage; ACTA n’empêche pas les
pays pauvres d’acheter des médicaments moins chers (4).
Des négations qui ne semblent pas convaincre les opposants. Le rapport du
député David Martin auprès de la Commission du commerce international les
renforce. Ce dernier invite ses collègues à rejeter le traité. Difficile
équilibre que d’éviter les zones de non-droit tout en favorisant les espaces
de libertés, que de reconnaître la création et la propriété intellectuelle
tout en veillant à la diffusion, à l’appropriation par tous. A suivre.
//CATHERINE DALOZE
(1)
www.laquadrature.net
(2)
www.oxfam.org
(3)
www.semencespaysannes.org
(4)
hhttp://ec.europa.eu/trade/tacklingunfairtrade/acta/
|