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Tous les services

ne sont pas des marchandises (3 octobre 2002)

 

 

Décembre 1999. La conférence de Seattle (États-Unis), mise sur pied par l’Organisation Mondiale du Commerce, est littéralement assiégée par près de 750 organisations non gouvernementales qui expriment bruyamment leur opposition à la marchandisation du monde voulue par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). C’est le début d’une vraie révolution, au sens premier du terme, puisqu’il s’agit d’inverser un processus dont la montée semblait irrésistible.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) succède en janvier 1995 au GATT (accord général sur les tarifs douaniers), regroupant alors 123 pays. L’innovation est d’importance car celle-ci acquiert le statut d’une véritable Organisation Internationale. Son objectif est d’aboutir à ce que les États signataires des Accords de Marrakech portant sur la création de l’OMC (avril 94) ne mettent pas de barrières à l’ouverture des marchés. De plus - c’est la principale nouveauté par rapport au GATT - l’OMC dispose de compétences sans équivalent parmi les organisations internationales, à travers un organe quasi judiciaire : l’Organe de règlement des différends (ORD). Autorisé à sanctionner financièrement les États, celui-ci est aussi une nouvelle source de droit international à travers sa jurisprudence.

 

Un nouvel enjeu : l’Accord général sur le commerce des services
L’Organisation Mondiale du Commerce, réformée en profondeur, pourrait être un outil de régulation du commerce mondial. Mais elle est aujourd’hui le lieu de toutes les contradictions:
Saisie par de plus en plus de pays pour rendre le droit dans les échanges commerciaux, l’OMC est systématiquement prise à partie par les courants opposés à une mondialisation conçue selon les règles du libéralisme économique, fondé sur le faux postulat que compétition et profit sont les vrais moteurs d’une croissance dont les retombées seraient immanquablement positives pour l’ensemble des populations. La montée des inégalités, partout dans le monde, constatées dans les très sérieux rapports de la banque Mondiale démontre le contraire.
Chargée d’organiser la libéralisation des échanges, tout en essayant de concilier celle-ci avec les règles en vigueur (règles sociales, règles environnementales…), l’OMC risque cependant de générer un droit international en contradiction avec celles-ci (1).
A vocation mondiale, l’OMC fonctionne pourtant hors du système des Nations Unies. Elle agit sans concertation (ou si peu) avec les autres institutions internationales chargées de la santé (OMS), du travail (OIT) ou de l’éducation (Unesco). Les conflits commerciaux se multipliant, il ne s’agit pas de contester la nécessité d’une autorité régulatrice des échanges commerciaux internationaux. Mais celle-ci ne peut-être uniquement au service d’une économie libérale comme celle proposée aujourd’hui au travers d’accords multilatéraux portant sur les marchandises, les services, ou les droits de propriété intellectuelle (2). Ces derniers mois, la société civile internationale s’est tout particulièrement mobilisée autour de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Chaque pays membre a du communiquer à l’OMC la liste des services qu’il souhaitait voir libéraliser dans les autres pays. Ensuite, avant mars 2003, chaque pays devra faire connaître les services qu’il propose lui-même de libéraliser. Enfin, les accords multilatéraux qui en sortiront seront appliqués selon la clause dite de “la nation la plus favorisée” (3), c’est-à-dire que dès qu’il y a accord entre 2 pays pour accorder une totale liberté au commerce d’un service, cette liberté s’étendra automatiquement à tous les pays membres de l’OMC exportant le même service.

 

Quel avenir pour les services “hors commerce” ?
Les services représentent une grande part des activités socio-économiques contemporaines que l’OMC regroupe en une douzaine de catégories. Cela va des services professionnels (la comptabilité, l’audit, l’urbanisme…) aux services aux entreprises (rechercher et développement, publicité, sondage, intérim…), en passant par les télécommunications, l’éducation, la finance, le tourisme… mais aussi par la santé et le secteur social.L’objectif de l’OMC est bien de favoriser cette part du commerce international des services qui ne franchit guère les frontières nationales. Mais que se passera-t-il avec les nombreux services qui sont “hors commerce” ? Des domaines aussi vitaux que l’accès à l’eau, à l’enseignement, aux soins médicaux, aux services sociaux, à la gestion des ressources et l’ensemble des services publics subventionnés… tomberont-ils aussi sous la loi commerciale, le règne du profit et le tribunal de l’OMC ? En réponse aux inquiétudes qui se sont manifestées à travers le monde, l’OMC répond que les services rendus dans le cadre de l’exercice de l’autorité gouvernementale sont exclus du champ de l’AGCS et qu’il offre aux gouvernements la possibilité d’exclure des secteurs ou des sous-secteurs des négociations. Le rythme de la libéralisation reste ainsi à la discrétion des gouvernements. Elle affirme encore que les engagements sont réversibles à certaines conditions
(4).Mais ATTAC, mouvement d’opposition à la mondialisation libérale (5), fait remarquer que si l’article 1 de l’AGCS s’applique effectivement à “tous les services, de tous les secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental”, l’article 1c englobe par contre “des services qui ne sont ni fournis sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services”. Pour qu’un service ne soit pas concerné par l’AGCS, il doit donc être entièrement gratuit et n’être fourni que par l’État ! Or, on sait que des écoles, des hôpitaux, des services de transport, des assurances … coexistent et concurrencent les services publics dans de très nombreux pays. Seuls l’armée et la justice seraient des services publics au sens strict selon l’OMC.De plus, s’il est exact de dire que l’Accord donne la possibilité aux États de limiter leur engagement, la logique de l’AGCS est bien d’éliminer les limitations voulues par les États. Plus nettement encore que dans l’Accord sur les marchandises (!), il est écrit que les États membres chercheront au cours des négociations successives toujours plus de libéralisation, toujours plus de privatisations, les services publics ou subventionnés (services sociaux, services de santé, enseignement…) étant tout simplement considérés comme des opportunités manquées pour le secteur commercial. Or, la gratuité ou les coûts réduits des services d’intérêt général ne sont pas le fruit d’un État malencontreusement baptisé État-Providence, mais le fruit de nos impôts et de nos cotisations redistribués selon des objectifs d’intérêt général (6).
Christian Van Rompaey


(1) Voir l’étude conjointe sur les accords OMC et santé publique (En Marche - 5 septembre 2002) :
Santé publique, commerce et mondialisation (2) Lire  : Inégaux devant les médicaments
d'Anne-Françoise de Beaudrap (3 octobre 2002).(3) Cette clause stipule qu’un pays ne peut discriminer un fournisseur étranger au profit d’un autre pour un même produit ou service. (4) Tous les textes de l’OMC sont disponibles sur www.wto.org (5) Plus d’informations sur www.attac.org  (6) Lire La démocratie sous la menace de l’OMC dans le mensuel L’Écologiste (été 2002).

 

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