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Éditorial (16 octobre 2014)

Jean Hermesse
//Secrétaire général
© Matthieu Cornélis
L’accord du gouvernement, un progrès social ?

L’accord du gouvernement fédéral, conclu le 9 octobre dernier, comporte 230 pages. De cette somme, ressortent quelques priorités comme l’équilibre des finances publiques, la compétitivité des entreprises, la réforme des pensions, la réduction de la pression fiscale… et tout un volet sur "le progrès social et les soins de santé". Mais ces intentions sont-elles vraiment réalistes ?

L’accord du gouvernement comporte des objectifs avant tout économiques : mener une politique de croissance, renforcer la compétitivité des entreprises, assainir le budget de l’État, maîtriser les dépenses sociales, réduire la pression fiscale, réformer le marché du travail… le tout devant conduire à la création d’ emplois. Cet accord ne comporte cependant pas d’annexe reprenant en détails l’impact en euros des mesures concrètes qui seront prises. Or, lorsqu’on confronte les quelques chiffres connus aux intentions, on peut vraiment se demander si toutes ces ambitions politiques sont réalistes. In fine, les mesures d’économie ne vont-elles pas réduire à néant les ambitions affichées ? Voire même aboutir au résultat inverse ? Prenons l’exemple des soins de santé.

Un catalogue de "bonnes" intentions…

Le chapitre "Un système de soins de santé payable, accessible et de haute qualité" comporte une vingtaine de pages. Elles énumèrent toute une série de propositions pour l'adaptation – nécessaire – de notre système de soins de santé :

  • reconvertir une partie substantielle des lits d’hôpitaux ;

  • concentrer les soins spécialisés ;

  • développer le dossier électronique du patient ;

  • réformer le financement des hôpitaux ;

  • simplifier et faire correspondre la nomenclature au prix de revient réel des prestations ;

  • rendre le coût du médicament et du matériel médical plus transparent ;

  • atteindre une prescription plus efficace des médicaments.

Outre ces propositions intéressantes portant sur l’offre et l’organisation des soins, le gouvernement dit s’engager aussi à "œuvrer pour une réduction substantielle des inégalités en soins de santé", à "éliminer les seuils financiers susceptibles d'entraver l'accès aux soins de santé", à "revaloriser la profession d’infirmier". Or, à voir les économies qui seront imposées au budget des soins de santé, on peut douter que ces promesses soient réalistes.

… mais où sont les moyens ?

L’équation est simple. Pour 2015, l’Inami a évalué le budget nécessaire pour faire face aux dépenses en soins de santé, sans nouvelle initiative, à 24, 2 milliards d’euros. C’est aussi ce montant qui a été défendu sur le banc mutualiste. Or, le gouvernement a réduit l’enveloppe budgétaire à 23,8 milliards d’euros afin de faire contribuer les soins de santé à la réduction du déficit public. Il faudra donc réaliser au minimum 360 millions d’euros d’économie. L’année 2015 étant à nos portes, seules des mesures linéaires peuvent être prises. Rembourser moins certains soins ? Supprimer certaines prestations des remboursements ? Réduire linéairement certains prix et tarifs ? Inquiétant. D'autant que, pour l’heure, aucun accord médico-mutualiste n’a encore été conclu pour l’année prochaine : les honoraires des médecins pourraient ainsi devenir libres. In fine, le risque est grand de voir les patients payer plus de leur poche. Seuls les patients des catégories socio-économiques les plus faibles bénéficieraient d’un remboursement plus important, comme l’annonce le gouvernement.

Les soins ne deviendront donc pas plus accessibles, que du contraire. Et si les inégalités de revenus croissent, les inégalités en santé suivront la même voie. Ce risque est d’autant plus probable que ce gouvernement a aussi décidé d’une trajectoire budgétaire stable jusqu’en 2019. Concrètement, la norme de croissance autorisée serait à peine de 1,5% par an. À titre de comparaison, ces cinq dernières années, le taux de croissance a été très modéré mais a atteint 2,2%. Pour respecter ce taux de croissance diminué, il faudra donc faire un effort annuel supplémentaire de l’ordre de 150 millions d’euros par an ! La privatisation du système de soins plane à l'horizon.

Un programme en cache un autre ?

Sans moyens financiers suffisants, certaines ambitions affichées par le gouvernement ne seront que du vent. Pourquoi ne pas oser dire la vérité ? Si on réduit drastiquement les budgets sociaux, on organisera un transfert de charges vers les personnes. D’un financement collectif en fonction des revenus, on évolue vers un financement individuel variable, selon sa situation. En bonne santé, on fera un gain ; malade, cela coûtera plus cher. Les inégalités risquent d’augmenter.

Comme les prix seront peut-être libres, on assistera à une certaine dérégulation des soins de santé. Le vrai programme, caché, n’est-il pas de glisser d’un système de sécurité sociale financé de manière solidaire, qui protège tout le mon de, vers un système dual : l’assistance sociale pour les démunis et la protection sociale privatisée pour les autres ? N'est-ce d'ailleurs pas aussi la voie proposée pour les pensions ? Sous le couvert de "démocratisation des pensions complémentaires", ce gouvernement plaide pour renforcer le deuxième pilier (les pensions complémentaires d’entreprise) et le troisième pilier (l’épargne pension individuelle). Bien-sûr, en même temps, il réalise des économies dans le système de pension légale.

En matière de soins de santé, l’accord gouvernemental est un catalogue de "bonnes" intentions qui risquent de s'évaporer. En effet confronté aux choix budgétaires qu'il a lui-même posé, ce gouvernement risque de prendre de lourdes mesures d’austérité. Prestataires, patients, gestionnaires, associations et mutualités, restons tous vigilants pour maintenir notre modèle de cohésion sociale, la meilleure garantie d’une qualité de vie pour tous.

Jean Hermesse//Secrétaire général

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