Éditorial
(7 juin 2012)
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Trop
de radiographies peut nuire à la santé
A la
demande de l’Inami, les mutualités ont analysé de près l’usage de l’imagerie
médicale. Les résultats sont inquiétants. Nous consommons beaucoup trop de
radiographies. Or des doses de rayonnements élevées augmentent les risques
de cancer. Nous plaidons pour un usage moindre et plus efficace.
Pour établir un
diagnostic, le médecin fait souvent appel à l’imagerie médicale.
Aujourd’hui, les techniques d’imagerie médicale sont multiples: la
radiographie classique, le scanner, la tomographie informatisée, la
résonnance magnétique et l’échographie. Chaque technique est davantage
appropriée pour certains examens ou organes. Les examens les plus fréquents
sont les radiographies classiques (surtout dentaires), les échographies et
les scanners. Leur nombre augmente d’année en année ainsi que les dépenses.
Est-ce bien justifié et utile?
Une
croissance inquiétante
Les remboursements
d’imagerie médicale représentent, en 2011, 1,123 milliard d’euros. Et ce
budget est en croissance constante. Ces dix dernières années, les dépenses
d’imagerie médicale ont augmenté de 4,2% par an. Cette croissance s’explique
à la fois par une hausse constante du nombre d’actes (+ 3,4% par an), mais
aussi par l’utilisation de techniques plus coûteuses. Ainsi, sur un an, le
nombre d’examen via scanner a augmenté de 12,7%. Globalement en Belgique,
sont pratiqués davantage de radiographies, de scanners… que dans d’autres
pays. Or il est prouvé que les rayonnements émis lors de ces examens, par le
biais de scanners, de tomographies ou d’appareils de radiologie classique,
sont nocifs pour la santé, spécialement chez les jeunes. Ces derniers, s’ils
sont soumis à de nombreux rayonnements, ont davantage de risques de
développer un cancer à un âge plus avancé. La résonnance magnétique et
l’échographie sont en revanche des techniques plus sûres: elles n’émettent
aucun rayonnement.
La surconsommation
d’actes d’imagerie médicale est donc à la fois un problème financier et un
problème de santé publique.
Analyse
détaillée des pratiques
Face à cette
croissance inquiétante et à la demande de l’Inami, les mutualités ont
effectué une analyse détaillée de l’utilisation de l’imagerie médicale pour
mieux cerner les causes de cette croissance et formuler des recommandations.
On constate tout d’abord que sur une période de six ans, 89% de la
population a eu recours à l’imagerie médicale. Sur cette même période, 43%
de la population a subi plus de dix examens! Les femmes sont soumises à plus
d’examens d’imagerie médicale que les hommes (même sans comptabiliser les
mammographies et les échographies de grossesse). L’analyse régionale montre
que dans ce secteur de soins, la consommation est plus élevée à Bruxelles et
en Wallonie que la moyenne nationale.
En examinant de
plus près les pratiques des prescripteurs, on constate que le même
prescripteur est souvent à l’origine de la répétition des examens, que la
chronologie de l’utilisation des différentes techniques n’est pas toujours
logique et que de nombreux examens ne donnent lieu à aucun suivi. On
constate aussi une connaissance insuffisante, parmi les prescripteurs, des
risques liés aux rayonnements et un faible recours aux guides de bonnes
pratiques disponibles pour le choix des examens. Enfin, comme les doses de
radiation émise pour chaque patient (variables selon l’âge de l’appareil et
le nombre de coupes réalisées) ne sont pas enregistrées, nous ne pouvons que
faire une estimation grossière de l’exposition de la population belge aux
rayons ionisants.
On peut cependant
affirmer que cette exposition a fortement augmenté, qu’elle est supérieure à
celle que l’on observe dans d’autres pays voisins et qu’elle est largement
sous-estimée.
Il est
urgent d’agir
D’abord, le nombre
d’examens avec rayonnements ionisants doit diminuer de manière drastique. La
création d’un enregistrement centralisé des doses individuelles de
rayonnements permettrait d’attirer l’attention des prestataires et des
patients sur les risques de la multiplication des examens d’imagerie
médicale. Elle permettrait aussi d’identifier les appareils anciens plus
nocifs.
Ensuite,
l’intégration des recommandations de bon usage par les prescripteurs
apparaît comme indispensable. En effet, l’analyse montre qu’un des
principaux problèmes réside dans la répétition inutile des examens ou une
combinaison non efficace.
Enfin, au niveau
financier et des infrastructures, il faut examiner s’il n’y a pas lieu de
promouvoir davantage la résonnance magnétique. En effet, l’IRM utilise des
champs magnétiques pour visualiser les tissus, n’émet donc pas de
rayonnement, et le coût d’un IRM a diminué.
Finalement, il y
aurait lieu de revoir plus globalement la technique de financement de
l’imagerie médicale. Actuellement basée sur un remboursement par examen,
elle incite à la multiplication des actes. Un financement plus forfaitaire
par appareillage réduirait déjà fortement son usage.
La
surconsommation des examens d’imagerie médicale en Belgique expose les
patients à de fortes doses de rayons ionisants, bien plus que dans d’autres
pays. C’est un problème financier et un vrai problème de santé publique,
connu depuis longtemps. Il est urgent d’agir.
Jean Hermesse//Secrétaire général
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