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Éditorial (5 avril 2012)

Trop d’invalides, malades de notre société

La Belgique n’a jamais compté autant de travailleurs invalides indemnisés: plus de 278.000 dans le secteur des salariés! Et la hausse du chômage ainsi que le recul de l’âge de la pension vont encore accroître sensiblement leur nombre. Cette évolution est-elle inéluctable? Peut-on éviter de déclarer à vie des milliers de personnes inaptes au travail? Pour cela, il faudrait revoir fondamentalement les conditions de travail et l’accompagnement des travailleurs plus âgés.

Le nombre de personnes invalides indemnisées croît de manière importante, surtout ces dernières années. Certains laissent sous-entendre que cette augmentation serait le fait de ‘profiteurs’, de ‘carotteurs’. Non, elle est tout simplement la conséquence de l’évolution de notre société plus exigeante, plus compétitive et soumise à des mesures d’austérité réduisant certains droits et avantages sociaux. Le statut d’invalide deviendrait ainsi le statut-refuge face à la détérioration des conditions de travail. On ne fait finalement que déplacer les ‘problèmes’ sans vision d’avenir, ni programme global.

Pourquoi tant d’invalides ?

En dix ans, on est passé de 204.500 à 278.000 bénéficiaires d’une indemnité d’invalidité dans le régime des travailleurs salariés. Les dépenses ont évidemment connu une croissance similaire, passant de 1,901 milliards à 3,350 milliards d’euros. Les causes de cette hausse sont multiples :

  • L’augmentation progressive de l’âge de la pension légale pour les femmes et la réduction des possibilités d’accès au régime de prépension ont conservé plus longtemps en invalidité de très nombreuses personnes ; d’autres aboutissant dans ce statut en fin de carrière en lieu et place d’une prépension ou d’une pension.

  • La mise en œuvre de mesures d’activation des chômeurs et l’exclusion de certains pour raisons de santé.

La nature des affections a également évolué : les pathologies sont multi-causales et davantage d’ordre psycho-social. Et cette évolution ne semble pas s’arrêter. L’Inami a évalué que le nombre d’invalides dépasserait les 300.000 en 2015. Cette projection est probablement optimiste, car les dernières mesures gouvernementales réduisant les possibilités de prépension et instaurant une dégressivité plus rapide des allocations de chômage vont sans aucun doute induire plus de stress, de problèmes de santé et de mises en incapacité de travail. Le statut d’invalide accueillerait ainsi les travailleurs trop âgés qui ne peuvent plus être prépensionnés et les chômeurs de longue durée. Une régression sociale pour tous.

Pour une approche dynamique de l’insertion

Notre système d’incapacité de travail et d’invalidité n’est plus adapté aux évolutions de notre société. Il est trop binaire – apte ou inapte au travail –, trop limité à l’évaluation médicale et impliquant trop peu les partenaires concernés.

Les chiffres suivants parlent d’eux-mêmes : en 2008, 7.900 invalides sur 245.000 ont repris le travail : c’est moins de 4% ! Afin d’offrir des perspectives d’avenir et d’insertion socioprofessionnelle aux invalides, il faut sérieusement adapter le système actuel. L’évolution du revenu de remplacement au cours de la maladie devrait être découplée de l’évaluation médicale de l’incapacité. Ainsi, par exemple, certains travailleurs touchés par une maladie très grave pourraient se voir octroyer le statut d’invalide dès le premier mois d’incapacité. A l’inverse, d’autres pourraient rapidement retrouver leur emploi grâce à un suivi régulier et ainsi ne jamais être déclarés invalides. En outre, les règles actuelles permettent difficilement de combiner travail et indemnités à long terme.

Par ailleurs, à l’avenir, la fonction du médecin-conseil de la mutualité devra plus se centrer sur l’évaluation des capacités résiduelles de la personne et, avec l’aide d’une équipe pluridisciplinaire, accompagner la réinsertion professionnelle et sociale dans laquelle l’employeur, le médecin du travail, le médecin traitant doivent être partie prenante. Comme doivent aussi être associés le Forem, Actiris, l’Awiph…

Enfin, pour que l’allongement de l’âge de la pension ne se traduise pas tout simplement par plus d’invalides, il faudrait évidemment encourager toutes les formules d’aménagement des fins de carrière.

Et le bien-être ?

La situation financière des invalides est loin d’être enviable. Les minima fixés à partir du 7èmemois d’incapacité de travail sont insuffisants pour vivre. Et les quelques revalorisations sélectives intervenues ces dernières années sont loin de constituer l’indispensable adaptation des allocations sociales au bienêtre qui figure pourtant dans le Pacte des générations. Les moyens budgétaires doivent servir à revaloriser les indemnités. Il faut, par ailleurs, cesser de stigmatiser les invalides et reconnaître à ceux qui ne sont plus aptes au travail le droit de pouvoir s’investir dans des activités valorisantes qui créent du lien social.

De la nécessité d’un plan global et coordonné

Si nous voulons prévenir l’explosion à venir du nombre d’invalides et du budget de l’assurance indemnités obligatoire, un plan global s’impose. Il nécessite une approche coordonnée entre tous les acteurs impliqués, employeurs, syndicats, mutualités, organismes régionaux d’emploi et du travail... Il faut bien sûr aussi une volonté politique. L’enjeu est de taille : éviter que demain l’invalidité ne devienne du chômage ou des prépensions déguisés. Sinon, on ne fera que déplacer les ‘problèmes’ sans aborder le fond. Il ne s’agit pas d’injecter de nouveaux moyens budgétaires mais d’utiliser les moyens existants de manière plus efficace et coordonnée.

La croissance du nombre d’invalides est inquiétante. Elle reflète l’incapacité de la société à oser penser autrement et positivement les enjeux du vieillissement et de l’emploi. Les mutualités souhaitent le changement et se mobilisent pour un plan global et novateur. L’avenir se prépare maintenant.

Jean Hermesse//Secrétaire général

► Lire aussi : Reprendre le travail après une incapacité


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