Éditorial
(2010)
Mieux protéger les patients
en limitant les suppléments d’honoraires
(2
décembre 2010)
►lire
aussi "En tant que patient, se soucier de la facturation" (2
décembre 2010)
Alors que la crise nous pousse vers l'austérité, le
budget des soins de santé et la facture des patients hospitalisés en chambre
individuelle continuent d'augmenter. Par contre la facture en chambre
commune et à deux lits diminue. Ce sont les principaux enseignements de
notre analyse annuelle des factures d'hôpital. Ils nous incitent à
poursuivre notre action politique.
L’analyse des factures
de 2009 (lire ci-contre) montre que notre action politique a porté ses
fruits en chambre commune et à deux lits. Elle montre aussi qu’en chambre
individuelle, on assiste à une inflation inconsidérée des suppléments
d’honoraires conduisant vers une médecine de classes ! L’équilibre de notre
système de soins est menacé, nous plaidons pour plus de régulations et
l’ouverture d’un vrai débat politique.
La facture d’hôpital 2009, du chaud et du froid
L’évolution de la
facture hospitalière en 2009 est contrastée. En chambre commune et à deux
lits, la facture a diminué pour la troisième année consécutive. Cette
diminution est le fruit des différentes mesures prises soit en termes de
régulation (interdiction des suppléments d’honoraires pour les patients
protégés, suppression des suppléments de chambre), soit en termes de
meilleur remboursement (pour les implants et le matériel médical notamment).
Ainsi, progressivement, par une politique systématique et constante, la
facture en chambre commune et à deux lits est sous contrôle et diminue. Pour
qu’il n’y ait plus aucun risque financier, il suffirait de quelques mesures
complémentaires.
Par contre, la facture
en chambre individuelle a encore augmenté en 2009. En cause: l’augmentation
des suppléments d’honoraires. Nous constatons que cette augmentation est
continue. Depuis l’an 2000, les coûts à charge des patients hospitalisés en
chambre individuelle ont augmenté de 11% par an en moyenne ! On est loin de
la croissance moyenne du budget de l’assurance soins de santé ou de la
facture en chambre commune et à deux lits. Cette augmentation est telle
qu’aujourd’hui la totalité des factures payées par les patients pour la
chambre individuelle (23% des hospitalisations) équivaut à la totalité des
factures payées pour les chambres communes et à deux lits, soit plus de 500
millions d’euros !
Les suppléments
d’honoraires forment aujourd’hui plus de la moitié de la facture totale en
chambre individuelle. Cette augmentation n’est nullement justifiée par la
situation financière des hôpitaux, elle est inquiétante et risque de miner
considérablement l’accès des soins en Belgique.
La dérive des suppléments d’honoraires conduit à une médecine de classe
L’augmentation continue
des suppléments d’honoraires en chambre individuelle est une sorte de course
poursuite. La pratique de suppléments allant jusqu’à 300% voire 600% dans
certains hôpitaux, elle met la pression sur les rémunérations des médecins
dans les autres hôpitaux provoquant ainsi une sorte de surenchère. Ces
suppléments démesurément élevés sont possibles parce que certaines
assurances hospitalisation commerciales remboursent de tels suppléments.
Mais les primes pour de
ces assurances sont élevées et seuls les plus nantis ou les employés
d’entreprises riches peuvent y avoir accès. Ainsi, les hôpitaux situés dans
les communes plus riches ou entourés d’entreprises prospères peuvent se
permettre de facturer de gros suppléments, de mieux rémunérer les médecins,
se targuant d’attirer les “meilleurs”. On assiste ainsi progressivement à la
stratification sociale des hôpitaux : des hôpitaux pour personnes riches et
avec une assurance hospitalisation de luxe et les autres hôpitaux. Face à la
pression inflationniste des honoraires, les hôpitaux menant une politique
tarifaire sociale éprouvent des difficultés à résister et on risque
d’assister au développement d’une médecine de classe.
La dérive des
suppléments d’honoraires en chambre individuelle risque donc finalement
d’accentuer le développement de la médecine privée et de rendre l’accès aux
soins plus difficile pour les plus faibles. Ce risque est bien réel et
appelle d’urgence un débat et un choix politique.
Le programme de la Mutualité chrétienne
Afin d’assurer une
meilleure protection financière pour l’assurance soins de santé obligatoire,
la Mutualité chrétienne propose des mesures concrètes :
>
mieux financer les
hôpitaux ne réclamant pas de suppléments d’honoraires en chambre commune et
à deux lits ;
>
continuer à mieux
rembourser le matériel médical en utilisant les budgets prévus à cet effet ;
>
solidariser les
médicaments non remboursables ;
>
augmenter la
transparence des factures pour les interventions de chirurgie esthétique.
Enfin, face à
l’évolution inconsidérée et injustifiée des suppléments d’honoraires en
chambre individuelle, nous demandons l’ouverture d’un débat politique car
les enjeux sont essentiels. La dérive de ces suppléments nous conduit vers
une privatisation et une marchandisation croissante des soins de santé. Les
assurances privées n’arrivent pas à maîtriser ces suppléments, que du
contraire. Face aux suppléments, les patients fragiles et faibles sont
toujours otages. Nous demandons aux responsables politiques de mettre fin à
ces pratiques en plafonnant les suppléments à un pourcentage maximum.
L’assurance soins de santé obligatoire peut redevenir une excellente
assurance en cas d’hospitalisation en chambre commune et à deux lits. Grâce
à diverses mesures, la couverture de la facture dans ces chambres s’est
encore améliorée en 2009. Par contre, la dérive des suppléments d’honoraires
en chambre individuelle est vraiment inquiétante! Il est grand temps d’y
consacrer un grand débat politique pour éviter demain une médecine de
classes!
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