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A suivre... (19 juin 2014)

À “toute la Belgique du foot(1)

© Michaël Essers/En Marche

Mardi 17 juin - 16h30. Même le tram en direction du Heysel affiche les couleurs belges. Sur les quais, c'est carnaval. Drapeaux, chapeaux… l'attirail jusqu'ici fourmillant dans les supermarchés et autres étals sort en rue. Il faut dire que le négoce a mis le paquet, convaincu que le consommateur verrait dans le “noir, jaune, rouge” une valeur ajoutée à son achat. Et ce, malgré la crise. Quel paradoxe ces derniers jours où les caissiers du Carrefour ont visiblement reçu des consignes vestimentaires et apparaissent tels des supporters de l'équipe nationale, tandis que leurs collègues du Delhaize affichent des mines moins joyeuses, remerciant les clients de leurs marques de soutien, tous groggy par l'annonce de fermetures et de licenciements !

18h, direction Belo Horizonte où il est 13h. Par voie câblée, les regards d'une foule de Belges sont tournés vers le Brésil. Un quart d’entre eux seraient très intéressés par cette compétition, voire fans, avance Test achats. Précisant que la différence d’intérêt hommes-femmes pour cet événement du ballon rond n’a rien d’un mythe. On qualifie d'ailleurs ce sport de misogyne. Sur le terrain, et sur le banc comme alentours, la prééminence est clairement masculine. Alors que l'excitation est à son comble, elle se mue rapidement en concentration, Brabançonne à l'appui. Elle est fredonnée par les Diables rouges, mains sur le cœur. L'hymne national n'a pas encore trouvé son interprétation simultanée en trois langues. Chacun entonne la sienne. Depuis les tribunes, on se compte : deux fois plus d'Algériens que de Belges sur place, grâce à un subside de l'État algérien, dit-on.

À peine quatre minutes de match et “premier scandale de cette coupe du monde”, selon le commentateur du jour, Rodrigo Beenkens. Le sélectionneur de l'équipe nationale, Marc Wilmots, doit enfiler sa veste de costume et quitter le bras de chemise. C'est dire comme tout est contrôlé dans cette compétition. À deux kilomètres à la ronde des 12 stades construits pour l'occasion, la Fifa a d'ailleurs établi un périmètre réservé aux sponsors. Fifaland ironisent certains. La Fifa est vue comme le grand gagnant de la Coupe du monde. Les intérêts économiques dominent et sont dénoncés (lire l'écho "Toutes les oranges ne sont pas sucrées").

Après le cap du premier quart d'heure, pas encore de but. Le rythme n'est vraiment pas élevé. “Les équipes auraient-elles peur de se découvrir?”, s'interroge le commentateur. Pourtant l'internationalisation du foot amène nombre de joueurs à se côtoyer sur les pelouses, comme co-équipiers parfois. Né ici, naturalisé là-bas, jouant ailleurs, les appartenances nationales semblent davantage modulables pour ces footballeurs pro, que pour le commun des mortels. Ils évoluent dans une logique de marché. Au niveau des clubs, “seuls les supporters demeurent fidèles, les passionnés continuent de cultiver le rapport au territoire(2). Les joueurs eux progressent l'air de rien dans un cadre d'une violence inouïe quand on y pense : ne sont-ils pas achetés, prêtés, revendus…? Ils doivent soigner leur cote.

23e minutes : l'arbitre siffle un penalty. 24e minute: c'est goal pour l'Algérie, leur premier but en coupe du monde depuis 28 ans! “Comment l'équipe belge va-t-elle réagir dans une situation à laquelle elle n'est pas habituée?”, s'interroge le commentateur refroidi. Et d'ajouter: “Il va falloir nous trouver quelque chose, Eden, aujourd'hui”, ne sachant plus à quel saint se vouer. Si les talents du n°10 belge sont à la hauteur de ses émoluments, on peut rêver. Car il touche bien davantage que nos chefs d'État. Certes il fournira une occasion un peu sérieuse à la 43e minute… sans suite. Au micro en direct du Brésil, on s'inquiète : “On ne trouve pas de solutions notamment dans les combinaisons”. Comme elles résonnent ces considérations certes sportives, mais tellement parlantes sur d'autres terrains… politiques! Et ce n'est pas fini, entendez plutôt pour clore la mi-temps : “La Belgique est sonnée et pas encore chaos”.

À la mi-temps, les commentaires peuvent s’appuyer sur les ralentis, des retours sur images agrémentés d'éléments graphiques. La technologie se met au service d'une télévision toute en mode “foot”. Que ne ferait-on pas pour tenir le téléspectateur face à son écran? Pour l'inciter à consommer du foot, enfin surtout l'ensemble des produits dérivés dont son téléviseur? La RTBF, détentrice des droits de diffusion télévisuelle des matchs (pour des montants précieusement gardés secrets) a même mené une réflexion stratégique à propos des écrans géants en extérieur. Histoire de parts de marché. Il y en aura finalement 200 répartis sur le territoire, avec des règles précises.

Après 5 minutes de reprise, le rythme s'accélère du côté du plat pays. Les occasions jusqu'ici bien pauvres, prennent un regain d'intérêt pour les Belges. Une heure de jeu et 3e changement pour l'équipe alignée sur le terrain… Wilmots tente de trouver la bonne formule. Elle est lancée: “Le banc fera la différence”.

À la 70e minute, le diable d'origine marocaine, Marouhane Fellaini, égalise.

À la 80e minute, voilà un second but. Dries Mertens renverse la situation : c'est 2-1 pour la Belgique. Chaque but affiche pleinement le paradoxe de ce sport : l'importance du collectif et la place prépondérante de la performance individuelle.

83e minute, les occasions se multiplient et augmentent la fébrilité. Quel contraste avec la première mi-temps. Sur les gradins aussi. Car l'important – même pour les amateurs de foot – reste le score. Ouf ! Les icones de la réussite sociale se maintiennent en symboles et ne deviennent pas – encore – les coupables idéaux(3).

La fête supplante les problèmes des gens pendant un court moment, comme l'annonçait le sociologue du sport Jean-Michel De Waele. Et “l'émotion fait oublier la raison(4) dans une ferveur populaire impressionnante. Elle semble pourtant si fragile, si superficielle face à ce sport qui tient là davantage de la machine à pognon que du véritable sport populaire, comme l'appellent de leurs vœux de plus en plus d'acteurs du foot. À l'heure de lire ces lignes, une autre histoire aura déjà eu lieu : avec la Russie.

//CATHERINE DALOZE

(1) Selon Vincent Langendries, journaliste sportif à la RTBF.

(2) Ludovic Lestrelin, Les territoires réinventés du football mondialisé, dans Mouvements, n°78, été 2014.

(3) Julien Bertrand, La fabrique des footballeurs : la fabrique des mauvais garçons?, dans Mouvements, n°78, été 2014.

(4) Propos du commentateur sportif Benjamin Deceuninck, dans Samedi +, La Première, 14 juin.

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