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A suivre... (6 janvier 2011)

 

Vous y croyez, vous?

Enfilé au poignet, un bracelet-hologramme permettrait de gagner en performance. Son succès de vente témoigne que beaucoup semble y croire. La conviction apparaît d'ailleurs nécessaire pour que joue pleinement l'effet placebo, dénoncé récemment. Ce phénomène du placebo à l'œuvre dans les soins, les médications et autres thérapeutiques, cache des mécanismes encore bien mystérieux.

Sur les pistes d’athlétisme, dans les salles de sport, sur les cours de tennis ou les planches de surf… le bracelet Power Balance® fait fureur, semble-t-il. Raison de son succès: les vertus vantées lors de sa commercialisation. De la souplesse, de la force, de l’équilibre, autant de qualités qui attirent des sportifs en recherche de performances. Quelque 40 euros permettent d’acquérir le bracelet en silicone ou en néoprène agrémenté d’hologrammes. Et si la société qui distribue la marque indique qu’il ne faut pas chercher des “preuves formelles” de l’efficacité des bracelets, elle renvoie astucieusement sur les “preuves empiriques”. En somme, le message sous-jacent peut se résumer de la sorte : faites le test, jugez par vous-mêmes, et sans doute comme de nombreux autres sportifs – de haut niveau – vous l’adopterez. Le distributeur insiste: “en l’absence de preuves scientifiques formelles, notre meilleur faire-valoir est (sic) les milliers d’athlètes ainsi que les plus grands champions de la planète qui l’ont adopté sans être payés pour le porter.” Des vidéos démontrent. Chez certains, plus septiques mais empreints de pensées magiques, raisonnera l'incantatoire “On ne sait jamais”. L’engouement pour le bracelet atteindrait même quelques seniors pas nécessairement sportifs, désireux de contrer les effets de l’âge,  en mal d’équilibre et de souplesse.  Le distributeur  reste prudent en précisant que les produits Power Balance® ne sont pas des produits médicaux, et qu’ils ne peuvent pas être assimilés ou utilisés comme produit de diagnostic, de cure, de traitement ou en substitution à certains médicaments.

Qualifiés par certains de blagues de l’été, de miroirs aux alouettes ou d’arnaques de l’année, les exploits du bracelet – et de ses ersatz – se sont vus une nouvelle fois mis en doute, en cette fin d’année. Un “placebo”, indiquaient de grands quotidiens, sur la base d'un avis de la Commission australienne de consommateurs et de la concurrence (ACCC).  Et de préciser, “il n’y a aucune base scientifique crédible, ni aucune preuve raisonnable permettant d’affirmer qu’il régule effectivement les ‘flux corporels’, a jugé la Commission(…) qui vient de condamner le fabricant à rembourser les clients qui s’estimeraient lésés”(1). Affaire à suivre donc pour les consommateurs désireux de réclamer quelques dommages. Mais dés à présent, le bracelet magique nous entraîne dans un champ de réflexion bien plus vaste, celui de l’effet placebo.

 

Le placebo, un grain de sable

dans le rouage du tout-expliqué

Ce mécanisme mystérieux atteste de la puissance de la suggestion ou de l’autosuggestion.  Bien connu par les testeurs de médicaments, l’effet placebo est traqué par la médecine scientifique pour “démontrer que ses remèdes sont efficaces en dehors de toute dimension de suggestion”(2). Pour être validé, tout médicament, toute procédure thérapeutique doit avoir “triomphé d’un duel contre un placebo”. Là se trouverait le critère de l’efficacité. Paradoxalement, l’effet placebo semble accompagner tout acte thérapeutique. Il peut être tenu responsable d’un bon tiers des effets en médecine en général, et jusqu’à 80% des effets dans les dépressions et pathologies douloureuses chroniques. “Le placebo se pose ainsi comme un défi à la rationalité scientifique objective, sur laquelle se base tout médecin pour assurer son efficacité de soignant, écrivait le psychiatre Léon Cassiers(3). Il nous montre que des éléments culturels et psychologiques, symboliques(…) interfèrent de manière silencieuse mais indéniable tantôt comme adjuvants, tantôt comme obstacles à son efficacité thérapeutique."

D'aucuns taxent ceux qui réagissent aux placebos de personnes faibles, de peu critiques, trop influençables… Pour le psychiatre, il n'en est rien. “Le placebo fait appel aux structures normales du psychisme humain”. Même si le phénomène apparaît comme mystérieux, il a des manifestations physiologiques. N’est-il pas surprenant de constater que des associations d'idées de nature symbolique puissent avoir des effets somatiques précis?

 

Le nocebo plonge aussi loin

de l'objectivable

Le placebo (“ je plairai”) possède son alter ego : nocebo (“je nuis”). Ici, ce sont les effets indésirables qui se produisent. “Malades, rien qu’à l’idée”, titrait le magazine Equilibre en parlant du phénomène nocebo (4). “La seule idée d’être atteint d’une maladie, la crainte d’être malade, l’appréhension de subir un traitement peuvent rendre véritablement malade”, explique Veronique Janzyk. Apparition de troubles chez des riverains d'une antenne-relais de téléphonie mobile, alors que l'installation n'avait pas encore été mise en service ; observation de symptômes et de plaintes chez un groupe de volontaires en laboratoire qui se disaient hyper sensibles aux ondes électro-magnétiques et croyaient être exposés à ces ondes par des chercheurs, alors qu’ils ne recevaient aucune exposition; problèmes respiratoires de patients asthmatiques supposés respirer un gaz irritant pour tester ses effets, alors que l’aérosol contenait de l’eau salée…

Face aux effets placebo ou au versus nocebo, il s’agit de “prendre la mesure du pouvoir des représentations mentales et du poids de la peur”. “L’envie de croire”, comme la nomme le psychiatre Philippe Van Meerbeeck(2) est une dimension à part entière de la démarche clinique du médecin, du lien thérapeutique avec le soignant. Ce n’est pas un “élément folklorique”. Le professeur invite alors les futurs médecins à se rappeler continuellement que “les gens qui viennent nous consulter ont besoin de déposer leur confiance dans le lien qu’ils nouent avec nous, de croire en notre compétence et dans notre pouvoir thérapeutique, bien au-delà de celui dont nous disposons”. L’attente des patients outrepasse sans doute les compétences des soignants. Mais, parfois, sous l’effet d’un “nouage corps - esprit” étonnant, la parole, l’attitude du soignant fait disparaître la souffrance… durant un temps. Elle crée l'illusion du réel pouvoir du soignant, mais certainement, pas l’illusion du mieux-être du soigné.

// Catherine Daloze

(1) Le Soir, 30 décembre 2010.

(2) Philippe Van Meerbeeck et Jean-Pierre Jacques, L’inentendu. Ce qui se joue dans la relation soignant-soigné, éd. De Boeck, 2009.

(3) Léon Cassiers, Le médecin-médicament, sa puissance ou sa toxicité : effets placebo et nocebo, Louvain médical, 2007.

(4) Equilibre, juillet 2010.

 


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