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A suivre... (16 décembre 2010)

 

Une chèvre sous le sapin ?!

Nous, occidentaux, souffrons de la Pazas, diagnostique le psychiatre français, Christophe André (1). La Pazas? La Pléthorite Abrutissante Zappogène Autocentrée et Stressante. Et, ça a l’air très grave, docteur! Pour le dire plus simplement, et pour abandonner le pastiche d’une médecine jargonnante, le psychiatre parle aussi de la maladie matérialiste. Extrêmement contagieuse, elle n’épargne personne – ou quasiment – sous nos latitudes.

Sans cette affection, paradoxalement, nous souffririons de nausées, de vertiges ou d’un surcroît de perplexité quand, littéralement plongés dans les rayonnages des supermarchés, nous sommes face à des choix multiples. Des choix tellement abondants qu’ils ne peuvent être faits que grâce à un entraînement de longue date. Des possibles tellement nombreux que nous en arriverons même à manquer parfois du produit que nous souhaitons. 

Cette affection nous transforme en “obèses de biens, de nourritures, d’objets”. Dès qu’un problème survient, nous sommes tentés de passer à autre chose, “aller voir si on a reçu un mail, ou s’il y a un truc à manger, ou faire un peu de shopping pour se changer les idées (…) et finalement, stressés, malheureux, frustrés, dépendants, ne comprenant plus rien à nous-mêmes. Et fonçant à nouveau dans de mauvaises réponses que nous tendent les marchands: consommer pour nous soigner…”

Profusion et incitation permanente sont à l’origine de ces maux. Sans cesse de nouveaux besoins nous tenaillent. Ils sont amplifiés au fil des spots et autres techniques de vente. Les modalités pour les acquérir se font de plus en plus aisées. Acheter est un des actes les plus simples à réaliser aujourd’hui. Celui qui ne dispose pas du capital le fera à crédit. Celui qui n’aura pas anticipé le fera dans un magasin ouvert de jour comme de nuit. Celui qui a peu de moyens se sentira exclu.

Si certains sont qualifiés d’acheteurs compulsifs, parce que la fièvre des achats les atteint plus que d’autres, n’avons-nous pas tendance à être dépensiers pour calmer nos états d’âme anxieux, tristes ou déprimés?

Pourtant, “une des plus grandes menaces de notre bien-être psychique, c’est le matérialisme effréné de nos sociétés, analyse ce tenant de la psychologie positive. (…) Le matérialisme peut se définir ainsi: la possession, le pouvoir et le statut social représentent les valeurs les plus importantes; on valorise l’avoir au lieu de l’être, le faire au lieu du vivre, le montrer au lieu du savourer; la consommation est présentée comme la solution à nos besoins et nos tensions”.  

Ainsi la “maladie matérialiste pollue nos âmes”. Nous vivons ce que le philosophe Emil Cioran nommait “le cauchemar de l’opulence”.

 

Histoire de proportions

Nous sommes de plus en plus conscients de vivre comme “gavés mais carencés en vraies nourritures”. Le silence, la saveur du temps qui passe, de la liberté, le goût des lieux conviviaux, des liens humains que l’on nourrit… les savourons-nous vraiment? Le confort de nos conditions de vie, la vitesse de nos déplacements ou les nouvelles opportunités qui s’ouvrent à nous ne sont pas critiquables en soi. C’est davantage le manque d’investissements destinés à accroître l’équilibre des personnes qui pose problème, indique Christophe André. Il invite à une vigilance consumériste, à laisser décanter nos désirs avant d’acquérir, à adopter le juste dosage : un zeste de consumérisme dilué dans une bonne base de liberté et de défiance envers le matérialisme, et surtout à proscrire le dosage inverse, à nous engager comme citoyen dans ce sens.

A l’heure de glisser sous le sapin les cadeaux dont nous sommes coutumiers, à l’heure d’envisager les menus de fêtes, et de penser aux décorations de nos habitations, pensons à qui du zeste consumériste ou de la bonne base de liberté nous occupera davantage. Certes, l’exercice semble périlleux dans un moment tel que celui-là, où les incitations aux achats atteignent leur paroxysme, où les dépenses en cadeaux et autres mets festifs tourbillonnent dans une spirale folle. Les files aux caisses en témoignent, les retards de paiement d’autres factures aussi, la nature des produits en tête de gondole le montre encore…

C’est pourtant de moins en moins faire œuvre de “décalé” ou d’”hurluberlu”, que de préférer offrir “un cadeau symbolique à haute valeur ajoutée”. D’aucuns en composent même leurs slogans. En ces temps de fin d’année, des ONG battent campagne pour attirer les dons ainsi requalifiés. Mettre une chèvre sous le sapin pour Oxfam(2), des paquets de biscuits énergétiques ou une glacière porte vaccin pour l’Unicef (3), voilà ce que proposent – symboliquement bien entendu – ces associations en cette période de fêtes. En somme, le cadeau d’un cadeau!

Certes la pratique risque d’en perturber d’aucuns, étonnés voire déçus de ne rien recevoir – en direct à tout le moins –, mais il semblerait qu’elle corresponde à un certain renouveau dans nos modes de consommation. La consommation s’associe à l’adjectif “engagée”. Le modèle des “buycotteurs”(4) fait son apparition sous la loupe des sociologues. Succédant aux boycotteurs – qui n’achètent pas un bien pour protester contre les pratiques d’une entreprise ou d’un pays qui le produit, le buycotteur se caractérise pas l’achat d’un bien plutôt qu’un autre pour promouvoir une cause.

Autre tendance en vue: l’association du mot consommation avec l’adjectif “collaborative”. Locations, prêts, partages, échanges en seraient les maitres-mots. Et si le succès de ces usages est aussi à chercher dans les avantages pour le portefeuille, ils ont pour conséquences indéniables de réduire l’intensité consumériste, de créer du lien.

Quoiqu’il en soit, “inutile d’adopter une attitude trop puriste et intégriste”, concède Christophe André. Tout est une question de dosage donc. Quand on sait que les poubelles des ménages sont constituées en moyenne de 12% d’aliments entamés ou même parfois intacts et que ces chiffres atteignent 17% avec l’effet “Nouvel an”(5), il y a du pain sur la planche...

// Catherine Daloze

 

(1) Christophe André, Les états d’âme. Un apprentissage de la sérénité, éd. Odile Jacob, 2009.

(2) Campagne Oxfam s’emballe : “Surprenez quelqu’un grâce à un cadeau symbolique à haute valeur ajoutée tandis que votre don soutient des projets d’Oxfam-Solidarité et de ses partenaires” – www.oxfamsemballe.be/

(3) Le slogan de l’Unicef : “plus de nième cravate pour Noël, cette année sauvez des vies. Offrez l’HappyPack de l’Unicef, un cadeau véritablement utile” - www.happypack.be/fr/

(4) Jean-Paul Bozonnet, «“Boycott” et “buycott” en Europe. Écocitoyenneté et culture libérale», cité par Xavier de la Vega dans le mensuel Sciences humaines de décembre 2010.

(5) www.ibgebim.be  et www.ecoconso.be 

 


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