A suivre...
(16 septembre 2010)
Roms : l’intransigeance européenne
La France se voit
aujourd’hui accusée de tous côtés d’instrumentaliser politiquement la
question des Roms, assimilant lourdement immigration et criminalité. Cette
politique n’est pas nouvelle ni en France, ni en Europe!
Face aux Gadgé (ceux qui ne sont Roms), les Tsiganes,
Manouches ou Bohémiens… ont toujours suscité méfiance et rejet.
Quelle commune,
quel village accepte de gaîté de cœur de les voir s’installer sur son
territoire? Mais le refoulement des Roms est aussi, depuis longtemps, une
affaire d’État qui a pris au fil des siècles différentes formes :
bannissement, châtiments physiques, enfermement, envoi aux galères ou dans
des colonies de peuplement, esclavage, extermination… et, plus subtilement,
fichage et carnet anthropométrique afin de permettre le contrôle incessant
de cette population perçue comme dissidente.
On dira que cela relève
de l’histoire ancienne. Aujourd’hui l’humanisme, avec les droits de l’homme
comme carte de visite de nos sociétés occidentales, inspire une politique
d’assimilation, la marginalisation posant d’incessants problèmes sociaux. En
d’autres termes, le tsigane est contrôlé au lieu d’être interdit, encadré
pour ne pas être enfermé, assimilé au lieu d’être rejeté. Mais on le voit un
peu partout : cela n’a pas bien fonctionné. Au lieu de reconnaître et de
respecter une culture différente, l’ingénierie sociale a mis en route une
politique de réadaptation plutôt qu’une reconnaissance positive de la
différence.
Des émigrés de nulle part
Après avoir résisté au
fil des siècles aux politiques d’exclusion développées à leur égard, ces
immigrés séculaires sont donc devenus des émigrés de nulle part. Les
renvoyer “au pays” n’a pas beaucoup de sens. Leur territoire est “en eux”.
Même sédentarisés (ils le sont à 45%) ils restent, culturellement, des
“voyageurs”, marqués par un fort esprit d’indépendance par rapport à
n’importe quelle société dans laquelle ils vivent. Par ailleurs, même si
certains Européens sont prêts à reconnaître leur identité, ce sont encore
bien souvent les images folkloriques des tsiganes qui l’emportent. Peu
d’entre nous percevons le développement des mouvements de fond que
constituent d’une part, sur le terrain religieux, le pentecôtisme tsigane,
d’autre part, les organisations politiques représentant les Roms depuis le
début des années 70.
Déjà en 1971, le premier
Congrès international des Roms, à Londres, revendiquait le droit légitime de
ce peuple à être reconnu. Il officialisa la dénomination de “Rom” qui
désigne un ensemble de peuples divers mais issus de la même culture (Gitans,
Tsiganes, Manouches, Romanichels, Bohémiens, Sintis) présents dans le monde
entier. Vu de l’extérieur, tant de diversité ne permet pas de bien
appréhender les relations que ces groupes entretiennent entre eux par les
relations familiales, les rencontres autour des morts, le règlements des
conflits et bien sûr, les voyages des nomades (ou semi-nomades). Mais, pour
qui connaît un peu la vie des Roms, il n’est pas étonnant de voir émerger
une expression politique qui a pour projet la reconnaissance de la
spécificité culturelle des Roms, en luttant tant contre les politiques de
rejet que d'assimilation.
Un rejet continu, parfois discret
Sous d’autres formes,
avec de nouvelles justifications n’est-ce pas toujours la même politique de
rejet qui se poursuit partout en Europe?
En 2008, le gouvernement
de centre gauche de Romano Prodi avait politisé la présence des Roms de la
même façon qu’en France aujourd’hui. Il avait programmé des expulsions
massives dans les heures qui ont suivi l'agression mortelle d'une femme par
un Roumain dans la banlieue de Rome. La mesure fut abandonnée parce qu’elle
portait atteinte au principe de liberté de circulation des citoyens
européens. Mais l’actuel gouvernement italien n’y a pas renoncé. Rome parle
explicitement “d’expulsions comme pour les immigrés clandestins, pas de
retours volontaires ou assistés”.
Il y a des pays qui
recourent ouvertement à l’expulsion. D’autres sont plus discrets. Le
Danemark, la Suède, la Suisse, la Belgique ont programmé des renvois, certes
moins massifs qu’en France, vers le Kosovo, la Roumanie mais aussi la Serbie
et le Montenegro. L’Allemagne a renvoyé des Roms vers le Kosovo et
“programmé le retour vers ce pays de 12.000 personnes dans les prochaines
années, dont la moitié serait des enfants et adolescents ayant grandi en
Allemagne”, affirme Robert Kushen du Centre européen pour les droits des
Roms au journal français Libération. Or, la situation des Roms dans les
anciens pays d’Europe de l’Est n’est guère enviable. La discrimination y
reste un problème largement répandu, notamment en Roumanie, comme le
rapporte une récente enquête d’Amnesty International: “75% des Roms
vivent dans la pauvreté alors que cette proportion est de 24% chez les
Roumains dans leur ensemble et de 20 % chez les Hongrois, la plus importante
minorité du pays… Lorsqu’ils tentent de se faire entendre, il n’est pas rare
que leurs demandes soient tout simplement ignorées.”
L’Europe pourrait
contribuer à améliorer cette situation… Mais “les gouvernements européens,
explique encore Robert Kushen, manquent tous des données les plus
basiques sur le nombre de Roms présents dans le pays, le taux de réussite
scolaire des enfants, la santé, etc. (pour) adopter des politiques globales
permettant d’amener les indicateurs socio-économiques des Roms au niveau de
ceux de l’ensemble de la population.” L’Europe dispose de fonds
permettant de s’attaquer à ces problèmes, “mais ces ressources ne sont
pas toujours utilisées efficacement par les États membres, et l’Union
européenne ne contrôle pas suffisamment leur utilisation… A notre
connaissance, aucun État membre n’a prévu de s’attaquer à cette question…”
Une exception pourtant !
L’Espagne a fait le choix d’une politique d’intégration en accueillant de
nombreux Roms de Roumanie. Juan de Dios Ramirez, président de l'Association
des Roms en Espagne et premier député rom au Parlement européen, veut
renvoyer le Président français Sarkozy devant la Cour de justice européenne
à Luxembourg.
// Christian Van Rompaey
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