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A suivre... (2 septembre 2010)

Pas simple de se choisir un généraliste…

Les médecins généralistes seraient-ils une espèce en voie de disparition? Pas assez nombreux sur les bancs de l’école alors que leurs camarades se bousculent pour d’autres spécialisations, tous n’exerceront pas, ou pas longtemps.

Alexandra est une patiente comme bien d'autres. Dans la fleur de l'âge, elle n'a pas de gros problèmes de santé, seule la routine des petits bobos l'affecte de temps en temps. Son secours prend alors la forme d'une visite à son médecin généraliste. Son médecin de famille, comme on le qualifie, assez justement en l'occurrence. Il connaît ses frères et sœurs, soigne ses parents, a bien ses antécédents en tête. Au détour d'une consultation pour une angine naissante, il ne manquera pas de lui demander des nouvelles des uns et des autres. La patiente est fidèle à ce médecin. Serait-elle une race en voie de disparition? D’autres patients changent régulièrement de médecin ou préfèrent se rendre directement chez un spécialiste. Un déménagement a pourtant emmené Alexandra à plusieurs kilomètres du cabinet médical. Mais elle a confiance et ne s'imagine pas retracer pour un autre soignant toute l'histoire de sa santé, que son médecin de famille connaît si bien. Malgré tout, elle le sait, l'âge avançant, il faudra s'y résoudre: son médecin verra un jour poindre l'heure de la retraite, sans que ses soucis de santé à elle ne s'évaporent. Avant ça, elle n'aura peut-être plus la mobilité suffisante pour se rendre à la consultation. Pas simple de se choisir un généraliste…

Et voilà que les analystes parlent de pénurie. La pléthore menaçante des années '70 a cédé la place au phénomène contraire. Si, à l'époque, les médecins scrutaient avec angoisse l'apparition de plaques dorées indiquant l'installation d'un de leurs confrères, aujourd'hui, dans certains coins de la Belgique, ils en arriveraient à l'espérer. L'Inami vient de confirmer la tendance(1). D'après ses chiffres, 206 communes belges (sur un total de 589) souffrent d'une "carence médicale"(2) en généralistes. Elles n'étaient que 125 en 2008 à subir ce manque. Et l'Inami ne cite pas uniquement les zones rurales où la désertion - de nombreux services d'ailleurs – est loin d'être un vain mot.

Trop peu de considération

Le constat n'est pas vraiment neuf. “Trop peu de jeunes s’installent comme généralistes”, constatait déjà le Docteur Oldenhove en octobre 2005 dans les colonnes d’En Marche (3). Des pistes pour modifier ce dangereux affaissement ont d’ailleurs été lancées. Ainsi, voici deux ans, le Centre fédéral d'expertise en soins de santé (KCE) recommandait de prendre “des mesures nécessaires pour rendre la profession plus attractive”(4). Attirer les candidats généralistes et les inciter à rester dans le métier, voilà le programme. Car les explications de la pénurie ne seraient pas à chercher sur le seul terrain du numerus clausus et de la limitation du nombre d'étudiants en médecine. Un rapport du même KCE a montré qu’approximativement un quart du quota prévu pour les généralistes n’était pas atteint. “Les étudiants boudent cette spécialité”, la considérant comme une profession à statut et à revenus inférieurs. Aux professeurs de valoriser davantage cette orientation, diront certains, tout en ajoutant que la profession – son prestige, son rôle central…– devrait retrouver ses lettres de noblesse dans la société. Car, plus que d’autres, le généraliste se trouve souvent le garant de l’harmonie entre le vécu et le savoir scientifique. Une bienveillance salutaire dans un contexte médical où se dissocient de plus en plus la maladie et l’homme malade(5).

Nombreux sont ceux qui quittent la profession. Trop de stress, de charge de travail, de contraintes administratives, d'exigences dans le chef des patients qui réclament par exemple une disponibilité de tous les instants. Les gardes sont évoquées comme un poids. Certes, des initiatives tentent d’alléger le système, comme la consultation d’un médecin généraliste 24h/24 à côté des urgences de Saint-Luc à Bruxelles. Mais le malaise persiste, du côté des patients également. Certains se sentent victime de suspicion quand un service de garde appelé à la rescousse leur indique que le médecin retéléphonera pour s’assurer de la nécessité du déplacement.

Savoir prendre le temps

“Les généralistes sont surchargés”, constate le docteur Luc Lefebvre, président de la Société scientifique de médecine générale (SSMG). Patients, nous vivons en effet plus vieux, et la maladie n’est plus nécessairement fatale, elle peut nous accompagner un long bout de chemin. Ainsi les médecins ont fort à faire avec ces pathologies que l’on qualifie de “chroniques”, sans négliger d’autres aspects de leur mission : leur rôle dans la prévention, dans l’écoute du mal-être croissant, dans la prise en charge à domicile, dans l’accompagnement de la fin de vie…  “En dehors d’une concertation locale et d’une pratique en réseau dans le contexte de carrières modulables, il sera de plus en plus difficile de donner un avenir à notre discipline”, affirme le professeur Dominique Pestiaux, responsable du Centre académique de médecine générale de l’UCL.

Soigner ses semblables, il s'agit d'un art, écrivait l'auteure d'une Lettre à un jeune stagiaire: “L’intelligence est un bien indispensable, la gentillesse est plus que souhaitable mais votre sourire et votre tact feront de vous un bon médecin. Si vous parvenez à décrocher un sourire à votre patient, vous avez déjà beaucoup avancé dans son traitement car il vous fait confiance, il vous écoutera, il se sentira rassuré.”(6) A lire les “chroniques d’un médecin généraliste”(7), l’humanité jalonne le quotidien de ce type de praticien. Il serait regrettable que le métier et, surtout, cette manière tout en proximité et à cœur ouvert de le pratiquer soient en voie d’extinction.

// Catherine Daloze

 

(1) Voir la liste des “zones de médecine générales à faible densité médicale” et concernées par le Fonds d'impulsion à l'installation des médecins généralistes.

(2) Selon l'expression du journaliste Ricardo Gutiérrez, dans Le Soir du 26 août.

(3) La parole à trois médecins généralistes, En Marche, 6 oct. 2005.

(4) Lire KCE reports 90B sur www.kce.fgov.be

(5) M.Van Dormael, Le médecin généraliste du futur, in I. Pelc et L. Cassiers, La faculté de médecine et le médecin praticien du XXIème siècle, 1998.

(6) http://hugomg.blogspot.com/

(7) Carl Vanwelde, “Visites buisonnières”, éd. Weirich, coll. Printemps de l’éthique, 2009.

 


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