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A suivre... (6 mai 2010)

 

 

Notre cerveau,

ça nous regarde

Notre cerveau, fort d'un nombre impressionnant de neurones et de connexions entre eux, est l'objet d'explorations de plus en plus précises. Les connaissances à son propos n'en finissent pas de croître. Si elles permettent de mieux lutter contre certaines maladies, elles peuvent également servir d'autres desseins: marketing, lecture des pensées, dopage des performances…

Comprendre les mécanismes qui animent notre “boîte noire”, apprendre comment fonctionne l'enchevêtrement de nos neurones… les recherches en “neurosciences” font des avancées rapides, au rythme du déploiement des nouvelles techniques d'imagerie médicale. Il est loin le temps des trépanations grossières, pour tenter d'en savoir plus. 

La curiosité bien entendu, mais aussi le souci d'accompagner au mieux, voire de soigner certaines affections, mobilisent les scientifiques. Maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer, dépression, hyperactivité, schizophrénie, troubles cérébraux dus à des lésions… sont en quelque sorte les bénéficiaires des recherches. “Comprendre les mécanismes à l'œuvre permettra non seulement de mieux traiter les déficits avérés, mais aussi de les dépister au plus tôt”, explique la docteur Karin Rondia(1). Aujourd'hui déjà, nombre de médicaments (analgésiques, antiépileptiques, neuroleptiques…) agissent sur le transfert de signaux entre cellules nerveuses ou protègent les neurones contre les agressions. La neuro-chirurgie permet d'implanter par exemple une électrode dans la zone du cerveau identifiée comme la source du problème pour certains patients atteints de Parkinson et ainsi de réduire les tremblements. La neuro-génétique conduit à l'identification de maladies héréditaires, tandis que la neuro-robotique progresse à grand pas et développe la communication électronique entre le cerveau humain et la machine. Heureusement, nous n'en sommes cependant qu'à l'ébauche du fameux cyborg (mi-homme, mi-machine) que les imaginaires futuristes ont rêvé.

Mais il n'y a pas lieu d'attendre que la science- fiction devienne réalité pour s'intéresser aux avancées des neuro-sciences. “Aujourd'hui, la recherche dans ces disciplines [ndlr: neurosciences cognitives] est certes toujours en cours et leurs conclusions provisoires. Elles ne représentent donc encore qu'un enjeu plutôt qu'un acquis. Mais quel enjeu!”, remarque Albert Bastenier en introduction d'un dossier de la Revue nouvelle consacré au sujet (2). Des rencontres de citoyens européens en 2004 baptisées “Meeting of Minds”(3) avaient déjà attiré l'attention sur l'influence que ces recherches ont – l'air de rien - sur nos sociétés, en appelant à la vigilance à avoir, à la construction d'une éthique. Ces réflexions, toujours d'actualité, avaient été mises en lumière dans une brochure – très accessible et passionnante - “Mes neurones et moi”(4). On y lit, au départ de cas concrets, les débats que soulèvent les soins et des recherches médicales.

Par exemple, les neurones de Lucas, enfant turbulent, très turbulent, nous amènent sur le terrain de l'hyperkinésie et la question de la surmédicalisation. Administrer des psycho-stimulants à des enfants difficiles à l'école n'est-ce pas éviter de questionner l'environnement scolaire et familial? N'en vient-on pas à définir comme pathologique ce qui s'écarte de la norme? Ne risque-t-on pas de considérer les psycho-stimulants comme des médicaments miracles, que l'on ne prendrait plus uniquement pour guérir ou soulager des souffrances, mais aussi  pour doper notre fonctionnement cérébral ou notre comportement?

Autre exemple: les neurones de Henry, dont les idées se brouillent. Avec lui, il sera question de démence, de pertes de mémoire. Là aussi des médicaments – dont il ne faut pas “espérer la lune” écrivait le neuropsychiatre Philippe Meire – pourraient passer de ceux qui soignent à ceux qui dopent. A la satisfaction des étudiants pendant leurs blocus. Les neurones de Henry ouvrent également un pan de réflexion sur les traitements préventifs. On le sait: les recherches vont bon train à propos des causes de la maladie d'Alzheimer et des prédispositions éventuelles à en souffrir. Qui traitera-t-on? A quel stade? Avant que tout symptôme ne se manifeste?

Parmi la dizaine de situations décrites, retenons aussi les neurones de cet anonyme, soumis au “brain fingerprint”, version améliorée d'un électroencéphalogramme. Ils nous emmènent sur le terrain des usages de l'imagerie médicale dans des affaires policières ou judiciaires. Les réactions neurologiques supposées accompagner un mensonge sont-elles des preuves? Que disent les  interprétations des images cérébrales? D'aucuns promettent de cerner un “large éventail d'humeurs, d'états psychologiques et de profils de personnalité”. Le neuro-marketing s'intéresse aux mécanismes cérébraux qui sous-tendent nos décisions d'achat, voire nos votes. Mais nos pensées peuvent-elles être réellement espionnées?

Médicalisation de la société, accroissement des performances, accès au bonheur sous influence, transformation de la perception du monde, restriction du libre arbitre… Les implications des neuro-sciences n'ont rien d'anodin, le champ des réflexions éthiques est large.

Par-dessus tout, les neurosciences n'ont-elles pas ceci d'inquiétant: elles bouleversent les représentations que nous nous faisons de nous-mêmes et des autres. Sommes-nous entièrement lisibles dans l'imagerie de notre métabolisme cérébral? s'interroge Albert Bastenier dans la Revue nouvelle. “Si le cerveau constitue assurément le terreau qui conditionne la possibilité des pensées qui nous viennent, faut-il pour autant affirmer qu'il est la cause de ces pensées?” La question prend toute son ampleur, au vu de l'apport des neurosciences: la conscience de nos actions semble suivre et non précéder nos actions elles-mêmes.

Malgré la curiosité, on en viendrait à vouloir conserver une part de mystère. 

//Catherine Daloze

 

(1) “Faut-il avoir peur des neurosciences?”, in La Revue Nouvelle, mars 2010.

(2) “Neurosciences, les neurones expliquent-ils tout?”, mars 2010. Plus d'infos: www.revuenouvelle.be – 02/640.31.07.

(3) sous la coordination de la Fondation Roi Baudouin.

(4) téléchargeable sur www.mesneuronesetmoi.be

 


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