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A suivre... (1er avril 2010)

 

La presse en temps de pandémie A/H1N1

La gestion de la pandémie grippale vient d'être clôturée en Belgique. Il est temps d’ouvrir un nouveau chapitre et de revenir sur la déferlante annoncée. Comment les médias s'y sont-ils pris? Cette question compte parmi celles qui caractérisent la nécessaire prise de recul. L'étape est en effet primordiale. Car, après la peur, après les soupçons, vient le temps de la réflexion, souvent oublié. On gagne pourtant à analyser le passé, à revenir sur le déroulement des événements.

Mars 2010. Le nombre de nouveaux cas de grippe A/H1N1 est devenu tellement bas que le Conseil des ministres a décidé la levée du dispositif d'enregistrement et de surveillance. Ainsi, il a été mis fin, par exemple, à l'obligation pour les écoles de communiquer quotidiennement le nombre d'élèves et d'enseignants absents. C’était l’une des mesures destinées à empêcher la propagation du virus. Aujourd’hui, c'est vrai, la tempête grippale nous semble déjà lointaine …

Au final, le décompte quantitatif indique 214.531 personnes contaminées dans notre pays, ainsi que 19 décès attribués à des complications liées à l'infection grippale (1). Et ce, depuis la fin avril 2009, soit sur une année de gestion de crise. L'heure est aujourd'hui aux inventaires – celui des vaccins restés en rade notamment - et surtout aux évaluations des dispositifs.

 

Les médias : alarmistes,
trop prudents… ou à leur place ?

Dans le cours des événements, les médias ont tenu une place de choix. “Ont-ils été trop loin ? Ont-ils espéré le pire ? Ont-ils dramatisé l’événement ? Ou ont-ils été à la traîne de l’OMS et des services de prévention des gouvernements ?” L'Observatoire du récit médiatique (2) tente d'éclairer ces questions, au travers de coups de sonde dans la presse belge et d’ailleurs. En ces temps de recul, et malgré un échantillon limité, les chercheurs de l'ORM posent un regard critique sur l'information autour de l'épidémie annoncée, sur ce qui est devenu finalement un “non-événement”. Et de constater que la saga prometteuse en émotions, en rebondissements, en controverses, ne l'a pas été tant que cela; que – contrairement à d'autres événements – c'est l'anonymat qui prédomine. Des victimes, on ne connaît ici pas le visage.

Une chercheuse de l’ORM s’est par exemple penchée sur le traitement rédactionnel proposé par le journal “Le Soir”. Elle indique qu’une certaine prudence a été de mise. Et de citer un des journalistes, Frédéric Soumois: “L'objectif est d'informer le public sans attiser la peur et sans dramatiser à l'extrême. Face aux interrogations du public par rapport au virus, nous avons privilégié le côté pédagogique”. Mais tous les organes de presse ont-ils abordé les choses de la même manière? Puis surtout, comment ces intentions ont-elles été reçues? L'échantillon de l'ORM ne permet pas de le dire. L'analyse serait à poursuivre, à affiner. Alors que des professionnels de la santé évoquent un brouhaha d'informations – parfois contradictoires- et parlent de confusion, certains journalistes semblent en tout cas ne pas avoir voulu jouer les vecteurs de panique, se consacrant à relayer les conseils d'experts, à diffuser les messages de prévention relativement techniques. Pourtant, les bilans chiffrés quotidiens du nombre de malades – qui ont marqué les premiers mois de l'annonce pandémique - pouvaient avoir l'effet d'un décompte morbide et créer, derrière les chiffres aux allures de raison, des émotions fortes.

Les interrogations sur le traitement médiatique de la grippe A/H1N1 n'ont pas attendu la fin de l'épisode pour émerger. A la mi-septembre déjà, alors que les vaccins arrivent sur le marché, l'émission InterMédias de la RTBF s'interroge: “Grippe A, les médias en font-ils trop?”. L'épisode de “la place à faire dans les cimetières”(3), datant de la fin juillet, est encore dans les mémoires, et amène différents intervenants, dont une infectiologue, à regretter l'alarmisme. Tout un débat s'ouvre alors sur la spécificité des informations ‘santé’: fort dépendantes de l'expertise scientifique, faites de probabilités, très sensibles en termes d'impact sur les personnes, en proie à une vulgarisation, à une simplification bien utile mais délicate… La prudence est recommandée.

Sur le plateau d'InterMédias, les observateurs remarquent combien la grippe A/H1N1 porte en elle le potentiel des grandes peurs millénaristes, comme la grippe espagnole. Moderne, la pandémie de grippe A prend cependant d'autres tournures dans les discours. C'est que, dans notre siècle, la peur naît davantage de la connaissance scientifique, suggère le sociologue Felice Dassetto, lors de l'émission. La connaissance est à la source des craintes, les scénarii d'anticipation créent l'angoisse. On s'inquiète à l'avance de ce qui pourrait se passer. Et quand, comme en France, l'événement vient se greffer sur un épisode à l'issue dramatique – on pense entre autres à l'affaire du sang contaminé -, la précaution peut dépasser le raisonnable.

 

Avec Internet, la machine s’emballe

C’est surtout sur le Net que les dérives ont pris leurs quartiers. “Propos alarmistes et vidéos d'avertissement sont diffusés en masse sur Internet”, constate une doctorante du Département de communication de l'UCL dans son analyse du traitement médiatique des théories du complot autour de la grippe A/H1N1. “Toutes sortes de théories tentent d'expliquer l'origine de la grippe A/H1N1 ou mettent en garde contre le vaccin qui la combat (…). Extraterrestres, illuminati, francs maçons et Juifs (…) sont tour à tour soupçonnés par les internautes d'avoir créé et instrumentalisé l'épidémie. D'autres voient dans la grippe 'porcine' une punition de Dieu, châtiant les impurs, ceux qui mangent du porc – comprenez les non-Musulmans”. Le relais de ces extrapolations dans la presse belge sera plus que minime. On peut s'en réjouir. C’est le cas, à tout le moins, de ceux qui distinguent récits fantastiques et vie réelle, de ceux qui attendent d'un journal papier ou télévisé une information recoupée et utile pour comprendre le monde.

N'est-ce pas l'investigation qui fait défaut? Sans doute celle de la presse, lorsqu'elle apporte des éclairages documentés et nuancés sur le fonctionnement des entreprises pharmaceutiques, par exemple, sur celui des organismes internationaux et la manière de définir une pandémie. Alors que se poursuivent les auditions par le Conseil de l'Europe sur la gestion de la pandémie, restons curieux de ces articles, de ces émissions qui contribuent à décoder les événements en profondeur. Et appelons-les de nos vœux.

//Catherine Daloze

 

(1) Cas notifiés au Commissariat Influenza: www.influenza.be

(2) Groupe de recherche au sein du Département communication de l'UCL, l'ORM publie "Grippe A: une catastrophe annoncée", Médiatiques, n°45. Voir www.comu.ucl.ac.be/ORM

(3) "Grippe AH1N1: faire de la place pour les morts", titrait un journaliste des Editions de l'Avenir, le 31 juillet 2009.


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