A suivre...
(17 décembre 2009)
La part
du colibri
Papillon et colibri. Des auteurs sortent le bestiaire pour décrire nos
comportements d’habitant de la terre. Derrière la poésie de ces nouvelles
images d’Epinal ne manquent pas d’apparaître nos interrogations de citoyens.
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© Dave Watts/REPORTERS |
Du papillon responsable
«C’est l’effet papillon, rappelle en chantant Bénabar. Petite cause, grande
conséquence. Pourtant jolie comme expression… petites choses… dégâts
immenses»
L’effet papillon,
Bénabar l’interprète comme le retour de flamme ou la théorie des dominos.
L’artiste français s’engage sur le terrain de l’avenir de la planète, où
seul «l’ours blanc s’étonne que sa banquise fonde», où la couche
d’ozone est si loin de nous, mais où c’est d’ici qu’on la perce. Il dit
partir de l’universel: le naufrage de la planète, pour en venir à l’intime.
Il rappelle que chacun est responsable des grandes causes comme des petits
riens (1).
Voilà l’expression
initiale détournée. Car en premier lieu, l’effet papillon a servi à un
météorologue qui tentait de définir la prédictibilité du climat. «Le
battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au
Texas?», interrogeait Edward Lorenz. Son raisonnement tend à prouver que
de toutes petites variations entre deux situations initiales peuvent
engendrer, au bout d’un certain temps, des situations finales très
éloignées. Il démontrera également l’impossibilité de prédire avec précision
la météo à plus de deux ou trois semaines.
Mais l’image, puissante
de poésie et parlante à souhait, est devenue métaphore. Elle s’est mise à
symboliser la force de nos actes et l’impact de nos vies quotidiennes.
L’effet papillon a pris d’autres tournures, propices à titiller nos
responsabilités d’habitants de la Terre.
Au colibri qui répare
Autre histoire, autre
animal, mais avec une morale proche: celle que reprend le penseur Pierre
Rabhi dans son récit «la part du colibri»(2). La
légende est amérindienne, écrit-il. Elle nous enseigne qu’en dehors des
grandes décisions politiques des Etats, il nous appartient également à titre
individuel de faire tout ce que nous pouvons, dans notre sphère propre, pour
l’avenir de la planète.
«Un jour, dit la
légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés
et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri
s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter
sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements
dérisoires, lui dit: ‘Colibri! Tu n’es pas fou? Tu crois que c’est avec ces
gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu?’ ‘Je le sais, répond le colibri,
mais je fais ma part.’» Tel est notre responsabilité à l’égard du monde,
estime Pierre Rabhi, «car nous ne sommes pas totalement impuissants si
nous le décidons».
Aurions-nous un tel
pouvoir d’action? Oui, diront les plus optimistes, et les anti-fatalisme à
ceux qui pensent que le pouvoir est détenu par d’autres, par les politiques
ou les marchands. N’avons-nous pas la possibilité d’influencer (à tout le
moins) ces décideurs? Sur le terrain politique: d’aucuns avanceront notre
pouvoir de choisir les élus, voire de nous engager personnellement. Sur le
terrain de l’entreprise: il sera question de notre pouvoir de consommateur,
de l’impact de nos choix d’acheteur. Sans oublier notre influence sur nos
proches, notre capacité à faire contagion à l’entour. Car nous sommes tous,
les six milliards d’humains, parties prenantes de l’orientation de
l’aventure collective, rappelle le scientifique Albert Jacquard(3).
Des utopies?
Le généticien parlant
comme un sage estime que nous souffrons d’un mal profond: nous avons
tendance à croire que l’état de nos sociétés, que leurs dynamiques actuelles
sont inévitables à l’image des forces de la nature. Il plaide contre cette
résignation, dénonçant l’étiquette d’utopiste accolée à ceux qui projettent
des changements. Il s’insurge contre l’acceptation passive d’un pseudo état
de fait.
Alors, convaincus des
effets de nos battements d’ailes, fort de nos agitations de colibri, et pour
l’avenir de la planète, nous prendrons le train plutôt que la voiture, nous
choisirons le recyclage, nous éviterons le suremballage, nous regarderons à
l’origine des composants de nos caddies, nous penserons écologique à l’achat
des produits d’entretien, nous irons jusqu’à Copenhague ou Bruxelles pour
dire aux puissants l’urgence d’agir, nous aurons même pensé aux politiques à
mener, nous soutiendrons les mesures parfois aux dépens de nos conforts
personnels…
Eh oui, le “je” n’est pas suffisant. Il y a
lieu de solliciter la collaboration. Les constructions de “nous” sont
indispensables. Certes elles ne manquent pas et sont toujours à inventer. Il
ne s’agirait pas que les forces s’éparpillent, que la responsabilisation
individuelle engendre une déresponsabilisation collective. Il ne s’agirait
pas que soit à l’œuvre une vaste culpabilisation de chacun. Parce
qu’enjoints à agir à chaque instant, dans le souci du bien commun, nous
faisons face à des sommations qui ne sont pas légères.
Catherine Daloze
(1)
http://www.benabar.com/
(2) Pierre Rabhi, “La part du colibri. L’espèce humaine face
à son devenir”, éd. De l’Aube, 2006.
(3) Albert Jacquard et Huguette Planès, “Nouvelle petite
philosophie”, éd. Stock, 2005.
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