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A suivre... (3 décembre 2009))

 

Sois belle et loge-toi

Un concours de miss: le concept rime avec compétition entre filles, célébrité éphémère, mensurations strictes, enjeux financiers… Surprenant, des Bruxelloises l’ont trouvé adéquat pour les femmes sans abri, transformées ainsi en miss. Non sans susciter la critique.

Il est peut-être bel homme, peut-être jeune, mais il a replié une jambe contre lui et posé le front sur le genou ne donnant à voir aux rares regards des passants qu’un bonnet de laine sombre. (…) On est le 12 octobre à 8 heures à la gare bruxelloise du Luxembourg, il y a du givre sur les pare-brise des voitures qui ont passé la nuit dehors, et Miss SDF Belgique vient d’être élue pour la première fois.» Ainsi débute un billet d’humeur révoltée de Joëlle Kwaschin dans la Revue Nouvelle (1). Eh oui, l’élection de Miss sans-abri n’a pas été factice. Si nous pensions en novembre 2008 au lancement d’un canular, il n’en sera rien. Une miss sortie de la rue a bien été élue près d’un an plus tard, couronne brillante et écharpe de circonstances.

 

Sois volontaire

Elle s’appelle Thérèse Van Belle, est schaerbeekoise, et a 58 ans. Prépensionnée après une carrière de plus de 25 ans comme femme de ménage, elle a connu la rue durant un mois. Condition de sa participation: il faut en effet être “dakloos”, sans toit. Et comme les autres candidates, elle a exprimé «le souhait explicite d’abandonner la vie de la rue et de s’engager, avec un encadrement, à développer une vie sociale». Autre condition émise par les organisatrices du concours qui semblent considérer la volonté comme la clé du succès. Mathilde Pelsers gère quatre maisons d’accueil non-agréées en région bruxelloise. Avec sa fille, Aline Duportail, ex-dauphine au concours de miss Belgique, elles ont imaginé cette initiative afin de sensibiliser «aux causes et conséquences de la vie dans la rue». Pour attirer les candidates : un gain taillé sur mesure. La lauréate n’est-elle pas susceptible de gagner un an de «logement dans une maison de location et, comme toutes les finalistes, être encadrée vers un emploi stable»?

 

Du deuxième degré?

L’aventure fort controversée aura permis aux candidates de remettre les situations administratives en ordre, de voyager à la mer, à Lourdes, en Espagne, de se faire des copines… de peut-être aussi transformer l’image de soi de ces femmes en galère. Quoique le défilé à la Centrale électrique à Bruxelles (lieu d’exposition d’art contemporain) aura laissé à certains un goût âcre. Dans le public de curieux, d’intellectuels, d’artistes, il y aura eu des larmes, mais aussi de la fureur, explique un envoyé spécial du journal Libération. Et de reprendre les propos de l’ex-militante féministe Jacqueline Aubenas: «Je suis outrée. Ces filles qu’on transforme en guignols parodiant leur propre vie, c’est d’un pathétique absolu». Ce qui choque, ne serait-ce pas le décalage qui semble séparer des miss marquées par la vie évoluant avec conviction, et l’esprit de provocation qui imprègne les artistes organisateurs du défilé? Face au spectacle, le deuxième degré ne manque pas de s’inviter à l’esprit mais sans être confirmé par quelques discours accompagnant les chaloupés des miss. L‘écart entre le premier degré des uns et le deuxième degré des autres renforce le malaise.

 

Attention fragile

La controverse ne s’éteint pas avec la finale. D’autant que le concours laisse apparaître quelques accents fumeux. Aux questions de financement, les réponses des organisatrices se font incertaines (2). La promotion médiatique du concours laisse davantage apparaître le profil de la jeune Aline que des véritables candidates.

Aux dernières nouvelles, la lauréate est toujours hébergée dans une des maisons gérées par Mathilde Pelsers. La petite maison du côté d’Evere où elle pourrait résider avec ses animaux est (encore) de l’ordre du mirage. Quant aux autres femmes participantes – toutes finalistes – elles n’ont pas (encore) reçu de réel accompagnement. Comme pour les “vrais” miss, les strass et paillettes n’ont-elles duré qu’un instant? La vie dans toute sa rudesse s’est-elle rappelée aux bons souvenirs des naufragées d’hier? Les récompenses n’étaient-elles que vaines promesses?

Voilà un des motifs qui incite à la prudence des professionnels de l’aide aux sans-abri. Même s’il a le mérite de faire parler de la problématique des femmes sans abris, le concours entraîne des questions de déontologie, estiment-ils. Et de rappeler la fragilité de ces femmes, de s’inquiéter que la créativité débridée sous-jacente à ce concours ne se développe au détriment des femmes rentrées à pieds joints dans le projet. Et pour accéder à un  logement, ce qui décidément n’est pas une question de mérite pas mais de droit.

 

Un regard vraiment différent?

En matière de sensibilisation à des destins malheureux, les concours de miss font recette. Parlant des miss SDF en Belgique, certains chroniqueurs en venaient à énumérer les concours de miss possibles. «Nous verrons peut-être bientôt une Miss Sans-papiers obtenir un titre de séjour ou une Miss Prisons bénéficier d’une remise de peine», écrivait un chroniqueur dans le journal Le Monde. Et il ne croyait pas si bien dire. Son imagination s’approche du réel. Ainsi sur fond de “Everyone has the right to be beautiful”, un concours de miss victimes de mines antipersonnel annonce comme gain une... prothèse (3). Là aussi, le prix laisse songeur. Interdite au Cambodge, l’initiative due à un metteur en scène norvégien s’est poursuivie sur le net. Le concours de beauté serait pour ce dernier une manière de contrer le regard de pitié ou de dédain que l’on pose souvent sur ces femmes mutilées. Sur ce point, a-t-il tout à fait tord? Ne serait-ce pas une manière pour certaines d’entre elles d’exorciser leur différence?

Peut-être la clé se trouve-t-elle alors dans le regard, et dans ces entremetteurs bien nécessaires qui donnent à voir des réalités parfois dures au travers de leurs yeux bienveillants? Comme l’œil du photographe qui veille, explique l’un d’eux (4), à se poser dans le respect des histoires, de la parole, des idées des gens dont il tire le portrait. Peut-être est-ce là le vrai déficit du concours de miss SDF, avoir failli, avoir négligé ou raté cette entremise?

Catherine Daloze

 

(1) “Miss SDF, pauvre mais propre”, dans Revue Nouvelle, novembre 2009 – www.revuenouvelle.be

(2) Lire l’article de Catherine Morenville, “Miss SDF cherche maison à louer”, dans Alter Echos, 23 octobre 2009.

(3) www.miss-landmine.org

(4) Propos de Marc Detiffe, dans le cadre de la sortie du livre  “Le lien, c’est toute une histoire”, réalisé en 2004 pour le secteur de l’aide à la jeunesse  -  www.detiffe.com

 


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