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A suivre... (2 juillet 2009)

Lire aussi : "Voyager à en perdre la raison"

 

 

Partir… partir…

 

Voyager, c’est devenu si facile. Et quelle misère, lorsqu’on ne peut partir! La diminution des départs en vacances n’est-elle pas considérée comme un signe de pénurie, un symptôme de crise pour le pays? Les journaux annoncent donc ceci comme une bonne nouvelle: cet été, malgré la crise, les Belges ne “sacrifieront pas leurs vacances”. Entendez: ils prendront la destination du soleil. C’est dire comme cela apparaît essentiel. Ne pas partir serait-il devenu une tare?

Engagement humanitaire, études à l’étranger, destin d’expatrié… notre époque fait la part belle aux voyages. Voyages au long cours, ou voyages tout court. Car elle pousse aussi au dépaysement pour un temps plus restreint. Quelques jours à l’étranger seraient le gage d’une année comblée. «Nouveau dogme contemporain: une vie sans départ ne pourrait se concevoir comme réussie», remarque Sébastien Jallade (1) fondateur de Voix nomades, un site internet de voyageurs. Ainsi, boucler ses valises, passer les frontières, découvrir un ailleurs… sont devenus presque banals. Les formules “last minute”, les “all in” ont fait tomber les barrières de prix, elles ont réduit à portion congrue le temps nécessaire à la préparation d’un voyage en terre inconnue; elles ont poussé à s’envoler bien au-delà de la mer du Nord.

 

Plus que se déplacer

Que cherche-t-on? Le soleil, pas toujours au rendez-vous. Des terres vierges, de la nature sauvage ou des rencontres sympathiques, des paysages aux allures de carte postale… De l’émotion, de la détente… Dans le voyage, certains voient une véritable démarche intérieure. Ainsi fleurissent les séjours qui mêlent spiritualité et destination lointaine, les agences qui mettent à leur carte un savant dosage de tourisme et d’épanouissement personnel au sein d’un même parcours. Ainsi les randonnées-pèlerinages attirent des publics plus larges que les fidèles. Et nombreux sont ceux qui associeront vacances avec “dé-stress”, repos ou fuite d’un quotidien harassant. Comme cette femme qui rejoint annuellement un village en Transylvanie et se réjouit: «pas de médias, pas de voitures, des kilomètres à perte de vue, sans habitations et des champs; pour seul bruit la nature… le temps de se retrouver et d’écouter son silence empli de vie»(2). Le voyage tiendrait de l’envie de métamorphose, à tout le moins temporaire.

Le voyage est au rendez-vous de celui qui prend le temps. 

D’aucuns, parmi les globe-trotters, veillent à distinguer aventure et déplacement. L’aventure aurait ce petit goût d’inconnu, ce “plus” de l’improvisation. Leurs aspirations de découvertes rejoignent finalement les propos de l’anthropologue Jean-Didier Urbain (3). Celui-ci liste les conseils pour “échouer en son voyage”, pour “être un consternant voyageur”. En somme, ce qu’il ne faut pas faire en voyage. Le premier des conseils pour échouer est “de le programmer”. Et surtout de ne tolérer aucun écart à ce programme aux itinéraires, lieux de séjour, étapes et visites déterminés à l’avance. Le conseiller en fiasco ajoute que plus le programme est complexe, mieux ce sera pour aboutir à l’échec. Et il prévient: ce résultat guette aussi les partisans de l’anti-circuit ou du vagabondage. Car, écrit le guide à ne pas suivre, «que vous soyez anti ou pas, l’essentiel réside dans l’immuabilité du choix initial.» Au programme immuable, on ajoutera pour être certain du ratage, une propension à ne pas s’étonner, à ne s’émerveiller de rien et une attitude face aux habitants du cru qui compromet la rencontre. Parmi les voies royales vers l’échec de la rencontre: jouer la carte de l’intégration totale (il n’y a pas de différence entre nous), arborer son altérité avec ostentation (nous sommes très différents, et je me méfie de vous) ou osciller entre mimétisme et distinction, entre panique et sympathie (faites comme si je n’étais pas là). A l’inverse, rebondir en fonction des circonstances, être ouvert à la découverte et à la rencontre serait une combinaison gagnante pour un voyage réussi.

 

Graver dans sa mémoire

Pour compléter le tiercé d’un périple à succès, on notera l’importance des souvenirs. Aux yeux de beaucoup d’entre nous, ils devront idéalement prendre la forme d’objets-souvenirs – relique rapportée de là-bas - ou de photos-souvenirs qui laissent traces du voyage, qui sont la preuve de notre passage et ont pour mission de nous rappeler les émotions ressenties en route. Vaine tentative? C’est que les photos prises avec un automatisme parfois frénétique ne nous donnent plus réellement accès aux souvenirs du moment. Ainsi, explique Alain de Botton dans “L’art du voyage”(4), «On peut certes percevoir la beauté en ouvrant simplement les yeux, mais la durée de sa survie, dans la mémoire dépend du degré d’attention avec lequel on l’a appréhendée. L’appareil photo brouille la distinction entre regarder et remarquer (…).» Alors, Alain de Botton nous encourage, à la suite de John Ruskin – écrivain et peintre britannique du 19ème siècle –, à dessiner ou à peindre en mots au cours de nos voyages pour consolider nos impressions, les retenir. «En recréant avec notre propre main ce que nous avons sous les yeux, nous passons naturellement d’une vague contemplation de la beauté à une situation dans laquelle nous acquérons une profonde compréhension de ce qui la constitue et pouvons donc mieux nous en souvenir». Pourtant, quel touriste, quel passant s’arrêtera-t-il pour regarder un objet, un paysage… aussi longtemps que le temps nécessaire à un artiste pour le croquer? L’homme planté face au décor paraîtra bizarre. Mais il est peut-être de celui qui remarque, là où nous ne faisons que passer trop vite.

Lointaines contrées, pays exotiques ou pas de nos portes, paysages à une encablure de chez soi: le voyage est au rendez-vous de celui qui prend le temps… Il peut être quasi immobile, aux yeux des plus méditatifs d’entre nous. Il peut se présenter au bout du jardin, aussi. En y regardant bien, la découverte ne nécessite pas toujours des kilomètres. Bon voyage.

Catherine Daloze

 

(1) ‑Sébastien Jallade, “L’appel de la route. Petite mystique du voyageur en partance”, éd.Transboréal, coll. “Petite philosophie du voyage”, mai 2009.

(2) “Une folle envie de ne rien faire”, dossier n°84, éd. Feuilles familiales, 2008. 

(3) Jean-Didier Urbain, “Le voyage était presque parfait. Essai sur les voyages ratés”, éd. Payot & Rivages, 2008.

(4) Alain de Botton, “L’art du voyage”, éd. Mercure de France, 2003

 


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