Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Vie Quotidienne (2011)


 

Ateliers d’écriture

Ecrire, quelle plaie!, diront certains. Peut-être ont-ils été marqués par l’expérience laborieuse de rédactions dont le sujet imposé ne les inspirait que moyennement, ou envahis par la crainte du stylo rouge qui sanctionnait leur œuvre. Sur d’autres, l’écriture exerce une forme de fascination. Un jour, ils se le promettent, eux-aussi prendront la plume, raconteront leur histoire ou celle d’un autre. Un jour, ils entreront dans le monde enchanteur de l’écrivain qui sommeille en eux, entourés de personnages fabuleux, plongés dans un univers particulier.

 

© Philippe Turpin/Belpress

La rentrée littéraire du quidam

En s’appuyant sur les principes de l’expérimentation en confiance, nombre d’ateliers d’écriture fleurissent ici et là. Ces lieux et ces temps où partager l’acte d’écrire ne sont pas réservés à une élite de super-lettrés, les ateliers accueillent des “écrivants” de toute sorte. Ceux qui cherchent à pratiquer l’écriture comme ils s’inscriraient à un cours de musique, de peinture ou de yoga. Ceux qui – en prison, à l’hôpital, à l’école, en maison de retraite – se voient proposer, avec un groupe de congénères, ce type de démarche. Parfois l’atelier se fait itinérant, entre Sambre et Meuse, à bord d’un train, le long d’un chemin de halage…

 

Foule de propositions

Depuis le milieu des années 80, l’offre ne cesse de croître. Les ateliers d’écriture sont apparemment à la mode. En tout cas, les propositions abondent. Elles témoignent de l’intérêt pour l’écriture au sens large. “Il suffit de regarder les beaux carnets, les objets d’écriture mis à l’honneur dans les vitrines, ou le nombre d’ouvrages qui nous promettent d’apprendre à écrire un roman, à maîtriser le dialogue ou le style, et tout ça en 140 pages”, remarque Eva Kavian, auteure d’un manuel sur les ateliers(1). Aussi, l’acte d’écrire voire même celui d’être publié profite d’un vent de démocratisation. Il appartiendrait au passé le temps où seule la “grande littérature” avait quelque valeur, où les plumes naissantes souffraient d’un complexe d’infériorité. Une démocratisation, en apparence, en tout cas. Les possibilités de publications à compte d’auteur amènent monsieur ou madame Tout le monde à imaginer aisément le tirage du récit qu’il (elle) a écrit. En fonction de ses moyens financiers, bien entendu.

 

Pour un choix avisé

Pour s’avancer avec prudence dans la pléthore d’ateliers sur le marché et trouver animateur à sa plume, comme on cherche chaussure à son pied, une brève typologie peut être utile. Même si elle est forcément réductrice. Tentant l’exercice, Eva Kavian propose quatre axes :

Les ateliers récréatifs, où l’écriture est le moyen proposé pour se retrouver, se rencontrer, s’amuser, dans une démarche créative.

Les ateliers de développement personnel, où l’écriture est l’outil d’expression privilégié d’un travail sur soi-même.

Les ateliers à objectifs sociaux, où l’écriture et la dynamique de groupe visent une meilleure intégration sociale.

Les ateliers littéraires, où l’écriture de chaque participant est l’objectif même (trouver sa voix, son style, découvrir des ‘outils’, apprendre à retravailler son texte…).

Il y a un intérêt certain à connaître les enjeux de l’atelier avant de s’y avancer. Quel est l’objectif annoncé? Que propose l’animateur? La distinction qu’une animatrice française établit entre les ateliers d’écriture “créative” et “thérapeutique”, qu’elle mène tout deux, est éclairante. D’après elle, les thèmes choisis diffèrent : dans l’écriture créative, le thème est extérieur à soi. Même si l’écriture est toujours empreinte de son auteur, l’intimité reste à la marge. Le cadre aussi sera différent, à certains moments stratégiques surtout. Au démarrage de l’atelier par exemple : la confidentialité et le non-jugement sont plus fortement appuyés dans le cas d’une démarche thérapeutique, pour permettre à chacun de s’exprimer en toute confiance (2).

Certes l’écriture peut accroître reconnaissance, confiance en soi, estime de soi… et peut même se faire “délivrance”, notamment dans la pratique du récit de vie. Mais il s’agit de prendre garde à certaines considérations thérapeutiques qui envisagent l’écriture comme une guérison ou l’animateur comme un soignant, et procède au grand déballage devant les autres participants.

Outre les visées de l’atelier, l’objectif personnel du futur participant mérite d’être clarifié. Ce conseil, Kalame – réseau d’animateurs en ateliers d’écriture en Communauté française(3)– le prodigue souvent. Surtout en ce mois de septembre où fusent les demandes de renseignements. Milady Renoir, coordinatrice du réseau, explique comment elle amène ceux qui recherchent de l’info à réfléchir à leur intention d’écriture, à préciser leur envie.  Car les demandes arrivent du tout-venant et le réseau Kalame est largement ouvert. S’y côtoient plus d’une centaine d’animateurs qui développent des ateliers très littéraires pour certains, centrés davantage sur le “je” du récit de vie pour d’autres…

 

Question d’animateur

Kalame se refuse à toute labellisation des ateliers. Elle se veut plateforme. N’attendez pas d’elle qu’elle distingue les ‘bons’ des ‘mauvais’ ateliers. Une seule assurance, les conditions d’entrée que le réseau  requiert : l’animateur a une pratique d’écriture, de lecture; dans l’animation, il est source d’apports aux participants et il vise leur autonomie.

Le métier est délicat, d’autant qu’il accompagnera l’instant fragile de la lecture d’un texte à peine écrit devant le groupe, qu’il garantira les relances, les commentaires. “Certains animateurs vous conviendront, vous nourriront. D’autres peuvent vous décevoir ou même vous bloquer. Certains animateurs ne sont, selon moi, pas assez outillés, explique Eva Kavian. J’en connais qui n’ont aucune formation, qui n’écrivent pas, qui n’ont guère lu, j’en connais aussi qui n’ont pas les compétences minimales pour animer un groupe, d’autres qui en sont encore à raturer les pages de rouge ou à ‘forcer’ l’écriture des participants”. Si Kalame ne prétend pas faire le tri, au sein de sa coordination, on est convaincu que “le collectif peut jouer un rôle de moteur et qu’à force de fréquenter les autres, d’être soumis à leur regard, à leurs propres pratiques, l’animateur peut se rendre compte de ses défauts et améliorer sa façon d’animer des ateliers”. Un animateur par trop manipulateur ou dangereusement tenté par “l’auto-gouroutisation”, ne perdure pas, estime Milady Renoir confiante en la clairvoyance des participants.

Se faire auteur, travailler sa pratique d’écriture et être lecteur de ses textes n’est pas chose aisée. Ce n’est qu’en apparence qu’elle semble être moins engageante qu’une pratique méditative ou d’expression corporelle. D’où l’importance de considérer le lieu de l’atelier comme un laboratoire où l’on expérimente au départ de consignes préparées par l’animateur. “Ah! Les consignes!, s’exclame une participante(2). Nous les redoutons mais nous les réclamons. Au premier abord, nous les jugeons horriblement contraignantes, puis nous les apprivoisons, les accommodons à notre sauce jusqu’à les diluer, les dissoudre dans un texte, notre texte, que nous n’aurions sans doute jamais écrit sans elles”.

Comme le rappelle Eva Kavian, “l’atelier est une étape possible mais pas indispensable. Elle convient à certains, pas à d’autres. L’atelier n’est jamais une fin en soi”.

//Catherine Daloze

(1) Ecrire et faire écrire. Manuel pratique d’écriture, éd. de Boeck,  2ème éd., 2010.

(2) Propos parus dans “Récits d’ateliers”, revue Parenthèse, coéditée par Kalame et Indications, nov. 2010.

(3) Kalame : 02/513.46.74 – www.kalame.be

 

Arts plastiques et écritures se mêlent…

 

 

Un atelier organisé par les Ateliers de la Banane et Lire-et-Ecrire Bruxelles a regroupé des personnes lettrées, d’autres illettrées pendant plusieurs années.

Après de nombreux traits au fusain, aplats de couleurs, mots choisis, découpés, livrés, après de nombreuses hésitations, émotions, audaces, confrontations…, chaque participant a fixé dans un livre la trace de ces années d’ateliers partagés. Ensemble, ils ont donné naissance à une collection “EntreMots”. En une petite dizaine de pages, chaque livre témoigne de la possibilité de s’approprier des savoirs et des savoirs-faire. Ensemble, ils enjoignent à croiser les univers, à oser la création.

>> En vente au prix de 10 euros la collection de 10 livres illustrés.

>> Plus d’infos : Lire et Ecrire Bruxelles – 02/412.56.10 – karyne.wattiaux@lire-et-ecrire.be

 

Paroles d’écrivantes

> Michelle a 63 ans. Elle a quitté l’école à 14 ans pour travailler. Elle participe à un atelier d’écriture depuis trois ans. Elle s’était mise au défi de “savoir écrire de beaux textes” et de rencontrer d’autres personnes. “J’ai trouvé un professeur génial, explique-t-elle. Sans nous commander, il nous guide dans les tournures de phrases, le vocabulaire. Chacun avec nos mots, nous avons notre manière d’écrire. Même au départ de thèmes imposés, on met dans l’écriture une part de notre vie et de nos connaissances”. Son nouveau rapport à l’écriture, elle le définit comme “une ouverture, une connaissance de soi et aussi des autres, une ambiance conviviale, de l’amitié”. Son conseil quant aux éléments à tenir à l’œil : “ne pas écrire pour gagner un concours, l’atelier ne sert pas à cela. Juste en faire un amusement, sans essayer de dépasser les autres dont on pense qu’ils écrivent  mieux que nous”.

> Linda est photographe de formation. Curieuse de toutes les pratiques artistiques, elle s’intéresse à l’écriture pour l’acte lui-même. Elle a le goût des mots, de la grammaire aussi. “Et puis le plaisir de fouiller dans des dictionnaires pour trouver le mot juste. Lire le texte à voix haute et écouter les sons, le rythme. Retravailler, épurer, peaufiner… Le plaisir de se laisser guider par l’histoire. Un moment, les personnages créés semblent prendre des initiatives, suivre des voies que l’on n’avait pas prévues, prendre vie … C’est très étonnant…” Pourquoi participe-t-elle à un atelier d’écriture? “Par envie de découvrir des ‘astuces’ pour libérer l’imaginaire, pour démarrer une histoire. Par besoin d’un cadre, aussi : l’écriture c’est comme tout, il faut s’y tenir, travailler. Et ce n’est pas facile de s’astreindre à une telle discipline”. Surprise, elle a trouvé dans la pratique de l’écriture encore plus de plaisir à lire. Les points d’attention qu’elle relèverait dans le choix d’un atelier : les glissements dangereux vers la psychologisation ou la thérapie de groupe.

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Vie quotidienne"

haut de page