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Seniors (20 octobre 2011)


 

Certains voient l'avancée en âge comme une déchéance ou l’annonce de la fin. D’autres, à l’instar de cette fraîche pensionnée entendue lors d’un colloque de l’UCP, mouvement des aînés, comme une nouvelle adolescence: arriver à 65 ans ne revient-il pas, aujourd’hui, à se questionner sur son identité et à envisager de nouveaux projets pour les 20 ou 30 ans à venir? Pas facile, lorsqu’on est envahi par le stress, la déprime ou la dépression. Voire lorsque les idées suicidaires surviennent…

 

© Michel Houet / Belpress
Vieillir,

une nouvelle adolescence?

 

Vieillir, d’accord. Pas le choix! Mais comment bien vieillir? Comment éviter, à 65, 85 ou 105 ans, les chemins qui mènent vers les idées noires et la déprime? Suffit-il d’énumérer, avec quelque naïveté, les qualités généralement attribuées au grand âge – sagesse, détachement, expérience… – pour voir venir celui-ci avec sérénité? L’évocation de la culture africaine ou de la civilisation grecque, réputées pour leur reconnaissance des Anciens comme “passeurs de mémoire”, ne revient-elle pas renforcer des clichés vides de sens et, finalement, peu utiles dans la société belge de 2011? Cette dernière est-elle vraiment prête à écouter les souffrances morales des aînés? C’est autour de ce genre de questions que s’est récemment tenue, à Bruxelles, une journée d’étude et d’échange organisée par l’UCP, mouvement social des aînés, de la Mutualité chrétienne. Sa volonté : casser les tabous, encore trop présents, autour du stress, de la dépression et du suicide des seniors.

D’abord, un constat chiffré: en 2008, le pays comptait 1.381 centenaires. Trois ans plus tard, ils sont déjà près de 1.600. Cette réalité nouvelle amène à se poser la question du vieillissement en des termes inédits. Ce genre de chiffres n’est pourtant que la pointe de l’iceberg. Depuis la fin du XIXème siècle, l’espérance de vie a littéralement bondi, passant d’à peine 45 ans à plus de 83 ans aujourd’hui pour les femmes et à 77 ans pour les hommes! “Les centenaires constituent une espèce en voie d’apparition, constate André Mourue, vice-président de l’UCP. Mais la société ne voit pas toujours cela d’un bon œil: elle pose très vite – trop vite – la question ‘qui va payer tout cela’ ou ‘que va-t-on faire de ces malades?’” Les années 2010 et 2011, en tout cas, forment une période charnière : “Le vrai vieillissement démographique a commencé en 2010, commente Jean Hermesse, secrétaire général de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (ANMC). Avant, ce n’était que l’effet du papy boom…”.

 

Bien vieillir? Tu parles…

Pourquoi un tel colloque? D’abord, pour appeler à se méfier des définitions et des chiffres véhiculés par le discours ambiant, trop souvent marqué de relents idéologiques. “Attention aux notions omniprésentes de ‘bien vieillir’ et de ‘vieillissement actif’, avertit ainsi Myriam Leleu, sociologue et gérontologue. La ‘belle’ vieillesse n’est pas accessible à tout le monde. De plus, quand on a perdu un proche, quand on avance en âge, il est normal d’être vulnérable, fragile et malade. Dans le contexte actuel de jeunisme, vieillir serait presque considéré comme une preuve de mauvais goût, voire comme un délit”. De même, si la définition de la santé mentale retenue par les autorités internationales (OMS) est énoncée d’une façon positive (elle est bien plus que l’absence de maladies), elle ne peut s’empêcher de mettre l’accent sur le travail et sur son apport à la collectivité. Quel rôle, alors, pour les retraités? “A force d’envahir subrepticement nos esprits, les discours idéologiques peuvent nous faire souffrir, rappelle Myriam Leleu. Personne n’est obligé de rester sain d’âme et de corps…”

Les chiffres appellent également à la vigilance. Si l’on se réfère aux seuls indicateurs macroéconomiques, la Belgique est classée neuvième, en termes de satisfaction générale de vie, parmi les pays de l’OCDE (le “club des pays riches”). Soit au-dessus de la moyenne.   Mais, selon Jean Hermesse, ces constats sont très généraux et passent sous silence des situations très contratées en matière de santé : “Les personnes aux plus faibles revenus – tous les indicateurs en attestent – sont les moins bien loties. Ainsi, ce sont elles qui ont le plus besoin de soins, notamment psychiatriques ; qui consomment le plus d’antidépresseurs ; qui sont le plus souvent invalides, etc.” Face au constat que la consommation d’antidépresseurs est particulièrement élevée dans les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS) sans que cela semble émouvoir le monde politique, Jean Hermesse ne cache pas sa vive inquiétude quant à la récente réforme de l’Etat: “le budget accordé par l’Etat fédéral au secteur des maisons de repos a augmenté de 9% par an entre 2000 et 2010. Or, la norme de croissance accordée aux Régions, bientôt compétentes, est de 1%. Comment arrivera-t-on à nouer les deux bouts? En réalité, la privatisation larvée des soins de santé aux personnes âgées a déjà commencé…”

 

© Belpress
Sortir? Pour quoi faire?

Dans ce contexte de marasme budgétaire et économique, la définition du “bien vieillir” se posera avec une acuité grandissante. Bien vieillir, c’est, d’abord, ne pas souffrir d’une maladie trop invalidante. Pas facile, au vu du chiffre rapporté par Alex Peltier, médecin conseil à l’ANMC: 170.000 Belges de plus de 65 ans sont aujourd’hui atteints d’une démence!

Outre le maintien d’une certaine autonomie, les critères d’un vieillissement harmonieux sont  bien plus que cela : avoir une vue positive de la partie de sa vie déjà écoulée, développer une relative acceptation de son état mental et physique et, surtout  (souligné par tous les intervenants du colloque), conserver des valeurs et des projets personnels (à l'instar d'un adolescent), de même que se maintenir au sein d’un réseau social. Mais pas n’importe lequel, ni à tout prix! “J’ignore combien de fois on m’a dit ‘Sors! Va voir des gens!’, explique Sasha, une sexagénaire victime d’une grave dépression. Or, chaque fois, je me retrouvais épouvantablement seule, isolée, prête à me suicider. Moi, j’avais besoin, au contraire, de me retrouver avec moi-même pour mieux me regarder et me connaître…” Qualifiant autrement ce vieillissement “réussi”, certains auteurs québecquois parlent de la “déprise”, un terme qu’il faut comprendre positivement. Certes, la personne âgée diminue ses relations sociales, mais progressivement. Sujette à un “amoindrissement de son impulsion vitale”, elle ne se désengage pas totalement du monde, mais réaménage sa relation à celui-ci et prend distance avec lui. Rien à voir avec la dépression…

 

La dépression se combat

Dépression? Suicide? Les chiffres interpellent. Si un suicide sur douze réussit parmi les jeunes Belges, un sur quatre aboutit dans la tranche des plus de soixante-cinq ans. Comme si la détermination à en finir semblait plus ancrée chez leurs auteurs... “Gare à la dépression chronique, prévient le Pr Yves-Patrick Nkodo, psychologue et neuropsychologue au service gériatrique de l’hôpital Erasme (ULB). Quelqu’un qui a fait une dépression une fois dans sa vie a 50% de chance d’en faire une deuxième. Celui qui en a fait deux, 80% de faire une troisième. Et ainsi de suite…”. Heureusement, “les médicaments pour y faire face se sont sensiblement améliorés”, rappelle le Dr Gérard Marin, président de l’Association francophone des médecins conseillers et coordinateurs en MR et MRS.

Certes, l’isolement ou la solitude n'entraîne pas automatiquement la dépression de la personne âgée, mais il importe de savoir en détecter les signes: comportement d’évitement et revendicateur (voire agressif), attitude corporelle fermée, discours éternellement tourné vers le passé, malaise relationnel, etc.  Le mal-être général est, à cet égard, plus souvent présent chez les femmes de plus de 65 ans que chez les hommes du même âge. Au Centre de prévention du suicide, on prévient: la détection des signes avant-coureurs de la dépression ne doit pas faire peser un poids trop lourd sur certaines catégories professionnelles déjà bien malmenées. “La souffrance des médecins généralistes et des aides familiales, seuls dans leur cabinet ou au domicile des personnes âgées, peut être terrible, complète Geneviève Houioux, professeur à l’ULB et membre de l’Observatoire de la santé du Hainaut. La charge émotionnelle des personnes suicidaires est souvent bien lourde à gérer…”.

 

Re(goûter) la vie : suggestions

Que faire? Comment se départir des “injonctions au bonheur” tout en aidant les plus âgés à retrouver – ou cultiver – leur goût (même fluctuant, évolutif) de la vie? Les orateurs du colloque n’ont pas été en reste de suggestions. Classiques, mais indispensables à rappeler: financer davantage le secteur des maisons de repos. Plus audacieuses: y installer une culture de qualité des soins au sens large (avec des évaluations publiées – pourquoi pas? – sur Internet, mais sans stigmatisation stérile des “mauvais élèves”); renforcer l’habitat intergénérationnel ou interculturel, à l’image de cette expérience bruxelloise où des personnes âgées et des familles d’origine allochtone vivent séparément mais dans le même bâtiment (“Habitat Kangourou”). Et encore: rapprocher les résidences services des centres villes, mieux réguler l’habitat (qui, trop dispersé, empêche la convivialité dans les quartiers et la bonne déserte par les transports en commun), concevoir des logements modulables (susceptibles d’être rétrécis une fois les enfants partis et favorisant le maintien à domicile tout en accueillant de nouveaux “voisins” chez soi), créer des “troisièmes lieux de vie” (comme les bistrots de quartier, autrefois, fréquentés entre le domicile et le bureau), casser les murs des maisons de repos (en y installant notamment des salles d’exposition), encourager la participation des aînés dans les écoles de devoirs, etc. Bref, toutes sortes d’initiatives visant à aménager les lieux de vie habituels et à créer de nouveaux lieux de rencontre, susceptibles de renforcer le lien social. “On se préoccupe plus des soins, aujourd'hui, que du bonheur des gens, regrette Jean Hermesse. Avoir une place dans la société, vivre dans un environnement chaleureux avec de bons services publics de proximité, disposer d’espaces de rencontre dans des villes désencombrées de la voiture, tout cela a un impact énorme sur la santé”.

// Philippe Lamotte

 


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