Familles
(7 juillet 2011)
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La hantise des familles pauvres
Dans les familles qui vivent la pauvreté, le placement des enfants est une
hantise. Et pour cause, leur retrait pour raison de précarité est encore
légion(1). Certes, des changements s’amorcent peu à peu
grâce au dialogue entre les familles et les professionnels des
services d’aide. Mais l’apprivoisement est lent, les rencontres
confrontantes entre des points de vue bien différents.
“Dès que l’on se rassemble à partir de notre quotidien de lutte
contre la misère, le premier sujet dont on parle, c’est notre famille,
indique Luttes solidarités travail (LST), un mouvement de rassemblement des
plus pauvres. C’est la famille qui a payé le prix le plus cher à la
pauvreté. Et c’est en même temps l’endroit de nos références, de nos liens
les plus forts ou les plus douloureux, souvent vécus comme le résultat des
choix des autres”.
Comme le raconte cette mère : “Quand mon mari et moi avons perdu notre
logement, on nous a pris nos enfants. Maintenant, nous nous sommes endettés
pour avoir une maison avec assez de chambres, comme on nous le demandait
pour récupérer les enfants”. Ou cette autre maman : “Je n’avais pas
assez de sous pour nourrir correctement mon enfant. Alors, on me l’a pris”.
Dans les témoignages, on perçoit comme des cercles vicieux, comme des
spirales dont l’issue s’éloigne. Une famille qui n’a pas de ressources
suffisantes pour payer les fournitures scolaires et les tartines du midi
n’enverra pas ses enfants à l’école. Par honte. Elle aura alors la visite
d’un travailleur social alerté par l’école, qui constatera peut-être qu’en
plus, l’électricité ou l’eau est coupée. Lors de sa visite, la tension
risque d’être forte pour cette famille en situation de détresse. Tout peut
s’enchaîner très vite. Les
enfants peuvent être placés “parce qu’ils sont considérés comme ‘en
danger’, parce que leurs droits élémentaires ne sont pas ‘respectés’”.
Mais est-ce là la solution ? Les associations de lutte contre la pauvreté –
comme ATD Quart Monde ou LST – ne le croient pas. Les familles que ces
mouvements rassemblent se battent pour le maintien de l’union familiale et
pour qu’un soutien soit apporté dans ce sens. A leurs yeux, il est
nécessaire de s’attacher prioritairement à tout mettre en œuvre pour que les
conditions de vie des familles pauvres changent, à agir sur le terrain du
logement, de l’emploi, de l’éducation, de la santé. Leurs interpellations
vont dans ce sens. Comme l’explique Georges de Kerchove, président d’ATD
Quart Monde Belgique, “refuser la misère, c’est prendre l’engagement
fort qu’aucune famille, si déstabilisée soit-elle, ne soit laissée à
l’abandon. C’est aller à la rencontre des familles très fragiles et leur
permettre d’assumer leurs responsabilités de parents. A défaut, nos
engagements sonnent creux”.
Entre les familles et l’aide à la jeunesse, le dialogue est à l’œuvre,
depuis quelques années déjà. Au sein du groupe Agora, une relation de
confiance se construit peu à peu, et tente de faire contagion en dehors du
groupe. Là où les points de vue apparaissent comme tellement différents et
inégalitaires, le croisement des regards semble bien utile vers une
meilleure compréhension des familles, de leurs réalités.
Celle d’une vie “au jour, le jour”, celle des “systèmes D”… Ce
travail de fond réclame du temps, de la confiance mutuelle. “Le plus
dur, ce n’est pas de vivre sans rien, mais c’est d’être considéré comme
rien”(2), pourrait-on conclure.
// Catherine Daloze
(1) Une étude de l’Observatoire de l’enfance, de la
jeunesse et de l’aide à la jeunesse l’indiquait encore récemment : le motif
le plus évoqué pour la demande de prise en charge au sein des services
d’accueil spécialisé de la petite enfance (appelés anciennement
pouponnières) est la précarité (une demande sur trois).
(2) Extrait du Rapport du Délégué général aux droits de
l’enfant, relatif aux incidences et aux conséquences de la pauvreté sur les
enfants, les jeunes et leurs familles. Novembre 2009.
Racontés avec des marionnettes |
“Nous,
on construit des marionnettes, elles vous
diront notre histoire”. L’histoire est
celle du combat quotidien d’une famille pour
sauvegarder ses droits et son unité. Le
spectacle de marionnettes a été réalisé d’un
bout à l’autre par des militants de LST
Andenne, sur la base de leurs vies.
Plusieurs années ont été nécessaires à la
réalisation de ce scénario, tant les vécus
peuvent être douloureux à exprimer. Un DVD
et une vidéo sur le site de l’association
permettent de partager cette histoire, de
s’interroger avec ces marionnettistes
amateurs: “Qu’a-t-on comme possibilités,
quand on est pauvre et seul, pour construire
un avenir? Comment inventer des solidarités
avec les plus pauvres tout en sachant qu’ils
sont les premiers acteurs de la résistance à
la misère?” |
Entre les scénettes où la famille se débat,
une coloration musicale agit comme une
litanie : “On aurait pu y arriver, il ne
manquait vraiment pas grand’chose, un peu de
temps ou autre chose, un peu d’amour,
quelque chose comme ça”.
>> Plus d’infos :
vidéo à voir sur
www.mouvement-lst.org/bouts_de_ficelles.html
ou DVD à acquérir au prix de 10 euros auprès
de LST Andenne - 085/84.48.22.
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