Familles
(19 mai 2011)
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Ne lui
faites pas dire ce qu’il n’a pas écrit! Le gynécologue et sexologue Armand
Lequeux n’est pas le chantre de l’amour durable. Mais si vous désirez
quelques conseils pour mettre de l’énergie renouvelable dans votre couple,
il les prodigue bien volontiers. Il vient de publier un ouvrage sur les
amours au long cours: “Aimer durablement n’est pas plus naturel à l’Homme
que la rose au jardin” (éditions Mols).
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©
Philippe
Turpin-BELPRESS |
En Marche : Vous distinguez trois modèles successifs de couples. Les
couples anciens, ceux de personnes qui ont aujourd’hui la
septantaine bien entamée. Le modèle qui a suivi, c’est celui des
soixante-huitards. Puis il y a les enfants issus de ces couples-là.
Eux sont peut-être détenteurs ou en tout cas demandeurs d’un nouveau
modèle de couple.
Armand Lequeux :
Il y a effectivement la génération de ces grands-parents pour qui les choses
allaient de soi. Les couples duraient généralement. A suivi une génération
qui revendiquait la réalisation de soi, la liberté et qui souvent n’a pas
changé sa manière d’aborder la vie conjugale. Il y eu des accidents de
parcours et des séparations en masse.
Pour user d’une
métaphore, c’est comme si on passait d’un jardin à l’ancienne, avec des
plantes locales, à un jardin dans lequel on a mis des plantes exotiques qui
exigent plus de soin, mais qu’on ne voulait pas y investir du temps. Le
risque, c’est que le jardin devienne n’importe quoi.
EM : Une vie de couple, ça se travaille. Vous adressez des conseils aux
couples qui aimeraient que ça dure. A tous ces jeunes couples qui semblent y
croire encore.
AL : Un jardin,
ça se travaille, c’est vrai. Il faut des connaissances, une mise en
pratique, des instruments, la pluie, le soleil, de l’engrais et de la
patience. C’est un chantier permanent. Ceci dit, je ne veux pas sombrer dans
le dolorisme. On peut jardiner avec beaucoup de plaisir! L’humour est un
outil indispensable dans un couple. Il permet un décalage, une mise à
distance. La communication n’est pas tout, surtout si elle consiste à
raconter ce qu’on a fait de la journée et que l’autre fait pareil. On s’est
assis face à face, on a parlé, oui, mais chacun est resté centré sur soi.
Il est utile dans un couple de parler de ses sentiments, de ses émotions, de
dire ce qu’on ressent sans en rendre le conjoint ou la conjointe
responsable. On peut réguler les sentiments et les émotions en s’efforçant
de les replacer dans leur contexte ou en essayant d’adopter le point de vue
de l’autre. Enfin, on peut agir. Quelqu’un qui est fortement agacé par des
retards chez son conjoint parce que ça l’insécurise peut lui demander de le
prévenir systématiquement d’un retard. Je rencontre souvent en thérapie des
couples qui ont dysfonctionné à ce niveau. Des couples où l’on ne s’est pas
véritablement entendu réciproquement. On peut vivre des années à côté de
quelqu’un de malheureux sans s’en rendre compte. L’expression de la
souffrance de ne pas être entendu ou entendue peut prendre diverses formes:
la dépression, le burn-out...
EM : Une des pistes que vous proposez c’est un contrat de bienveillance
mutuelle, avec ou sans exclusivité sexuelle. C’est un peu hardi comme piste.
AL : Oui, c’est
une piste qui a suscité bien des commentaires! Il pourrait s’agir de
s’engager avec quelqu’un, sur le long terme, tout en se permettant d’avoir
d’autres partenaires sexuels. C’est une piste peut-être audacieuse mais qui
présente l’avantage de souligner que la fidélité n’est pas que sexuelle. Que
penser de la fidélité à l’autre dans des couples qui se critiquent en
public, ces couples où l’un des deux n’a rien à dire? Cette piste, je
l’aborde aussi parce que j’en ai vu, en consultations, de ces hommes et de
ces femmes qui ont divorcé à la suite d’une infidélité et qui regrettent
après de tout avoir mis en l’air pour ça parce qu’il y a avait quand même de
l’amour dans leur couple. Je voulais susciter une réflexion par rapport à
cette question de la sexualité dans le couple. Au début, on s’embrase. Après
quelques années, le risque de lassitude apparaît. On peut passer au-dessus
de ce risque qui souvent conduit au changement de partenaire. C’est une
option qu’on peut prendre. Beaucoup de jeunes manifestent leur désir de ne
pas opter pour des amours jetables, mais de vivre un amour durable, loin de
ce qu’ils perçoivent comme une vie de sacrifice chez les grands-parents et
des phases d’exaltation et de dépression dans le couple parental. Il faut
tenter de passer au-dessus de la déception. ‘Ah bon, il ou elle n’est pas
ce que je pensais qu’il était. Je dois investir, poser des questions, entrer
en relation, ne pas me projeter dans l’autre’…
EM : Il s’agirait aussi de cultiver le renouvellement permanent dans le
couple ?
AL : C’est un peu
comme si chaque matin, on choisissait son conjoint, on s’abandonnait à la
chance qui l’a mis sur notre route, comme si on élaborait une stratégie de
séduction qui le conduirait à nous choisir de préférence à tous les autres
possibles qu’il rencontrera ce jour-là. Parmi les combustibles pour
entretenir la flamme, on trouve la qualité de la communication, le regard
neuf loin de ces trop courants ‘ah c’est bien toi ça’. Un mot doux,
un petit plat, une invitation surprise, une caresse, un baiser font aussi
partie de ces combustibles.
// interview réalisée
par Véronique Janzyk
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