Vie Quotidienne
(3 février 2011)
L’amour, toujours l’amour...
Le grand amour
existe-t-il ? Où trouver l’âme sœur ? Qu’est-ce qu’aimer vraiment ? Est-ce
qu’on s’aimera toute la vie ? Depuis toujours, l’amour demeure un grand
questionnement. Il est ainsi au cœur de nombreux ouvrages qui l’éclairent
sous des aspects tantôt philosophiques, tantôt sociologiques ou
psychologiques. Petite sélection de lectures.
> Que
savons-nous
vraiment
de l’amour?
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©
Philippe Turpin/BELPRESS |
“On parle
d’histoires d’amour, de relations qui ‘finissent mal en général’, de
romances et de divorces, mais de l’amour lui-même, que savons-nous?”
En fait, rien, constate le philosophe Fabrice Midal(1).
Certes, de l’amour, on en parle beaucoup. Les “héros fabriqués
industriellement à Hollywood” nous servent tant et plus de modèles.
Ils formatent nos gestes, nos paroles. Mais, rêveries sucrées ou
tragédies, correspondent-ils vraiment à l’amour? Pour Fabrice Midal,
ils “noient la fleur vivante de notre cœur”. Et nous nous
éloignons de l’amour. “C’est un paradoxe parce que dans le même
temps, nous sentons bien que nous ne pouvons vivre sans amour.
Toutes nos idées sur l’amour comme sentimental, lié à la
subjectivité, comme faisant souffrir, comme étant uniquement une
question liée à la vie de couple, ça nous rend la vie folle”.
Pourtant, l’amour ne se restreint pas au sentiment personnel,
affirme le philosophe qui nous invite à percevoir l’amour dans notre
rapport à tout ce qui existe, l’art ou la nature pouvant être le
terrain d’expériences d’amour. Pour lui, l’amour est geste
d’ouverture, mouvement plutôt qu’état, alliance de sentiments et de
raisonnements, attitude de laisser être, tout en tendresse, sans
domination, expérience de joie. Aimer est alors le travail par
excellence de l’être humain, pour garder l’inouï vivant.
> Qu’est-ce que tomber
amoureux?
En 1979, le sociologue
italien, Francesco Alberoni, répondait par ces mots: “Ce n’est ni un
phénomène quotidien, ni une sublimation de la sexualité, ni un caprice de
l’imagination. C’est tout simplement l’état naissant d’un mouvement
collectif à deux”. Dans “Le choc amoureux” (réédité aujourd’hui en
Pocket), le sociologue montre les similitudes entre coups de foudre et
mouvements collectifs révolutionnaires: l’un et l’autre sont une expérience
extraordinaire, une force de transformation de la vie quotidienne, de
renouveau, de renaissance, qui nous sauve du désespoir et de la solitude.
Francesco Alberoni décrit admirablement ce choc amoureux qui s’impose à
nous, qui nous remplit d’extase et de tourment, qui est transitoire mais
peut aboutir à un autre stade d’amour. Telle la révolution se transformant
en institution, l’état naissant disparaît progressivement dans la banalité,
dans la répétition… Illusions perdues, épreuves de vérité, jalousie,
indifférence, haine, ruptures: l’histoire d’amour n’est pas toujours rose.
Mais il faut continuer à aimer et à refaire le monde, pour continuer à aimer
la vie.
> Faut-il
aimer toujours,
tout le temps?
“Aimer plus, jouir
plus, gagner plus, vivre plus… La démesure qui nous meut nous entraîne dans
une quête insatiable”, observe l’essayiste Pascal Bruckner(2).
Et notre goût d’absolu en amour conduit à la “ronde des amants dépités”. Nos
ambitions amoureuses sont colossales et multiplient les issues malheureuses.
Les ruptures sont légions, là où l’ordre de s’adorer sans failles et sans
fin est posé comme un dogme. “Résister à ces mirages doit être notre
sagesse du présent”, conseille le romancier français en appelant à nous
tourner vers la douceur de vivre, à cultiver le bonheur d’être à deux.
Car à côté de l’amour
qui veut brûler et se moque du lendemain, existe aussi l’amour qui veut
durer, explique-t-il. Celui-là devra transformer la passion, convertir
l’éternité de la rencontre, s’accompagner de la raison. “Construire un
couple sur la seule base du cœur, c’est bâtir sur du sable, écrit Pascal
Bruckner(…) Lier coûte que coûte l’intensité et la durée, c’est refuser
le passage du temps, s’exposer au désespoir”.
La difficulté que nous
éprouvons avec l’amour se trouverait dans la définition même de ce
mot-valise. Un mot qui désigne le pari d’installer l’éternité, mais aussi
celui du “flamboiement instantané des sens et des âmes”. L’amour
ainsi tourmenté donne lieu à un marché gigantesque. Coachs, thérapeutes,
conseillers, revues et publications s’attachent à “raccommoder” nos amours
blessés. “Les bobos d’amour font marcher le petit commerce”, constate
sans reproche Pascal Bruckner, qui nous conseille de l’indulgence et de la
délicatesse à l’égard de celui que nous chérissons.
> Internet
est-il un vivier
d’amoureux?
“La rencontre par
Internet, qui avait une image à peine meilleure que celle des agences
matrimoniales, est devenue, en l’espace de quelques années, un moyen
ordinaire, légitime et même tendance de trouver l’âme sœur”, assure
Jean-Claude Kaufmann, sociologue français, dans son dernier ouvrage au titre
évocateur de “Sex@mour” (3).
Pour le sociologue, il en va d’ailleurs de même pour les rencontres
libertines, hors de tout projet d’engagement conjugal. Avec ceci de
particulier que la confusion entre le sexe et l’amour est plus grande que
jamais, la sexualité devenant même une sorte de nouveau loisir. “Sur la
Toile transformée en hypermarché du désir, la rencontre est facile, grisante
mais elle est remplie de pièges pouvant rendre l’amour encore plus
improbable”, prévient l’auteur.
Internet a divisé la
rencontre en deux temps, très contrastés. Avant le rendez-vous en face à
face – la vie réelle –, les deux candidats amoureux ont plus ou moins
longuement bavardé par écrans interposés. Une phase marquée par un grand
confort psychologique car l’internaute peut jouer avec une très grande
liberté, dire ce qu’il n’a jamais osé dire, tricher et surtout couper toute
relation à sa guise, sans même s’excuser. Mais ce retrait n’est pas sans
conséquences pour celui qui le subit et se prend des claques virtuelles. Un
univers impitoyable en quelque sorte dans lequel certains s’engluent,
incapables de décrocher de l’ordinateur malgré le désenchantement et la
saturation qui arrivent après quelques temps.
Quand arrive le moment
de la rencontre dans la vraie vie, tout se passe comme si une nouvelle
histoire commençait. Mais il n’est pas toujours facile d’effacer ce qui a
été dit et écrit sur la Toile… Les femmes en particulier sont au cœur du
cyclone. Incitées à jouir de la vie, déçues de leurs relations amoureuses
passées mais toujours en recherche d’un grand amour, elles naviguent tant
bien que mal dans les eaux troubles des sites de rencontre.
> L’autre
peut-il nous
combler
entièrement?
“Nous voulons
conjuguer sexe, amour, intensité et durée, constate Richard Precht,
philosophe allemand(4). Nos attentes ne cessent de
croître et nous sommes de plus en plus déçus. Qui pourrait être le
partenaire amoureux capable de réaliser toutes nos attentes pour nous
satisfaire pleinement ? Ce grand écart entre “vouloir aimer” et “ne plus
pouvoir aimer pleinement dans la durée” est l’une des choses qui nous
préoccupent le plus. Tout se passe comme si nous aimions davantage l’amour
que l’autre”, conclut le philosophe... A méditer.
// Catherine Daloze
et Joëlle Delvaux
(1) Fabrice Midal “Et si de l’amour on ne savait rien?”-
Albin Michel, 2010.
(2) Pascal Bruckner, “Le mariage d’amour a-t-il échoué?” -
Grasset, 2010.
(3) Jean-Claude Kaufmann :
“Sex@mour” - Armand Collin, 2010.
(4) Richard Precht : “Amour, déconstruction d’un sentiment”
– Belfond, 2011.
Le Café de l’Amour, un espace de paroles
Entre
salon littéraire et atelier de développement personnel, le Café de l’Amour
se veut un lieu de réflexion et de partage sur l'amour et le sentiment
amoureux.
Créé à Paris en 2004 par Bénédicte Ann, conseillère en relations amoureuses,
le premier Café de l’Amour a, depuis lors, fait des petits dans plusieurs
villes de France.
Il y a deux ans, il a franchi la frontière
franco-belge pour s’arrêter à Bruxelles où, une fois par mois, il accueille
de nombreux célibataires en quête d’amour et des couples désireux de
progresser sur la voie du bonheur conjugal. “Le café de l’Amour présente
au plus grand nombre des approches qui aident à aimer et être aimé. Il n’est
en rien comparable au Café philosophique car on est vraiment dans l’être,
l’intériorité et le relationnel”, explique Bénédicte Ann. L’amour et la
relation amoureuse sont éclairés à travers différents perspectives:
développement personnel, psychologie, philosophie, sociologie, psychanalyse…
Chaque soirée, un auteur est invité à présenter sa grille de lecture
personnelle, à engager la discussion et à favoriser les échanges entre les
personnes présentes. “Généralement, les participants s’impliquent dans
les discussions, témoignent de leur vécu mais jamais personne n’est obligé
de s’exprimer, confie Bénédicte Ann. L’objectif est de passer un agréable
moment. A la fin de la soirée, on peut d’ailleurs partager un repas sur
place. C’est un lieu de rencontres au sens large du terme”.
A Bruxelles, le prochain
Café de l’Amour – le mercredi 9 février – accueillera justement sa
fondatrice, Bénédicte Ann, à l’occasion de la sortie de son livre intitulé
“Le prochain, c’est le bon!” (Albin Michel). Un livre de recettes et
de conseils clé sur porte pour trouver l’âme sœur? “Pas du tout!, se
défend-elle. Il n’existe pas de recettes toute faites. Par contre, mon
expérience de vingt années en agence de mise en relation m’a appris qu’il
est important de respecter quelques règles de fond, de prendre le temps
d’écouter ce qui se passe en soi pour pouvoir, d’abord ou en même temps, se
rencontrer et rencontrer l’autre à un endroit juste pour les deux”.
Bénédicte Ann poursuit : “Beaucoup d’hommes et de femmes brûlent les
étapes. Il faut d’abord faire la paix avec son passé amoureux, surmonter la
rupture et analyser lucidement la réalité et ce qu’on veut vraiment pour
éviter de retomber dans le schéma de la répétition et pour rebondir”.
Non sans humour, avec de nombreux témoignages et exercices à l’appui,
l’auteure décortique les cinq étapes à franchir une à une pour mener à la
relation harmonieuse et durable.
// JD
>> A Bruxelles,
le Café
de l’Amour a lieu le second mercredi de chaque mois, à 19h30 à la Fattoria,
1, Boulevard du Souverain à 1170 Bruxelles. Accueil dès 18h30. Prix : 12
EUR.
Bénédicte Ann animera
aussi un Café de l’Amour,
à partir de son ouvrage, en mars à Bruxelles,
Charleroi et Liège (sous réserve). Dates à définir. Plus d’infos sur
www.cafedelamour.fr
ou par mail à
cafedelamour@me.com
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