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Société (21 juin 2012)

> Lire également : “Ma façon de dire non à l’excision”

Une tradition mutilante

L’excision n’est pas une circoncision féminine

Il n’est pas rare d’entendre que l’excision chez une fille est l’équivalent de la circoncision chez un garçon. “Ce n’est pas du tout comparable, rectifie Khadia Diallo. On enlève chez le garçon un lambeau de peau, sans conséquence sur sa sexualité, tandis que l’on supprime un organe chez la femme. En supprimant sa sensibilité clitoridienne, l’excision compromet en grande partie la vie sexuelle de la femme; elle l’expose à des complications physiques mais aussi à des troubles psychologiques.

L’excision correspondrait à la section du pénis chez le garçon.

L’excision se traduit par l’ablation partielle ou totale du clitoris et des petits lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres, c’est la forme la plus courante de mutilation sexuelle.

L’infibulation est une autre catégorie de mutilation génitale féminine et représente environ 15% des mutilations sexuelles. L’infibulation est très fréquente dans les pays de la corne de l’Afrique (Djibouti, Somalie, Erythrée, Soudan…).

Il s’agit du rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres. Dans certains pays, la pratique veut qu’une femme désinfibulée pour l’accouchement soit recousue après avoir enfanté.

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Source des données : DHS, MICS et WHO 2008
© Gams - Belgique 2010
© Alda Greoli

Les mois d'été peuvent être l'occasion d'un retour au pays pour certaines familles. Un voyage à risque là où la tradition commande “la coupure” des jeunes filles, là où il en va de l'honneur d'une femme que d'être excisée. La journée mondiale des réfugiés, ce 20 juin, rappelle la condamnation de telles pratiques.

“Pas d'excision pour ma sœur”, lançaient des associations belges à l’été 2008. Leur intention: prévenir le risque de telles mutilations lors d'un retour au pays pendant les vacances(1). Un message à répéter. Car faire reculer de telles pratiques relève du combat difficile. D'abord, il est de longue haleine. Fin des années 90, Khadidiatou Diallo s’engageait dans cette voie. La jeune sénégalaise mettait sur pied en Belgique le Gams, un groupe d’hommes et de femmes africains et européens qui lutte pour l’abolition des mutilations. Depuis, au gré des interventions, du lobbying, d’un précieux travail de discussion avec les communautés concernées, le sujet est sorti de l’inconnu. Mais de grands tabous l’entourent encore. Et la tradition reste fortement ancrée.

La coutume au-delà des frontières

L’ampleur du phénomène est énorme dans certains pays comme l’Egypte, le Mali ou la Guinée. Au regard de ses ressortissants, il est même déroutant de constater ailleurs l’interdiction ou la dénonciation de “la coupure” que connaissent leurs mères, leurs grands-mères, leurs sœurs... La carte de prévalence dessinée par le Gams Belgique (voir ci-dessous) parle d’elle-même. Des millions de filles et de femmes sont concernées. Ainsi, l’arrivée en Belgique où une loi punit ces mutilations s’accompagne parfois d’une réelle prise de conscience que la pratique n’existe pas partout, qu’elle est même interdite et considérée comme néfaste à la santé. La “non-normalité” de l’excision apparaît. Les manières de penser se confrontent, provoquant chez certains le rejet de la pratique pour leurs filles ou pour elles-mêmes, la résistance à la pression sociale entraînant aussi, chez certaines femmes excisées, des souffrances psychiques: celle de se sentir diminuées, de ne plus se vivre comme entièrement femmes.

Le changement lent des mentalités

Depuis sa mise en application en 2001, la loi n'a donné lieu à aucune poursuite en Belgique. “Une dénonciation de ses parents, proches ou pairs en cas de mutilation avérée reste très improbable et renvoie à un usage ‘impossible’ de la loi. Ceci explique également que le silence autour de l’excision persiste en contexte migratoire, outre le tabou dont la pratique souffre déjà”, explique l'anthropologue, Myriam Dieleman, dans un rapport de recherche sur l'excision et la migration(2). Elle interroge la place du droit dans les changements de comportements, de mentalités.

C’est petit à petit, en avançant pierre par pierre, que l’on peut faire reculer les pratiques. Certes la thématique n’est pas neuve, mais il reste énormément à faire, constate Therese Legros, de Intact, une association de conseils juridiques active dans la lutte contre les mutilations génitales féminines. Certes, le sujet est de plus en plus pris en considération par les autorités. Il est d’ailleurs intégré dans le plan d’action national 2010-2014 contre les violences conjugales et intrafamiliales. Mais il reste mal connu des professionnels – enseignants, médecins, infirmières, éducateurs, travailleurs de l’ONE – en contact avec les familles à risque”. A côté de l’ignorance, le malaise domine souvent. Comment aborder la chose avec les familles? Comment éviter de les stigmatiser? Vers qui se tourner pour préciser les soupçons, trouver de l’aide ? Autant de questions auxquelles les associations spécialisées s’attachent à répondre, tout en militant pour que la problématique soit abordée dans les formations médicales, d’enseignants ou d’éducateurs.

// CATHERINE DALOZE

(1) http://campagne-excision.gams.be

(2) “Excision et migration en Belgique francophone. Rapport de recherche de l’Observatoire du sida et des sexualités pour le Gams Belgique”, 2010.

L’honneur en question

L’excision – tout comme l’infibulation – ne sont ni un rite d’initiation, ni véritablement un rite de passage. Elles relèvent exclusivement de l’appartenance au sexe féminin.

Le seul fait d'être née fille impose de “façonner le corps à l’image attendue”. L'âge auquel elle est pratiquée dépend d'un groupe à l'autre et peut aller des premiers jours de vie jusqu'à l'âge adulte. Cependant, c'est entre cinq et douze ans qu'elles sont les plus courantes.

Il s'agit pour les familles de protéger leurs filles contre la honte, l'exclusion sociale et l'isolement, de respecter la tradition. Excisée, la femme a la capacité de se marier, sa virginité est comme garantie physiquement et symboliquement. “L’honneur et la pureté sont au centre de l’excision: celle-ci apparaît comme une opération de purification visant à établir l’honneur de la femme et in extenso celui de sa famille”, explique Myriam Dieleman. Au Mali, par exemple, la pire injure que l'on puisse lancer à une jeune fille est de la traiter de bilakoro (non excisée en bambara). Et les mères et les grands-mères ne veulent pas que leur fille “devienne la risée de toute la cour, qu'on la traite d'impure et qu'on se bouche le nez sur son passage(1).

Détricoter les fausses évidences

Les associations comme le Gams Belgique axent une partie de leur travail sur les raisons qui entretiennent ces pratiques. Les justifications diffèrent. “On dit par exemple que les mutilations sexuelles féminines sont imposées par la religion. Aucune religion ne les impose et le Coran n’en parle pas, rectifie Khadia Diallo. (…) L’excision garantirait-elle la pureté et la virginité d’une fille, ainsi que la fidélité d’une épouse?” La présidente du Gams remet encore une fois les pendules à l’heure : “La conduite d’un être humain relève de ses qualités d’esprit et de cœur, non pas d’une blessure, rappelle-t-elle. Quant aux vertus de l’excision sur la fécondité, c’est bien le contraire qui se passe : des infections génitales peuvent rendre les femmes stériles, compliquer les accouchements et entraîner des souffrances fœtales.(2)

Protéger le corps et plus encore

L’impact sur la santé des femmes n’est pas négligeable, qu’il relève des complications directement liées à la mutilation (hémorragie, infection…) ou à plus long terme (troubles urinaires ou menstruels…). Sans parler des douleurs lors des rapports sexuels, de la diminution du désir ou de l’absence de plaisir sexuel.

Depuis peu, on observe une tendance – en Guinée notamment – à s’adresser à du personnel médical plutôt qu’à des exciseurs ou exciseuses traditionnels. Et ce, malgré la condamnation de telles pratiques par de nombreuses conventions internationales. Il s’agit dans l’esprit des familles de réduire les risques de complications. L’intervention – plus aseptisée – n’en demeure pas moins mutilante et la médicaliser ne favorise pas la diminution de la pratique, au contraire. En Egypte, où l’excision médicale est quasi institutionnalisée (plus de trois quarts des jeunes filles excisées l’ont été par du personnel médical), la prévalence est toujours au - dessus de 90%.

// CD

(1) Extrait de La coupure de Christine Bella Cabane (2008, p.44), cité dans “Mutilations génitales féminines. Guide à l’usage des professions concernées”, 2011, éd. par le SPF Santé publique et le Gams Belgique. Disponible auprès du Gams Belgique.

(2) Extrait du cahier Labiso n°81, consacré au Gams Belgique - www.labiso.be

Adresses utiles

> Gams Belgique, rue traversière, 125 à 1210 Saint Josse ten Noode • 02/219.43.40 • www.gams.be

> Intact asbl, rue Defacqz, 1 à 1000 Bruxelles • 02/539.02.04 • www.intact-association.org

> Collectif liégeois contre les mutilations génitales féminines, c/o Centre Louise Michel, rue des Bayards, 45 à 4000 Liège • 04/228.05.06.

> Femmes africaines, rue du Congo 109 Bte 3 à 6010 Couillet (permanences décentralisées les jeudis à la Maison Plurielle, rue Tumelaire, 77 à 6000 Charleroi) • 0487/37.74.28.

 

 


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