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Exclusion (3 octobre 2013)

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Devenir propriétaire de son logement : le chemin de croix des malades chroniques

© Laurent Caro/Belpress

Il peut être très difficile pour les personnes porteuses d’un handicap et les malades chroniques d’accéder à la propriété. En cause : l’obtention d’une assurance sur le solde restant dû pour couvrir un prêt hypothécaire. Bientôt, une nouvelle loi verra le jour. Elle entend mettre un terme à la discrimination dont ces personnes font l’objet.

Jean-Yves est ingénieur. Il est jeune et a une bonne situation professionnelle. Il tombe amoureux d’une maison et veut l’acheter. Très vite, il trouve une banque qui lui prête une somme d’argent pour l’acquérir. Emprunter de l’argent, c’est aussi s’engager à tout rembourser. Il tente alors de contracter une assurance sur le solde restant dû pour éviter que sa famille doive rembourser l’emprunt en cas de décès prématuré

Première étape : remplir un questionnaire médical qui permettra à l’assureur de mesurer le risque à assurer. La plus grande transparence est demandée. Sa compagne est en bonne santé, pas de problème. Lui est diabétique de type 1, c’est plus problématique. Il est soumis à un second questionnaire médical et invité à être examiné par le médecin-conseil de la société d’assurance. Au terme de quelques jours, Jean-Yves reçoit une lettre de l’assureur. “Elle m’informe que l’assurance sur le solde restant dû m’est refusée.” Jean-Yves a peur, la date d’achat de la maison approche. Il tente de contacter le médecin- conseil qui a émis cette décision. “Pas possible de le voir, de l’appeler, de lui écrire. Cet homme, c’est Dieu sur terre ! Même mon médecin traitant n’a pas réussi à le joindre.

Mobilisation générale

L’histoire de Jean-Yves illustre les difficultés qu’éprouvent les personnes malades chroniques lorsqu’elles sont amenées à trouver une telle assurance. Les diabétiques ne sont pas les seuls concernés. Les chaisards, les personnes souffrant d’épilepsie, d’asthme, de dépression, de maladies cardiaques, les porteurs du virus VIH... Une fragilité de santé amène potentiellement à rencontrer ces mêmes difficultés.

Le problème est à ce point important que de nombreuses associations de patients et de consommateurs se mobilisent pour dénoncer la discrimination que vivent certains prétendants à l’assurance sur le solde restant dû.

En 2010, Test-Achats écrivait: “Les assureurs considèrent ces consommateurs comme présentant un ‘risque aggravé’ et leur opposent souvent un refus ou leur font payer une prime exagérément élevée, parfois même dix fois supérieure à la prime d’assurance normale. Ils privent ainsi ces personnes d’une assurance vitale et indispensable.” Indispensable, notamment, lorsque l’assurance sur le solde restant dû est liée à un crédit hypothécaire. Sans cette dernière, de nombreux prêteurs refusent le prêt. Impossible, donc, d’acheter ou de rénover une habitation privée.

La Ligue francophone belge contre l’Epilepsie s’intéresse également au problème. Elle enquête actuellement sur “les rapports entre une personne souffrant d’épilepsie et une souscription à un contrat d’assurance privée. Plusieurs patients épileptiques nous interpellent pour évoquer leurs rapports difficiles avec les assureurs, explique Gisèle Motheu de la Ligue. La plupart d’entre eux sont contraints d’abandonner leur projet d’habitat car on leur demande une surprime importante et ils ne trouvent personne de leur entourage pour se porter garant”.

Du côté de la Plateforme Prévention Sida, même constat : “C’est un phénomène qui a tendance à être plus présent qu’auparavant. En partie parce que, aujourd’hui, avec les avancées des traitements, les personnes atteintes du virus VIH peuvent refaire des projets de vie. Par exemple, devenir propriétaires de leur habitation.” Un point de vue pas toujours facile à faire comprendre au monde des assurances… “Pour eux, être atteint du Sida, c’est la mort à court terme. Leur image de la maladie est celle d’il y a 15 ans. Ils ne se rendent pas compte qu’une personne infectée peut combiner traitement, travail et, donc, remboursement du prêt.

Enfin, le Centre pour l’égalité des chances témoigne de l’ampleur du problème par le nombre de dossiers reçus. “En 2011, 21 dossiers ‘assurances’ ont été traités par notre service. 12 d’entre eux mettaient en évidence une discrimination due au handicap ou à l’état de santé. En 2012, c’est 13 dossiers sur 17. Pour les 8 premiers mois de l’année 2013, il s’agit de 13 dossiers sur 16. C’est le sommet de l’iceberg, ajoute Patrick Charlier, directeur adjoint du Centre. Il y a beaucoup plus de personnes dans le cas qui ne s’adressent pas à nous parce que la démarche peut sembler lourde ou que le Centre n’est pas connu pour sa capacité à traiter d’autres plaintes que celles liées au racisme”.

Pratiques contestables

Le défi de l’assureur est de trouver l’équilibre entre le calcul du risque à assurer et le montant de la prime demandée, partant du principe qu’il faut éviter une concentration de risques dans un portefeuille d’assurés. C’est ce qui lui permet, selon lui, de maintenir l’équilibre financier de l’entreprise. Suivant cette seule logique, le montant de la prime d’une personne dite “à risque” sera plus importante que pour d’autres.

Ce qui fâche, c’est de voir couramment des assureurs refuser, exclure ou demander des primes complémentaires nettement plus chères au candidat assuré sans motivation claire, explicite et fondée sur des éléments objectifs. Un principe pourtant inscrit dans la législation anti-discrimination belge et européenne. C’est ce qui amène les candidats déboutés à s’indigner.

Un autre coup de canif dans la législation concerne le respect de la vie privée. Au centre du problème : le questionnaire médical qui permet à l’assureur d’évaluer le risque qu’il couvrira. “Avez-vous des hobbys ?”, “Avez-vous des angoisses ?” sont des questions souvent posées dans ce type de document. Or, elles vont à l’encontre de la loi belge mais aussi de la Convention européenne sur les droits de l’Homme. Il y a pire, car demander des informations génétiques – comme “De quoi sont morts vos grands-parents” ou “Quel est l’état de santé de vos frères et sœurs ?” – est strictement interdit.

En quoi ces informations sont-elles utiles dans l’évaluation de l’état de santé d’un individu? Ce type de questionnaire est piégeant et rédigé de manière à fournir des arguments qui pourraient être utilisés contre le preneur d’assurance en cas de pépin”, s’inquiète Gisèle Motheu de la Ligue belge contre l’Epilepsie. L’assureur, sur base de ces informations complémentaires, pourrait accuser l’assuré d’avoir menti lors de la souscription de son assurance et donc annuler sa police.

Serrer la bride

Ces pratiques des assureurs interpellent depuis longtemps le monde politique. Au point qu’il fut nécessaire de légiférer. Au terme d’un nombre important de propositions de résolutions, la loi du 21 janvier 2010 (Loi Lalieux-Partyka) a vu le jour. A ce stade, comme l’indique Karel De Bondt, expert Banques et Assurances du Cabinet du ministre de l’Economie J. Vande Lanotte, “le texte pourrait être publié au Moniteur belge dans quelques semaines. L’administration analyse actuellement l’avis du Conseil d’Etat et devra ensuite mettre en œuvre certaines dispositions”.

Comme le souligne Hubert Claassens, professeur émérite à la KULeuven en Droit des assurances et conseiller bénévole de quantités d’associations de patients, “Cette loi va enfin mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les malades chroniques. D’abord parce qu’elle imposera aux entreprises d’assurances d’utiliser un questionnaire médical uniformisé Aussi, parce qu’elle obligera les assureurs à motiver par écrit, de manière claire, explicite et non équivoque son refus de couverture, la surprime imputée ou l’exclusion de l’assuré en précisant le ou les facteurs qui justifieraient, selon eux, un risque plus élevé à assurer”. Les coordonnées du médecin-conseil de l’assureur devront également être fournies pour permettre le contact avec le candidat.

Autre mesure : la création d’un bureau de suivi de tarification présidé par un magistrat indépendant. Celui-ci devrait analyser les surprimes imposées aux clients et contraindre, le cas échéant, l’assureur à émettre une proposition alternative.

Enfin, une caisse de compensation pourrait intervenir au profit des candidats à qui une surprime de 200% minimum est imputée. Caisse financée à parts égales par les banques et les assureurs.

Les trois petits cochons

Les assureurs sont furieux. D’ailleurs, Assuralia, leur association professionnelle, a tout fait pour freiner l’avancée du texte, introduisant notamment un recours devant la Cour Constitutionnelle en 2010. Son argument : la loi est contraire à la liberté de commerce. Comme l’explique Wauthier Robyns, porte-parole d’Assuralia : “Nous intervenons sur des points qui nous tiennent à cœur. Par exemple, la liberté de préserver l’action individuelle des assurances dans les règlements pour créer de l’émulation concurrentielle. C’est la base de notre métier.” Il poursuit : “Selon nous, la nouvelle législation balaye infiniment plus large que les cas les plus problématiques. Les cas bénins seront traités comme les cas les plus graves. Ce sera lourd pour les assureurs et donc lourd pour les consommateurs”. Mais tous ces arguments ont été balayés.

La loi n’est-elle pourtant pas l’occasion de créer de la solidarité ? Aux yeux du porte-parole d’Assuralia, “organiser une certaine forme de solidarité est important. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus lorsque nous voulions participer à la définition de l’organisation de la solidarité. Vous connaissez les trois petits cochons? Notre métier est de calculer leur prime pour les assurer au mieux en cas de pépin, qu’ils habitent dans une maison de paille, de bois ou de pierre. Notre métier n’est pas d’imposer au cochon de la maison en pierre d’héberger ses copains après un sinistre.

Réjouissances

Il est plus que temps de mettre en exécution tous les (bons) principes inscrits dans la nouvelle loi, peut-on lire dans un avis de l’Observatoire des maladies chroniques. Il est également fondamental que la participation des associations de patients soit assurée dans les instances prévues par les arrêtés de la loi Lalieux-Partyka.

Rêvent-ils d’un système ‘à la française’ ? Une concertation qui, depuis 1991, rassemble toutes les parties et personnes concernées : pouvoirs publics, professionnels de la finance et des assurances, patients et consommateurs ? L’application de la nouvelle loi sera déjà, selon eux, un premier pas dans la bonne direction.

// MATTHIEU CORNÉLIS

 

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