Enfance
(1er septembre 2011)
Pubères, un poil trop tôt
Devenir “une femme” avant l’âge de 8 ans ou être “un homme” alors
qu’on n’a pas même 9 ans? Cela arrive, même si ce n’est pas si fréquent. De
quoi perturber enfants et, surtout… parents.
Parfois, le corps a ses raisons que la raison ne comprend pas.
Sans que l’on sache exactement pourquoi, il pousse, change… bien plus vite
qu’on ne s’y attend. C’est ainsi que des fillettes de 6, 7 ou 8 ans se
retrouvent pubères. Avec des poils, des seins et, une fois par mois, des
règles. Certaines de ces gamines ressemblent à de “grandes perches” par
rapport à leurs copines de classe. D’autres sont encore de “petits formats”,
d’ailleurs souvent un peu boulotte. Tous les ans, en Belgique, les pédiatres
endocrinologues suivent une centaine de petites filles touchées par une
“puberté précoce”, c’est-à-dire développée avant l’âge de 8 ans. Les
garçons, eux-aussi, peuvent parfois se trouver embarqués sur ce bateau qui
file trop vite : pour eux, le seuil qui définit une puberté précoce est fixé
à 9 ans. Cela signifie qu’avant cet âge-là, la taille de leurs testicules a
augmenté et qu’ils ont connu leurs premières éjaculations. Néanmoins, la
puberté précoce touche dix fois moins les garçons que les filles…
Actuellement, statistiquement, c’est vers 12 ans et demi que les filles
deviennent des femmes. Cet âge
est déterminé, en grande partie, par des facteurs génétiques et familiaux :
on est souvent réglée au même âge que sa mère. “Pour toutes, le début de
la puberté commence par le développement de la glande mammaire. Cela se
produit à un âge variable, généralement compris entre 8 et 13 ans. Pendant
une période d’environ deux ans – mais qui pourrait être en augmentation – la
croissance s’accélère et une pilosité peut commencer à apparaître.
Finalement, l’arrivée des premières règles marque la fin de la puberté. A
partir de ce moment-là, en moyenne, la nouvelle jeune fille ne grandira plus
que de 5 à 10 centimètres”, détaille le Dr Cécile Brachet,
pédiatre-endocrinologue à l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola
(à Bruxelles).
Dans un nombre de situations limitées, la puberté précoce est liée à un
problème médical, comme par exemple la présence d’une tumeur. Cette
possibilité est un peu plus fréquente chez les garçons. Il est donc indiqué
de demander un avis médical lorsque des seins (ou des testicules)
grandissent chez un (très) jeune enfant. En revanche, si le début de la
transformation du corps d’une fillette débute à 8 ou 9 ans, inutile de se
précipiter chez le médecin ou d’appeler au secours. “Dans ce cas, la
demoiselle est dans la norme, mais juste à l’extrémité de celle-ci”,
assurent les pédiatres endocrinologues Cécile Brachet et Jean-Pierre
Bourguignon (chef de service associé au Service de pédiatrie du CHU de
Liège).
On stoppe tout!
“Depuis plus d’une vingtaine d’années, lorsque cela s’avère nécessaire,
nous disposons d’un traitement capable de bloquer la puberté. Nous avons
donc un bon recul quant à la fiabilité et la sécurité de cette thérapie. Le
médicament agit sur l’hypophyse qui, dans le cerveau, lance le départ du
processus pubertaire”, précise le Dr Cécile Brachet. A raison d’une piqûre
intramusculaire tous les trois mois, la puberté s’arrête. “A 11 ans, on
cesse le traitement : dans l’année, les règles apparaissent”, complète
le Pr Jean-Pierre Bourguignon. Les gamines sont alors “dans la norme” et
“comme les autres”.
Si la petite puce a 6 ans, le traitement est souvent conseillé, en grande
partie pour lui permettre de continuer à grandir le plus possible avant
l’arrivée de ses premières règles. Mais, si l’enfant a déjà 7 ou 8 ans, ce
type de traitement est moins efficace sur la croissance. Or, dans la mesure
où ces fillettes ne sont pas “malades”, la décision d’entamer une thérapie
devient alors plus discutable. Cependant, les spécialistes peuvent être
amenés à considérer que le traitement est justifié afin d’aider des
fillettes à être comme leurs pairs et peut-être, à les protéger ainsi sur un
plan psycho-social. Ou, encore, parce que le traitement répond à l’angoisse
des mères, légitimement affolées à l’idée que leur gamine de 7 ans va avoir
des seins, des règles, et devra gérer tout cela dans des écoles où rien
n’est prévu pour ce type de situation (pas de poubelles dans les toilettes,
problèmes lors des sorties piscine, etc.)
“Souvent, les fillettes ont l’air moins perturbées par ce qui leur
arrive que les mamans”, sourit le Dr Cécile Brachet. Une étude
d’évaluation, menée par des psychologues et coordonnée par le Pr
Bourguignon, montre toutefois qu’il existe un risque de sous-estimer
l’impact psychologique de la puberté précoce sur les fillettes : certaines
d’entre elles masqueraient leur bouleversement intérieur sous un
comportement exemplaire, en étant des “petites filles très sages”…
En fait, peu d’études ont été consacrées aux enfants présentant une puberté
précoce. “Mais il est évident qu’elle va être vécue de manière très
différente chez les filles et chez les garçons. En effet, notre société la
valorise chez ces derniers, alors que pour les filles, elle est bien
davantage perçue comme susceptible d’engendrer des difficultés, et rien que
des difficultés…”, constate le Pr Nicolas Zdanowicz, psychiatre aux
Cliniques universitaires Mont-Godinne. En pratique, la manière dont l’enfant
vit et intègre son entrée dans un corps d’adulte varie considérablement.
“Pour certains, la mise en route de l’adolescence débute. Pour d’autres, le
passage est trop difficile à (di)gérer, et le jeune campe encore dans
l’enfance, malgré un corps d’adulte. Pour d’autres encore, la sexuation du
corps est vécue comme une effraction traumatique et un frein… Alice a mangé
le champignon magique trop tôt !”, résume le psychiatre. En tout cas,
insiste-t-il, l’environnement dans lequel grandit l’enfant participe
largement au fait que la puberté, y compris lorsqu’elle est précoce, va
devenir une force qui permet d’aller vers le stade de futur adulte… ou une
faiblesse.
N’oubliez pas l’amour
et les émotions!
“Traditionnellement, par leur attitude, les parents doivent jouer un
rôle de pare-excitation sexuelle pour leurs très jeunes enfants. En cas de
puberté précoce, les voilà pourtant conduit à parler ‘sexualité’ : à eux,
alors, de ne pas oublier d’y inclure l’amour et les émotions, rappelle le Pr
Zdanowicz. En fait, on peut supposer que, dans une famille pudibonde ou
hyper-défensive face à la sexualité ou, au contraire, hyper-exposante, une
puberté précoce risque d’être plus difficile à vivre pour le jeune. Le
constat est le même si toute la vie de la mère gravite exclusivement autour
de celle de son enfant”.
Enfin, particulièrement lorsque la puberté survient très jeune, les parents
doivent être attentifs à ne pas projeter leurs propres craintes : même si
leur fille est réglée à 8, 9 ou 10 ans, cela ne signifie pas pour autant
qu’elle aura des relations sexuelles à 12 ans, qu’elle multipliera les
relations, ou se lancera dans des rapports non protégés ! Statistiquement,
l’âge des premiers rapports ne change pas : il reste fixé autour de 16 ans
et demi, 17 ans. Bref, à des années lumière de ces très jeunes filles en
fleur…
// Pascale Gruber
Le droit à l’enfance, comme les
autres |
A la question : “Comment soutenir un enfant
en puberté précoce?”, le Pr Christine
Reynaert, chef du service de médecine
psychosomatique aux Cliniques universitaires
Mont-Godinne, répond clairement. “Il faut
continuer à traiter l’enfant… comme un
enfant, qui a droit à des comportements et
des gamineries propres à son âge. Néanmoins,
il n’est pas facile de devenir un être
sexué, d’attirer les regards, ou, pour une
fille, de se faire siffler ou apostropher
dans la rue. Pas facile, non plus, d’être
raillés par les copines ou les copains. Sur
ce plan-là, pour pouvoir aider l’enfant, il
faut oser aborder le problème avec lui. Et
lui demander, par exemple, à quelles
réactions il est confronté”.
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Pourquoi vient-elle si tôt ?
Pour comprendre les raisons de la survenue de pubertés précoces, les
chercheurs suivent avec intérêt la piste de l’influence des perturbateurs
endocriniens : en effet, dans notre environnement, certains produits comme,
par exemple, le bisphénol A joueraient sur l’âge du début de la puberté.
Autre influence possible de l’environnement: “Il y a quelques années,
une étude réalisée avec le groupe belge des pédiatres endocrinologues avait
montré que, parmi les fillettes issues de l’adoption et concernées par ce
problème, la plupart présentaient des taux de DDT plus élevés dans le sang.
Interdit chez nous mais utilisé ailleurs contre la malaria, ce pesticide a
des effets similaires à ceux des oestrogènes”, complète le Pr
Bourguignon, pédiatre endocrinologue.
“Parmi les fillettes que nous suivons en Belgique, on compte environ 20%
d’enfants issus d’un processus d’adoption internationale, quelles que soient
leurs origines”, précise-t-il. Plusieurs facteurs expliqueraient cette
sur-représentation : “On pense qu’en raison de carences dans leur prime
enfance, ces enfants pourraient être confrontés à une sorte de sidération de
la croissance. Lors de leur arrivée ici, un rattrapage surviendrait, une
sorte d’emballement du processus métabolique avec, notamment une
reconstitution de leur ‘capital’ graisseux. Or la leptine, une hormone qui
vient de la graisse, pourrait contribuer à stimuler la pré-puberté”.
Par ailleurs, il se pourrait que pendant la vie utérine, des problèmes de
nutrition de la mère ou de stress déterminent une programmation
physiologique de la vie ultérieure de l’enfant, y compris le timing de la
puberté.
"Les règles, C kwa ça?" |
Cette
thématique n'est pas toujours facile à aborder, ni pour les jeunes filles,
ni pour les parents. C'est pourquoi, Infor Santé, le service de promotion de
la santé de la Mutualité chrétienne, a réalisé une brochure d'information
sur le sujet.
Le titre l'indique, la brochure -
qui n'est, hormis son titre, pas rédigée en langage sms - est destinée aux
jeunes filles. Petit calepin d'une vingtaine de page, il tend à se
distinguer des longs discours et des considérations trop théoriques.
La définition d'un cycle, les
différentes protections qui peuvent être utilisées, le problème de la
douleur... sont autant de questions abordées. Elles sont agrémentées de
brefs témoignages, de "trucs et astuces" bien utiles pour vivre au mieux
cette étape.
Par cette brochure, Infor Santé
souhaite permettre également aux parents d'engager plus facilement la
conversation avec leurs filles sur le sujet. Bien délicat parfois pour
certains à aborder
//CD
"Les règles, C kwa ça?"
est disponible gratuitement auprès de la Mutualité
chrétienne, sur simple demande aux conseillers mutualiste ou au 0800 10 9 8
7. Elle est également
téléchargeable sur
www.mc.be
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