Consommation
(1er décembre 2011)
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Non à la
création
d’une
grande centrale de dettes
Quels frais en cas de recouvrement
amiable de dettes ?
Des soucis d’argent? Nombre d’entre nous en connaissent. Les crédits
et autres formes d’emprunts se généralisent, facilités par des prêteurs
parfois peu regardants. Surtout, les crédits ne servent plus uniquement à
l’achat de biens coûteux ou exceptionnels mais à boucler les fins de mois
d’un nombre croissant de personnes. L’endettement s’accroît et avec lui,
nombre de vies en suspens.

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Pierre Rousseau/Belpress |
La dangereuse mode
des crédits
Fichés, les “bons
et les mauvais payeurs”
Au cours de l’année 2011, l’ouverture de plus d’un million de crédits a été
enregistrée auprès de la Centrale des crédits aux particuliers de la Banque
nationale (1). Chaque crédit supérieur à 1.250 euros et de
plus de 3 mois y est encodé. Centrale “positive”, elle consigne les crédits
en cours, mais aussi les défauts de paiement ; ce qu’on nomme la centrale
“négative”. Et sur ce terrain, les constats sont sans appel. Il y avait
534.050 contrats de crédits impayés en octobre 2011. Certes, la loi oblige
les prêteurs à consulter la Centrale avant d’octroyer un crédit pour évaluer
la solvabilité du demandeur. Mais cette information - quand elle est
réellement vérifiée - n’est qu’un indicateur. Seuls y figurent les crédits à
la consommation et les prêts hypothécaires. Les dettes de téléphone, de
loyer ou auprès du fisc, par exemple, n’apparaissent pas, ni les emprunts
auprès d’une connaissance ou d’un parent. Comme l’explique Olivier Bailly
dans son livre “Ces vies en faillite”, “vous pouvez être fiché positif à
la Centrale et couvert de dettes par ailleurs”.
Tout à l’étroit
dans un plan budgétaire
D’autres chiffres témoignent de la même réalité. “En Belgique, plus de
93.000 ménages vivent aujourd’hui un règlement collectif de dettes”.
Ils ont introduit une requête auprès du juge du tribunal du travail.
Celle-ci a été admise ; un avocat, un service de médiation agréé d’un CPAS
ou d’une asbl, un notaire ou un huissier de justice, a été désigné par le
juge. Chacune de ces familles a vu ses créances analysées par le médiateur.
Ce dernier a établi un plan de remboursement, auquel elles doivent se
soumettre, ne disposant plus de leurs biens et revenus comme elles
l’entendent. Leur horizon de vie se calque alors sur un “planning
budgétaire”. Soulagement: les créanciers sont tenus de la sorte à distance,
souffrances aussi : il s’agit de 5 à 10 années de privation souvent sévères.
A côté du règlement collectif de dettes, “il y a un chiffre gris du
surendettement, rappelle Olivier Bailly. Il s’agit des individus,
non repris dans les règlements collectifs de dettes, qui s’arrangent avec
leur entourage, leurs créanciers. Combien de personnes composent ce peuple
désargenté de l’ombre ? Impossible à dire.” Une chose est certaine: les
chiffres attestent de l’ampleur du phénomène de l’endettement. Si on y
ajoute les “surendettés ignorés” parce que redevables du porte-monnaie d’un
proche, il ne peut qu’être pire.
Dépensiers parfois,
accidentés de la vie souvent
Qu’est-ce qui explique tant de naufrages financiers ? L’idée d’un nombre
croissant de flambeurs, cigales dépensant sans compter et de manière
insensée, ne tient pas. Les médiateurs et autres professionnels du secteur
en rencontrent certes comme cette dame à peine sortie de gros embarras
financiers, qui s’endette à nouveau offrant à sa nièce une voiture, comme ce
fonctionnaire européen au salaire de 12.000 euros par mois et pourtant
sérieusement endetté… Mais les calculettes des médiateurs s’activent aussi
pour d’autres “profils”. Des “accidentés” de la vie qu’une maladie, un
licenciement, une séparation ont laminé. Comme cette épouse à la carrière
interrompue brutalement par une thrombose et qu’une séparation plongera dans
les ennuis financiers. Comme cette mère séparée, dans l’impossibilité de
nouer les deux bouts faute de versements de la contribution alimentaire pour
ses enfants. Les médiateurs rencontrent aussi des profanes en matière de
budget, totalement désorganisés dans la gestion de leurs frais. Car ils ne
sont pas rares ceux qui, jeunes adultes, n’ont pas appris à gérer leur
argent, ni à considérer la valeur de celui-ci ; ceux qui ont vu les manques
affectifs compensés par les sous. Puis, les médiateurs sont confrontés à des
personnes pauvres, aux portes-monnaies extrêmement serrés, pour lesquelles
les dépenses de la vie courante sont déjà un souci, dont les revenus se
révèlent insuffisants pour avoir un budget en équilibre et qui ne peuvent
imaginer établir la moindre épargne. L’augmentation de 15% des défauts de
paiements en électricité témoigne de la réalité difficile d’un nombre
croissant de personnes. C’est bien entendu la pauvreté qu’il faut enrayer.
Mais, ceci n’empêche de rester vigilants face aux pratiques des prêteurs.
Prêteurs désinvoltes
Les sollicitations débordent. Les feuillets publicitaires regorgent
d’invitations à acheter en plusieurs tranches. Les prêteurs démarchent à
l’entrée des commerces. Cartes de crédits en tout genre, en promotion dans
les supermarchés ou les grands magasins d’électroménagers, formules de
crédit diverses auprès de sociétés spécialisées dans le prêt liées à de
grands groupes financiers… c’est à croire qu’on se bouscule pour vous prêter
de l’argent. “Là où ma mère s’étranglait quant elle devait 3 francs au
boulanger, notre génération a intégré l’achat avec paiement différé”,
remarque Olivier Bailly. Même les jeux d’enfants connaissent ce nouvel
attirail de cartes de crédit. Le couac, c’est quand l’intérêt commercial
prend le pas sur l’intérêt individuel. Les situations financières des
candidats à la créance ne sont pas réellement analysées, parfois juste
scorées selon des modèles statistiques réducteurs. La mission de conseil
imposée par la loi aux prêteurs prend trop souvent la forme d’une simple
information, considérée comme une formalité. Les témoignages font état d’une
complexité telle que des agents de comptoirs se contredisent ou se perdent
dans des explications bancales. Sans parler des clauses aux allures
indéchiffrables, et complexes à comprendre, surtout dans le temps imparti
pour se décider en toute connaissance de cause.
//Catherine Daloze
>> Plus d’infos auprès
de la Plateforme Journée sans crédit
( www.journeesanscredit.be
) dont la coordination est assurée par les Equipes populaires (
www.equipespopulaires.be /-
081/73.40.86)
>>A lire :
“Ces vies en faillite”,
Olivier Bailly, éd. Renaissance du livre, 2011 – 14EUR.
(1) La hausse est spectaculaire. Elle est en partie
l’effet de l’entrée en application de la nouvelle loi sur le crédit incluant
les découverts bancaires octroyés par les banques. Elle met encore mieux en
évidence la réalité du crédit.
Ne signez pas n’importe quoi |
Signer un contrat de crédit n’est pas un
acte anodin, c’est un engagement à long
terme qui mérite d’être réfléchi ! Conseils
de la plateforme Journée sans crédit.
> Prenez le temps de la réflexion.
Mon achat est-il nécessaire immédiatement?
C’est sans doute la première question à se
poser avant de signer un contrat de crédit.
> Mettez à profit le délai légal de
14 jours
pour refaire vos comptes et renoncez au
crédit si nécessaire.
> Notez toutes vos dépenses et
faites un budget.
Vérifiez si vous pouvez faire face à de
nouvelles charges. Ne vous fiez pas à
certains prêteurs qui proposent de faire le
calcul à votre place.
> Privilégiez les institutions
bancaires plutôt que les intermédiaires de
crédit
si vous devez contracter un crédit car ces
dernières ne proposent que du crédit et sont
donc très “motivées” à vous faire signer un
tel contrat.
>
Ne multipliez pas
les cartes de crédit,
car la gestion budgétaire devient un
véritable casse-tête.
>
Si vous avez besoin d’emprunter de l’argent,
vérifiez quel est le type de crédit
le plus adapté pour vous.
Dans la mesure du possible, évitez
les ouvertures de crédit (très coûteuses)
car elles peuvent très facilement vous
entraîner dans un endettement perpétuel.
> N’hésitez pas à poser des
questions au prêteur,
celui-ci a un devoir d’information et de
conseil. Il est tenu par la loi de vous
donner toutes les informations et de
chercher le crédit le plus adapté à vos
besoins.
> N’empruntez jamais pour rembourser
une ou plusieurs dettes (regroupement de
crédits).
Cela peut devenir une spirale sans fin et
vous courez le risque de payer davantage
d’intérêts.
> Un refus de prêt
est souvent dans votre intérêt. Il ne faut
pas oublier qu’en règle générale, les
banquiers préfèrent accorder un prêt même
s’il y a un risque. S’il y a refus, c’est
que le risque est très élevé. Si vous allez
ailleurs et qu’on vous l’accorde, ce sera
sans doute à un taux très élevé.
>
Veillez à ce que
la durée du crédit ne soit pas plus
longue que la vie du produit acheté
(exemple : contracter une ouverture de
crédit à durée indéterminée pour l’achat
d’une voiture d’occasion).
> En cas de grosses difficultés
financières,
ne plongez pas la tête dans le sable,
contactez un service de médiation de dettes
dans votre commune (coordonnées disponibles
au 0800 11 901 pour la Région wallonne, au
02/217.88.07 pour la Région bruxelloise).
>> Plus d’infos
sur
www.journéesanscredit.be
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Nos vies à découvert : un film |
“Y en a marre de vivre à crédit, marre
de vivre en sursis… crédit d’amour, d’humour
et pour toujours. Vivre sa vie en hérisson…
Passer sa vie à la gagner et toujours la
compter…”, chantonne Coralie Stevens
sur la bande son du film Une vie à
découvert. Alain, Aziza, Bernard, Maryse,
Mireille, Rudy, Thierry-Philippe… pourraient
être vous ou moi, ils ont mis leur compte à
découvert. Aujourd’hui, ils parlent de leurs
expériences du crédit, de la difficulté à
ravaler sa fierté quand on ne s’en sort plus
seul, de leur volonté de repartir sur
d’autres bases. De leur goût de vivre, tout
simplement. Ils témoignent “pour que
cela serve à d’autres”.
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Avec eux, des professionnels (médiateurs de
dettes, chercheur, agents de prévention,
juge, avocat) éclairent le tabou de
l’endettement et expliquent ce qui peut être
mis en place pour lutter contre celui-ci.
Finalement, les témoins disent aussi comme
ils ont été amenés à relativiser la place
qu’ils donnaient à l’argent. A
contre-courant des vents dominants de la
consommation à tout crin. La richesse
intérieure ne se mesure ni en billet, ni en
carte, ni en chèque. C’est pourtant celle-là
qui permet de sortir de l’engrenage, observe
Aziza. Un documentaire plein
d’enseignements, d’humilité aussi.
//CD
>> Une vie à découvert,
réalisé par Eva Houdova, avec le soutien de
la Plateforme Journée sans crédit et le CPC
•
34 min.
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Téléchargeable sur
www.journeesanscredit.be
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Rens.: Equipes populaires :
www.equipespopulaires.be
/- 081/73.40.86.
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