Consommation
(19 janvier 2012)
Gare à l’obsession hygiéniste
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Image source - Reporters
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A entendre les messages publicitaires ou à lire certaines
recommandations pseudo-scientifiques sur le net, nos intérieurs regorgent de
saletés et de microbes qui nécessitent l’usage d’une multitude de produits
d’entretien et exigent une désinfection tout azimut. Cette guerre absolue
aux germes est pourtant loin d’être pertinente pour notre santé et elle est
très nocive pour l’environnement. Quant à notre portefeuille...
Des petits canards pour
détruire les microbes qui nous guettent sous le rebord de la
cuvette du wc, des produits anticalcaires qui enlèvent le tartre même là où
on ne le voit pas, des lingettes imbibées qu’on jette aussitôt, des bombes
qui emprisonnent les poussières, des sprays pour les vitres, des crèmes à
récurer, des diffuseurs de bonnes odeurs, des gels javellisés pour la salle
de bain, d’autres pour dégraisser la cuisine, d’autres encore pour faire
briller les sols... Les rayons de nos supermarchés regorgent de matériels et
produits d’entretien en tous genres. Au point qu’on ne sait plus qu’acheter.
Ce qui est sûr, c’est que la publicité ne se contente pas de nous inviter à
rendre propres nos maisons et appartements pour nous y sentir bien. En
surfant sur la vague hygiéniste et sécuritaire qui tend à s’imposer dans
tous les lieux de vie, elle veut nous convaincre de la nécessité de procéder
à des traitements de choc pour éliminer tous les microbes qui menaceraient
notre santé. Pourtant, rares sont les habitations où règnent des germes
dangereux. En réalité, la désinfection n’est nécessaire qu’en cas de maladie
contagieuse avérée, sur ordre du médecin ou des services de la santé
publique (certaines hépatites, salmonellose...).
Une question d’équilibre
Les micro-organismes sont partout! Dans notre corps, la
flore bactérienne du système gastro-intestinal participe à la digestion, et
sa présence empêche la colonisation par des organismes pathogènes (qui
peuvent provoquer des maladies). La disparition de cette flore bactérienne
est généralement la cause de gros problèmes de santé. Habitation Dans nos
maisons, la multitude d’espèces de micro-organismes qui s’y trouvent
constitue aussi une véritable flore bactérienne familiale qui nous protège
contre les infections. En utilisant souvent des produits désinfectants comme
l’eau de javel, le délicat équilibre qui existe entre ces espèces
s’effondre. Un grand nombre de microbes meurent, laissant la place à
d’autres, très prompts à se développer et souvent plus dangereux, plus
agressifs. Les défenses naturelles de l’être humain s’affaiblissent et
celui-ci devient sujet aux maladies infectieuses ainsi qu’aux allergies et
maladies auto-immunes... Selon des théories récentes, aseptiser le milieu où
l’on vit empêcherait le développement de la tolérance de l’organisme
vis-à-vis de toute une série de substances, qui deviendraient de ce fait
allergisantes(1). Pourtant cet “apprentissage de la
tolérance”, dès le plus jeune âge, est nécessaire pour éviter que notre
système immunitaire ne s’emballe à la première occasion. Le fait de vivre
dans un environnement de plus en plus aseptisé a aussi pour conséquence une
résistance accrue des agents infectieux aux mesures de désinfection. Un
cercle vicieux en somme.
Nocifs pour la santé et l’environnement
Tant à la maison que dans les lieux publics,
l'amélioration de l'hygiène est probablement l'un des grands progrès du
20ème siècle. “Mais ne sommes-nous pas allés un pas trop loin?”,
s’interroge le CRIOC(2). Même s'ils n'en constituent
qu'une petite partie (3%), les produits de nettoyage domestique font partie
des produits dangereux. Fabriqués à partir de molécules de synthèse, leurs
effets à long terme sur la santé restent difficiles à évaluer. Mais les
effets directs, en particulier sur la santé des personnes fragiles et des
enfants, ne doivent pas être sous-estimés, souligne le CRIOC. En effet, bon
nombre des composants de ces produits - qui sentent bon le propre - sont
allergisants, voire cancérigènes, tant par contact avec la peau que par
inhalation des substances volatilisées dans l’air: tensio-actifs
pétrochimiques, conservateurs et parfums de synthèse, solvants, etc. “Au
Centre Anti-poisons, les produits ménagers sont à l'origine d'un appel sur
trois liés à une intoxication. Le plus souvent à notre insu, nos domiciles
recèlent de véritables petites bombes pour notre santé et pour
l’environnement. Un exemple? L'hydroxyde de sodium, souvent présent dans les
déboucheurs et les nettoyants pour fours, est un produit particulièrement
corrosif et agressif, susceptible de causer des brûlures et de graves
lésions aux yeux”. Autre illustration : lorsque de l'eau de Javel – le
plus courant des désinfectants – est utilisée en mélange avec un nettoyant
pour WC, un détartrant... ou mise en contact avec de l’ammoniaque... ou de
l’urine, un nuage de gaz chloré se dégage, irritant les voies respiratoires
et les yeux. Ce gaz toxique peut provoquer des maux de tête, des nausées et
lorsque l’exposition est importante (dans l’espace confiné d’un wc par
exemple), il peut causer un oedème pulmonaire entraînant des complications
graves. Le Centre Anti-poisons enregistre, à lui seul, près de mille cas
annuels d'intoxication à l'eau de Javel…
Bref, nous sommes ainsi exposés de manière chronique à des
cocktails complexes de polluants qui s’accumulent dans notre organisme et
peuvent affecter notre santé. Mais l’environnement n’est pas en reste non
plus: les produits de nettoyage aboutissent dans les eaux et affectent les
sols et la vie aquatique. Quant au chlore contenu dans l’eau de Javel, une
fois libéré lors de l’évacuation avec les eaux domestiques, il peut se
combiner à des molécules organiques (contenues dans les sols, les eaux et
l’air) et former des composés toxiques, persistants. Par ailleurs, les
produits d’entretien et leurs emballages génèrent beaucoup de déchets. A cet
égard, la mode des lingettes jetables (notamment d’entretien) est une
véritable ineptie. Les lingettes grossissent considérablement les poubelles,
sans compter qu’elles sont souvent imprégnées de produits contenant des
composés toxiques. Leur bilan environnement et santé est très lourd. Sans
parler de leur prix, extrêmement élevé en regard de matériel de nettoyage
réutilisable.
Pour conclure, tous les désinfectants du monde ne
remplaceront jamais l’hygiène qui résulte de l’utilisation régulière de
produits de nettoyage multi-usages et de composition simple (voir
ci-dessous). Une étude de Test-Achats a d’ailleurs montré qu’en termes de
propreté, les “désinfectants” sont moins efficaces que les nettoyants
classiques, ce qui encourage les utilisateurs à en verser plus pour obtenir
un résultat satisfaisant... Une raison supplémentaire pour bannir la javel,
le Dettol et autre produits désinfectants chimiques de nos armoires.
// JOËLLE DELVAUX
(1) Lire “Hygiène : point trop n’en faut”
– Elide Mondesi –Revue Equilibre – Décembre 2011
(2) Le CRIOC, centre
d’information et de recherche des organisations de consommateurs, a consacré
plusieurs articles et brochures aux produits d’entretien de la maison. Infos
: 02/547.06.11 –
www.crioc.be.
Des alternatives simples et peu coûteuses
Lors de l’entretien de la
maison, nous rencontrons principalement deux types de
salissures. Organiques, elles proviennent de l’homme, des végétaux ou des
animaux (terre, graisse, sang, taches végétales, etc.) et sont enlevées par
des produits alcalins, comme le savon ou les cristaux de soude. Non
organiques, elles sont causées par les métaux et minéraux (rouille,
calcaire...) et sont attaquées par les produits acides comme le vinaigre
(excellent détartrant et nettoyant) ou le jus de citron.
Le savon à base d’huiles végétales (savon
de Marseille, savon à base d’huile de lin, de glycérine...) et le
vinaigre d’alcool blanc constituent ainsi la base de produits
d’entretien dont la simplicité d’emploi et l’efficacité n’ont rien à envier
aux armes chimiques vantées par la publicité. Leur prix avantageux et leur
faible impact sur l’environnement en font des produits de premier choix. Ces
alternatives peuvent être utilisées seules ou en combinaison avec d’autres
produits comme le jus de citron, le bicarbonate de
soude (piège à odeurs, agent adoucissant et blanchissant, abrasif
doux, anti-acides), l’alcool à brûler (pour nettoyer les
ampoules électriques, les touches de téléphone ou d’ordinateur), les
cires végétales (pour le mobilier en bois et les planchers)...
Impossible ici de nommer tous les produits et de détailler leurs usages!
Quelques conseils encore
• Utiliser
l’eau comme produit de base
pour le lavage. Bannir les lingettes imbibées et sprays prêts à l’emploi. Un
nettoyage à l’eau claire est suffisant pour les sols peu sales, les
planchers vitrifiés, les miroirs... Selon le type de salissures, on ajoutera
à l’eau soit du nettoyant multi-usages à base de tensio-actifs végétaux
(savon de Marseille...), soit du vinaigre.
• Opter pour
les lavettes, éponges et torchons en
microfibres de bonne qualité. Très pratiques, notamment avec
des manches adaptés pour les torchons et raclettes à vitres, elles sont
efficaces aussi bien à sec – pour retenir les poussières sans provoquer leur
mise en suspension dans l’air – qu’humidifiées. Elles permettent de doser
très faiblement les produits d’entretien, voire même de s’en passer
totalement(1). Résistantes et durables, elles sont
lavables en machine (sans adoucissant ni sèche-linge) et sont donc très
hygiéniques. Elles permettent aussi de travailler beaucoup plus vite, en
raison de leurs caractéristiques spécifiques.
• Choisir
des produits à impact réduit sur
l’environnement: grands conditionnements, recharges, déchets
limités et recyclables, tensioactifs d’origine végétale, sans conservateurs,
colorants ni parfums artificiels.
• Toujours
lire et respecter les conseils de dosage
: utiliser trop de produit est inefficace, risque de détériorer les
revêtements, entraîne des traces et coûte cher.
•
Aérer et ventiler la maison
minimum dix minutes par jour pour faire baisser le taux de polluants à
l’intérieur de l’habitat, réduire l’humidité, le risque de moisissures et de
mauvaises odeurs, qui pousse à l’usage de produits mordants et
désodorisants.
• Parfumer les pièces et
armoires avec des produits naturels : bouquet ou sachets de
lavande, pots pourris, orange piquée de clous de girofle, petits savons...
• Entretenir régulièrement
l’habitation pour éviter que les salissures ne deviennent
tenaces et plus difficiles à nettoyer.
// JD
>> Pour plus de
conseils pratiques sur l’entretien de la maison et les
produits de nettoyage, consulter les fiches écoconseils publiées par
Ecoconso sur www.ecoconso.be ou appeler l’asbl au 081/730.730.
(1) Grâce à la multitude de fibres en
polyester et nylon, serrées entre elles, les lavettes et torchons en
microfibres ont une grande capacité d’absorption des graisses, saletés et
liquides.
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