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Enjeux internationaux (3 novembre 2011)

 

Amérique du Sud

La coca,

petite feuille verte très contestée

Véritable institution dans beaucoup de pays d’Amérique du Sud, la coca comporte des vertus thérapeutiques méconnues mais controversées. Elément de base de la drogue “cocaïne”, la feuille verte est délaissée et surtout mal vue en Europe, comme en Amérique du Nord.

Dans les rues de La Paz, deuxième ville de la Bolivie, les vendeurs de coca se bousculent. L’odeur du mâchouillement des feuilles envahit les minibus qu’empruntent les Boliviens pour partir travailler. Jeunes et vieux ont le bas du visage engourdi et gonflé de boulettes de feuilles qu’ils mastiquent. Les Boliviens la boivent aussi sous forme d'infusion. Elle accompagne tout au long de la journée. Ici, pas question de mettre au ban cette plante qui a une valeur culturelle et ancestrale. Sans elle, l’âme de la Bolivie n’existerait pas.

 

© Marc Fasol/Reporters
La guerre à la coca

“Ceci est une feuille verte de coca, pas de la cocaïne blanche. Cette feuille de coca représente la culture andine”, a clamé haut et fort le Président bolivien Evo Morales à l'ONU lors d'une conférence sur les stupéfiants(1). Provoquant son auditoire, il en a mâché pendant son discours en concluant: “Ce n'est pas parce que je mastique de la coca que vous pouvez me taxer d'accro. Allez-vous m'envoyer en prison pour ce que je suis en train de faire?” Et pourtant, depuis 1961, et au regard de l'argument qu'elle contient de la cocaïne (un de ses alcaloïdes – composant organique d'origine végétale), cette plante est inscrite dans la liste des substances interdites établie par la Convention de Genève. Ce qui menace ainsi sa production dans les pays d'Amérique du Sud. Pas question donc de l'exporter ou de la produire en masse, seul l'usage personnel et “culturel” est toléré au sein des frontières du pays d'origine. Une loi que le peuple andin voudrait faire changer. Leur argument: “Quelqu'un qui mange du raisin ne va pas être taxé d'alcoolique. C'est la même chose avec la feuille de coca : ce n'est pas parce qu'on chique de la coca qu'on est pour autant un drogué!” Déjà au XVIème siècle, cette petite feuille était diabolisée par les conquistadors espagnols puis, réhabilitée par les mêmes s'étant rendu compte qu'elle donnait de l'énergie aux travailleurs.

Ancrée dans la culture andine depuis 2500 avant JC, la coca est omniprésente dans les relations sociales. Un musée de La Paz la met à l'honneur. On y découvre son caractère sacré en Bolivie mais aussi au Pérou, en Colombie… et jusqu'au Panama. Cette feuille est présentée comme l'intermédiaire de tout processus de réciprocité. Elle joue un rôle sur le plan économique, social et spirituel. Par exemple, quand se créent  des liens d'amitiés entre les personnes, on s'invite à mâcher de la coca. Ou lors d'un mariage, on se déplace chez la fiancée et on offre de la coca.

 

Des vertus thérapeutiques

D’après les documents présentés au musée de La Paz, dès le IIème siècle, la coca est utilisée en médecine par les Incas. Son pouvoir anesthésiant sert dans les opérations. Au fil du temps, on continue à y avoir recours dans le milieu médical dans les Andes : pour prévenir les infections, pour aider la soudure des os et des fractures…

Dans un pays comme la Bolivie, où de nombreuses villes se perchent à des milliers de mètres au-dessus de la mer – La Paz se trouve à 3800 m -, l'acullico (ndlr : le mâchouillement de la coca) est vanté pour ses effets bénéfiques sur la respiration en altitude. Certains alcaloïdes, dont la cocaïne, aiderait à absorber plus d'oxygène en dilatant les alvéoles pulmonaires. De plus, cette pratique serait bénéfique pour la circulation sanguine et préviendrait les thromboses (la coca diminuerait l'agrégation des plaquettes dans le sang). Diane Quittelier, responsable du secteur “Bolivie” à Oxfam-Solidarité s'appuie sur une étude du début des années nonante, à laquelle l'Organisation mondiale de la Santé a pris part(2): “C'est une aberration d'interdire totalement la feuille de coca alors que ses vertus thérapeutiques et nutritionnelles ont été démontrées”. Même si l'étude met tout de même en garde quant à la dangerosité de la cocaïne présente en tant qu'alcaloïde dans la feuille.

Ces prises de position en faveur de la plante ne font pas écho en Europe. Un pharmacologue de l'ULg, le Professeur Vincent Seutin se montre dubitatif quant à ses effets: “Des substances toxiques sont présentes dans la coca. Bien qu'on ait utilisé la cocaïne au siècle passé en médecine ou en psychologie – Sigmund Freud en consommait et en prescrivait –, on n'a plus d'intérêts à l'heure actuelle d'y avoir recours car nous avons à notre disposition d'autres substances qui ne comportent pas de cocaïne. A ma connaissance, dans les pays occidentaux, on l'utiliserait uniquement pour des tests ophtalmiques”.

 

Un apport nutritionnel important?

Ce que mettent également en avant ses défenseurs, ce sont les apports nutritionnels importants présents lors de la mastication et des infusions de coca. Très riche en vitamines A et en minéraux comme le calcium et le fer, elle pourrait être vue comme “un remède” à la malnutrition que l'on observe chez les populations andines. “Je comprendrais que, pour les populations qui n'ont pas accès à une alimentation équilibrée ou à une médecine pointue, le recours à des méthodes traditionnelles, comme l'utilisation de la feuille de coca, soit une alternative”, tempère le Pr. Seutin. Des scientifiques du Pérou, de Bolivie, de Suède et des Etats-Unis se sont penchés sur la question(3) et ont démontré que les bénéfices nutritionnels ne sont pas assez importants par rapport à ses méfaits sur la santé, pour justifier une consommation de feuilles de coca. “Le principal alcaloïde de cette feuille reste la cocaïne qui est une substance stimulante, addictive, qui joue sur la psychologie des consommateurs et qui favorise des tendances à l'anorexie. En effet, mâcher de la coca supprime la sensation de faim. Il n'est donc pas adéquat de l'utiliser comme un complément nutritionnel. Si on la compare avec d'autres plantes comme le persil, la coriandre ou encore l'origan, les résultats nutritionnels sont plus ou moins similaires, les effets négatifs en moins. Dans la coca, on note la présence de substances qui ralentiraient ou limiteraient l'absorption des ‘bons éléments’. L'utilisation de la feuille de coca exposerait donc ses consommateurs à des substances toxiques qui développeraient des risques de santé à court ou à long terme”, conclut l'étude. Lors de la mastication, comme lors de l'ingestion de maté de coca (infusion), de la cocaïne passe dans le sang (visible lors de tests sanguins ou d'urine). Même si elle est présente en très faible quantité (249 ng/ml de sang pour 50 gr de feuilles mâchées), ne pourrait-elle pas créer une addiction à la substance ?

Ancrée dans la culture sud-américaine, la feuille de coca reste un élément incontournable des peuples andins. Changer leurs habitudes de consommation serait-il un vain combat ? Une guerre “minime”, comparée à la lutte menée contre le circuit infernal de la cocaïne, en tant que drogue dure.  

// Virginie Tiberghien

(1) Conférence qui s'est tenue à Vienne le 11 et 12 mars 2009.

(2) “Cocaine project”, étude menée de 1992 à 1994 par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l'Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI). Les conclusions sont téléchargeables sur www.tni.org 

(3) “Can coca leaves contribute to improving the nutritional status of the Andean population?”, Sous la direction de Mary E.Penny de l'Institut d'investigation nutritionnel de Lima, 2009, www.perubitoec.org 

 

 

De la coca à la cocaïne

Au grand dam des Boliviens et de l'ensemble des populations andines, la feuille de coca a été inscrite en 1961 dans la liste des stupéfiants établie par la Convention de Genève. Et ce, entre autres, parce qu'elle entre dans la composition de la cocaïne, drogue qui fait des ravages aux quatre coins de la planète.

Chaque feuille de coca contient différentes substances organiques, dont la cocaïne. Et c'est cet alcaloïde qui pose problème. “Mais il ne faut pas tout confondre, précise Diane Quittelier d'OXFAM-Solidarité. La cocaïne libérée lors de la mastication est différente de la drogue, elle, qui a subi une transformation chimique.”  Et Joep Oomen, coordinateur de la Coalition européenne pour des politiques justes et efficaces en matière de drogue (Encod)(1) ajoute: “La cocaïne ‘synthétique’ que l'on sniffe ou que l'on s'injecte atteint le cerveau beaucoup plus rapidement que lorsqu'on mâche ou boit une infusion de feuilles de coca. La concentration de cocaïne est beaucoup plus élevée quand elle se présente sous forme de drogue.”

Le réseau de la drogue est problématique. Les petits paysans se tournent vers la culture de coca, le marché étant très rentable. “Difficile donc de faire la part des choses entre ceux qui la cultivent pour la drogue ‘cocaïne’ et les autres, pour leur consommation ‘culturelle’, souligne Diane Quittelier. Les petits paysans qui prennent part au trafic illégal reçoivent, de celui-ci, à peine de quoi survivre; ils sont les perdants économiques de la chaîne du trafic.” Par ailleurs, la plante est très résistante : elle supporte la sécheresse, permet trois à quatre récoltes par an et ses plants peuvent être reproduits facilement par les cultivateurs eux-mêmes. 

La Bolivie, avec le soutien international, lutte activement contre le réseau illégal de la drogue. Et les premiers à en faire les frais sont les paysans qui cultivent la feuille. Des cultures complètes sont arrachées. Mais la disparition totale est-elle la solution? Les Nations Unies essaient de trouver une alternative à  ces cultures. “Eradiquer n’est pas une solution parce que cela prive les paysans de leurs moyens de subsistance. L’objectif du Programme des Nations unies est d’offrir des solutions de rechange à cette culture”, souligne Patricio Vandenberghe, le représentant au Pérou du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues. Mais beaucoup de tentatives ont été vouées à l'échec ces dernières années: faute d'infrastructures suffisantes diront certains, d'ouverture vers les marchés internationaux, diront d'autres ou de solutions inadaptées culturellement ou géographiquement. 

// VT

(1) www.encod.org

 

Coca-cola®, la boisson bien mystérieuse
Son appellation est éloquente. La boisson Coca-Cola, mondialement connue, fait référence à la petite feuille verte des Andes. Elle tire son nom de la plante: la coca représente un élément incontournable de sa préparation.

C'est en 1863 qu'une boisson à base de cette plante est inventée en France et commercialisée dans le monde entier, sous le nom de vin Mariani. Stimulant, il aurait remporté un franc succès et inspiré un certain John Pemberton, un pharmacien américain. C'est lui qui aurait trouvé, en 1885, la recette de la fameuse boisson gazéifiée qui reste encore, à l'heure d'aujourd'hui, bien mystérieuse. A l'époque, l'ingrédient “coca” était indéniable. Par contre, à l'heure actuelle, on parle “d'extrait fluide de coca”, qui serait issu de feuilles “décocaïnisées”. “Une partie de l'exportation de feuilles de coca serait destinée à la compagnie Coca-Cola®, affirme Joep Oomen, coordinateur d'Encod (1). Mais en ce qui concerne cette ‘décocaïnisation’, il est impossible, selon moi, d'éliminer à 100% cet alcaloïde. D'ailleurs, la compagnie Coca-Cola® reste bien secrète sur la recette de la boisson bue par petits et grands partout dans le monde.”

(1) www.encod.org

 


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