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Santé publique (21 avril 2011)

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Le prix du diesel: un malentendu bien confortable

Bientôt fini, le diesel moins cher que l'essence? C'est, en pleine flambée des prix des carburants, ce que l'on aurait pu croire en lisant les titres récents d'une partie de la presse. On reste pourtant loin de cet ajustement. Réjouissant?

© Philippe Turpin/BELPRESS

Pour la première fois, les quatre(!) ministres belges chargés de l'environnement (trois régionaux et un fédéral) se sont récemment mis d'accord pour reconnaître l'effet délétère du diesel sur l'environnement et la santé. Ils se sont montrés prêts à corriger les avantages rendant celui-ci plus accessible pour le portefeuille: les accises plus réduites que sur l'essence, mais aussi les primes à l'achat de véhicules neufs.

Concrètement, les moteurs diesels de nos véhicules émettent bien plus de particules fines et d'oxydes d'azote que les moteurs à essence. Les premières, en pénétrant au plus profond de notre système respiratoire, raccourcissent nos vies, en moyenne, de 13,6 mois en Belgique(1), pays dont le taux de “diésélisation” est l'un des plus élevés d'Europe. Associé à d'autres facteurs (génétiques, alimentaires,  addictions diverses, etc.), le bruit de fond des particules, c'est-à-dire leur concentration habituelle en dehors des pics de pollution, tue annuellement environ 10 à 13 000 personnes dans notre pays, rappelait, en 2009, le Pr Benoît Nemery (KUL) (2). Ce n'est pas tout: les particules compliquent la vie de dizaines de milliers d'asthmatiques ou de personnes souffrant de bronchites chroniques, particulièrement les enfants et les personnes âgées. On sait, par ailleurs, que les personnes vivant à proximité des grandes axes de circulation leur paient un tribut plus lourd que celles qui vivent dans les  banlieues vertes.

Quant à l'impact des oxydes d'azote sur la santé, et particulièrement le NO2, il n'est pas plus reluisant. Recraché 3 à 20 fois plus par les moteurs diesels que les moteurs à essence, il développe un puissant effet irritant sur la fonction respiratoire lors des pics. Les victimes toutes désignées sont, là encore, les asthmatiques, mais aussi les personnes fragiles face aux risques cardiaques: le NO2 “force” le cœur. Globalement, seuls ou conjoints, particules et oxydes d'azote compromettent la santé des hypertendus, des personnes fragiles face à l'arythmie cardiaque, l'infarctus… (accidents coronaires).

 

Des croyances à revoir

Ces effets sont soupçonnés depuis les années quatre-vingt, voire bien avant. Ils sont aujourd'hui de mieux en mieux connus, scientifiquement documentés et chiffrés. Pourtant, la "diésélisation" du parc automobile belge s'est inexorablement poursuivie. Aujourd'hui, huit voitures neuves sur dix reposent  sur cette technologie en Belgique. Pourquoi une telle complaisance à l'égard de ce qui a toutes les apparences d'un problème très sérieux de santé publique? Principalement, en raison d'informations biaisées et partielles, sinon fausses, qui ont réussi à influencer l'opinion publique et jusqu'aux décideurs.

Le diesel, “plus propre que l'essence?” Faux, en bonne partie. Certes, on en consomme sensiblement moins que de l'essence pour parcourir un nombre égal de kilomètres. Mais son taux d'émission de particules fines et son bilan énergétique global (l'Europe doit en importer des quantités énormes depuis des raffineries éloignées) le rendent beaucoup moins intéressant que ce qu'il est habituel d'affirmer. Le filtre à particule, la solution au problème des particules? A revoir, également! Ces appareils ne sont que très peu efficaces contre les particules les plus petites, celles qui pénètrent jusqu'au plus profond du système respiratoire et ils ne sont efficaces qu'à haute température(3). Les voitures au diesel roulant en ville sur de petits trajets sont, à cet égard, de véritables calamités pour la santé publique.

 

Un guerre de retard

Chaque fois que le débat public rebondit sur la pollution atmosphérique urbaine, ce genre de solution technologique est brandi par les lobbies automobiles (constructeurs, assureurs, société de leasing…), ce qui a pour effet d'édulcorer ce tableau préoccupant. Certes, depuis l'introduction des normes dites “Euro, 1, 2, 3, 4…”, les moteurs sont nettement moins polluants qu'autrefois. Ces efforts sont réels. Mais la réponse technologique a systématiquement une guerre de retard sur la découverte médicale quant aux effets de la pollution sur la santé. Autre explication: dans notre pays, l'assemblage automobile reste un secteur très puissant (y compris sur le plan syndical) qui s'incarne à merveille dans cette “institution” qu'est devenue la voiture de société – largement diesel – chez les cadres et les employés. L'explosion du nombre de véhicules en circulation en Belgique (plus de 5 millions aujourd'hui) gomme l'avancée des moteurs moins polluants. Avec la politique d'aménagement du territoire favorisant la dispertion (régulièrement oubliée dans ces débats), ces évolutions ont progressivement rendu l'automobile “indispensable” pour un maximum de gens, objectivement ou subjectivement.

Dès l'annonce de l'accord interministériel, Didier Reynders, le ministre des Finances en affaires courantes, a balayé d'un geste l'éventualité de revoir à la hausse les taxations sur le diesel. Le débat est-il clos, pour la xème fois? Ses successeurs devront en tout cas composer avec cette nouvelle donne: en bien des endroits du pays, les normes européennes sur les particules fines ont été largement dépassées. Après deux avertissements, la Belgique risque cette fois des pénalités financières auprès de la Cour européenne de justice. Le gouvernement peut encore gagner du temps, refusant de prendre des mesures impopulaires. Mais le seraient-elles vraiment si elles étaient situées dans leur contexte, échelonnées et “socialement justes”? Pendant ce temps, la santé publique continue d'écoper.

// Philippe Lamotte

 

(1) “Health risks of particulate matter from long-range transboundary air pollution”, Organisation Mondiale de la santé (2006)

(2) Exposé préparatoire journée d'études Belspo 4 juin 2009

(3) Consulter www.irceline.be

 


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