Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Santé publique (6 septembre 2012)

> Lire également : Pas simple de se choisir un généraliste…

La médecine de garde à la croisée des chemins

© BSIP/Reporters

La nuit, les week-ends et jours fériés, les cercles des médecins généralistes sont tenus d’organiser un service de garde pour les patients de leur région. Dans les faits, les gardes traditionnelles sont en difficulté : manque de médecins – en particulier dans les zones rurales –, gardes lourdes et éprouvantes, sentiment d’insécurité... Des initiatives se mettent en place ici et là pour mieux organiser les gardes et faciliter leur accès aux patients. Explications et témoignages de médecins généralistes.

Depuis toujours, les médecins généralistes sont légalement et déontologiquement tenus d’assurer la continuité des soins à leurs patients. Pour ce faire, ils ont, dans un premier temps, organisé des rôles de gardes avec leurs confrères les plus proches, généralement dans la même commune. Plus récemment, ils se sont regroupés en cercles de médecins généralistes, couvrant une zone géographique composée de plusieurs communes. Ces cercles ont reçu pour mission légale l’organisation de la garde de médecine générale. Tous les médecins généralistes sont tenus d’y participer, sauf dispense pour raison d’âge ou de santé. Et même s’ils ne sont pas conventionnés, ils doivent appliquer les tarifs officiels de l’Inami lorsqu’ils sont de garde.

Depuis plusieurs années, l’organisation de la garde pose problème, particulièrement dans des régions rurales parfois peu fournies en généralistes. La répétition et la longueur des gardes, s’ajoutant à une charge de travail déjà élevée en temps normal, représentent un fardeau de plus en plus difficile à supporter par les médecins qui, comme tout un chacun, aspirent à un meilleur équilibre entre activité professionnelle et vie familiale. Or, le vieillissement du corps médical, un certain désintérêt des étudiants pour la médecine générale et l’augmentation attendue des besoins de soins médicaux (du fait du vieillissement de la population et de la croissance régulière du nombre d’habitants) ne feront qu’aggraver la situation.

D’autres problèmes peuvent aussi se poser: insécurité, non-paiement des honoraires, requêtes excessives de patients, temps de déplacements élevés, difficultés de parking…

Des postes de garde fixes

Une solution aux problèmes actuels passe très certainement par la création de postes fixes de garde en médecine générale, où les médecins généralistes de la région assurent à tour de rôle des permanences. Ce modèle est d’ailleurs généralisé aux Pays-Bas, au Danemark et au Royaume-Uni (avec des modalités pratiques diverses). Chez nous, les premiers postes “expérimentaux” ont été mis en place par des cercles de médecins dans plusieurs petites villes et zones rurales dès 2003. Ils ont été rejoints quelques années plus tard par des postes urbains (Charleroi, Liège, Bruxelles…). Ces postes bénéficient d’un soutien financier annuel de la part de l’Inami. En 2011, 29 postes de garde ont été soutenus – pour un montant total de l’ordre de dix millions d’euros – pour faire face aux dépenses de fonctionnement et de personnel (locaux, secrétariat, chauffeurs…).

La composition et l’organisation des postes de garde varient fortement de l’un à l’autre : d’un “simple” cabinet de consultations à une structure comprenant un secrétariat et un service de chauffeurs pour véhiculer les patients vers le poste de garde et accompagner les médecins lors des visites à domicile. Les postes sont généralement accessibles uniquement les week-ends et jours fériés mais là encore, les horaires varient. Certains postes de garde sont installés sur le site d’hôpitaux (près du service des urgences), d’autres pas. En Wallonie, les derniers postes de garde ont vu le jour en février dernier dans la province de Luxembourg et l’arrondissent de Dinant, à l’initiative conjointe de quatre cercles de médecins généralistes. “Depuis janvier 2010, la région de Bastogne disposait déjà d’un poste qui donne entière satisfaction tant à la population qu’aux médecins et aux autorités locales, assure le Dr Etienne Baijot, co-responsable du poste de garde de Bièvre. Nous avons dès lors décidé d’en ouvrir sept autres où les patients peuvent se rendre sur rendez-vous le week-end et les jours fériés en formant préalablement le 1733. S’ils ne peuvent se déplacer, pour la modique somme de cinq euros, un chauffeur peut aller les chercher et les reconduire en passant si nécessaire par la pharmacie de garde. Nous continuons bien entendu à faire des visites à domicile mais l’objectif est très clairement de les diminuer. A Bastogne, elles ne représentent plus que 10% des gardes le week-end, 90% des patients étant reçus au poste de garde”.

Comme on le lira dans ce dossier, les postes de médecine générale suscitent globalement des commentaires positifs chez les généralistes qui y sont actifs. Cela étant, de nombreuses questions subsistent, des plus philosophiques aux plus pragmatiques : quelle place accorder aux volontaires et professionnels de la garde sans patientèle fixe à côté des généralistes du cru? Les postes de médecine de garde permettent-ils de désengorger les urgences hospitalières? Le financement par l’Inami sera-t-il suffisant pour pérenniser les postes de garde existants et en ouvrir d’autres?...

Un numéro d’appel unique

Bien souvent, les patients qui souhaitent faire appel à un médecin de garde ne savent pas qui contacter ni où se renseigner (lire à ce propos les informations utiles dans votre région). L’instauration d’un numéro unique assorti d’un système de tri fait partie des solutions appliquées à grande échelle dans d’autres pays voisins. L’objectif est d’offrir au patient une réponse optimale adaptée à ses besoins (ce qui ne correspond pas nécessairement à sa demande) : envoi d’une ambulance en cas d’urgence, aiguillage vers un poste de garde ou le cabinet du médecin de garde, visite à domicile, conseil de consulter ultérieurement le médecin traitant si l’appel n’exige pas une intervention rapide.

Comme le souligne le Centre fédéral d’expertise en soins de santé (KCE)(1), dans les pays en question, l’instauration d’un système de tri a entraîné, dans les faits, une réduction de la charge de travail des médecins généralistes et, en particulier, du nombre de visites à domicile.

En Belgique, la création d’un numéro d’appel unique, le “1733” s’inscrit dans le cadre d’un projet-pilote instauré en 2009 par le Ministère de la Santé publique, et testé actuellement dans le Hainaut, la province de Luxembourg et l’arrondissement de Dinant (côté francophone). Le soir, le week-end et les jours fériés, les patients sont invités à composer le 1733. Ils sont mis en contact avec un opérateur professionnel chargé de trier les appels, conformément à un protocole standardisé, et d’envisager les solutions en fonction du caractère “urgent” du problème et de la possibilité, pour le patient, de se déplacer.

Ce projet-pilote est en cours d’évaluation. Sur le terrain, comme on le lira à travers l’un ou l’autre témoignage, le système n’est pas parfaitement rôdé et connaît des failles ici ou là . Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, conjure le Dr Baijot qui précise que les équipes du 1733 ont été renforcées après des débuts difficiles en province de Luxembourg et à Dinant. Pour sa part, le KCE recommande de généraliser ce numéro unique et de lui allouer les moyens nécessaires pour assurer un service téléphonique de qualité par des professionnels compétents. En espérant que cet appel soit entendu par la ministre de la Santé publique, Laurette Onkelinx.

// JOËLLE DELVAUX

(1) “Quelles solutions pour la garde en médecine générale” – KCE – Juin 2011 – Synthèse téléchargeable sur https://kce.fgov.be

© Philippe Maréchal/En Marche

BRAINE-LE-CHÂTEAU

“Le généraliste est le filtre des urgences”

Fraîchement diplômée, la jeune médecin Aline Agneessens a vite été plongée dans les systèmes de garde. “Déjà pendant mon assistanat, je travaillais dans une association de médecins à Schaerbeek. En tant que futur médecin généraliste, notre parcours de formation nous oblige à assurer un minimum de 120 heures de garde par an.” La situation dans la capitale est très particulière. “Beaucoup de confrères sont inscrits pour les gardes. Ce qui permet d’avoir un planning assez souple: je pouvais me désister en dernière minute au cas où j’avais un imprévu personnel. La quantité d’heures de garde à assumer par médecin est aussi beaucoup moins lourde.

Depuis un an, elle exerce à Braine-le- Château. Cette région connaît une pénurie de médecins généralistes. Le Dr Agneessens a rejoint le cercle local des généralistes qui regroupe une dizaine de médecins de la région. Ensemble, ils organisent tous les quatre mois les gardes à venir. “Vu le faible nombre de confrères dans la zone, les gardes sont nombreuses. En moyenne, un médecin d’ici fait 14-15 gardes en quatre mois. Ce qui signifie que par mois, il est de garde trois soirs de semaine (de 18h à 8h) et 24h pendant un week-end. Pour ma part, je considère que les gardes sont une réelle coupure dans la vie sociale. Je dois souvent renoncer à des activités sportives le samedi ou le dimanche, des invitations d’amis…

Une situation lourde à assumer qui interpelle les médecins locaux. La mise en place du numéro unique 1733 dans d’autres régions du pays les séduit. Ce nouveau système de centralisation est à l’étude et devrait débarquer d’ici peu dans leur zone élargie. En plus de réduire certainement le nombre d’heures de garde par médecin, il serait utile aux patients. “Actuellement, la personne forme parfois jusqu’à trois numéros avant d’atteindre le médecin de garde : celui du médecin traitant, celui de la centrale qui lui donne le numéro de téléphone du médecin de garde et enfin, le numéro du docteur. Les personnes âgées ont bien souvent du mal à s’y retrouver dans tous ces coups de fil.

Aline Agneessens se rend rarement au domicile des patients pendant ses gardes. “S’ils peuvent se déplacer, je leur demande toujours de venir au cabinet. C’est plus facile à organiser entre les différents malades.” Les appels sont nombreux, avec des pics à certaines heures du jour. Il y a de tout : des cas sérieux qui justifient le recours à la garde, d’autres un peu moins (des angoissés, des patients qui profitent de la garde pour obtenir un deuxième avis… ) “Le généraliste est le filtre des urgences. En moyenne, sur une garde de 10-15 patients, seulement un ou deux cas nécessite un transfert vers l’hôpital. Les patients sont souvent impatients ou inquiets. Beaucoup de motifs de consultations de week-end pourraient attendre le lundi.

// VT

© Philippe Maréchal/En Marche

FOREST

“Implanter des postes de garde près des hôpitaux”

La quarantaine, Eric Cazes est l’un des quatre médecins généralistes de la maison médicale des Primeurs à Forest. Pour lui, conserver des plages horaires disponibles en semaine est la manière la plus adéquate de répondre aux demandes urgentes de ses patients et éviter qu’ils ne se rendent dans les hôpitaux. “C’est plus facile à organiser quand on travaille en groupe qu’en solo, reconnaît-il. Par téléphone, le personnel d’accueil de notre maison médicale prend le temps d’analyser la demande du patient. Selon la situation, il peut donner des premiers conseils, rassurer, évaluer avec le médecin si une visite à domicile s’impose, etc.

Il y a quelques années, on assurait nous-mêmes les gardes de nuit pour nos patients. Cela faisait 13 heures de garde d’affilée... entre deux journées de travail bien remplies. C’était très éprouvant”, confie Eric Cazes. “Aujourd’hui, nous avons passé le relais au service de garde publique organisé en région bruxelloise (Médi-garde) pour la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés”. Revers de la médaille : “Lorsqu’un de nos patients nous appelait la nuit, il ne payait rien car nous sommes rémunérés au forfait. Par contre, maintenant, il doit souvent payer le médecin de garde lors de la visite (quelque 80 euros – ndlr) et se faire rembourser par la suite par la maison médicale. C’est un obstacle financier non négligeable”.

En plus de son engagement à la maison médicale, Eric Cazes est également très actif au poste de garde de médecine générale (CMGU) situé sur le site des Cliniques universitaires St-Luc. “Il y a cinq ans, j’ai participé à la création d’un poste de garde au centre ville (PMG Athéna, sur le site César de Paepe – ndlr). J’y ai effectué des gardes puis, il y a trois ans, j’ai rejoint le CMGU où je preste de nombreuses heures de garde le week-end ou en soirée”.

Pour Eric Cazes, implanter des postes de garde près des hôpitaux est l’idéal car “c’est plus facile à trouver pour les gens”. En plus, “cela permet de créer des synergies avec les services d’urgences et de les désengorger, mais surtout de ramener les ‘demandes urgentes’ à la première ligne des soins de santé”. Au CMGU, une bonne part des patients s’y présente muni d’une feuille de liaison complétée par les urgentistes de St-Luc. A l’inverse, il arrive que le généraliste du poste de garde envoie un patient à l’hôpital pour une prise en charge plus complète ou des examens complémentaires. Cela étant, de plus en plus de patients se rendent directement au poste de garde. “Lors des gardes, je suis stupéfait de voir combien de personnes ne savent pas quel geste adopter ou quel remède prendre dans des situations somme toute banales : de la température, une écorchure, un mal de gorge, une foulure, une piqûre d’insecte... Ils veulent être soignés et rassurés tout de suite. A l’inverse, on voit arriver des gens qui ne se sont pas soignés et dont les problèmes de santé se sont aggravés. Entre les deux attitudes extrêmes, il manque souvent un juste milieu”. Et de conclure par ces mots: “Le poste de garde doit rester un dépannage. Au CMGU, nous accueillons beaucoup de touristes, d’étudiants, de navetteurs... Idéalement, après la consultation d’urgence, nous renvoyons le patient vers son médecin traitant pour le suivi. L’accompagnement du patient, la prévention, l’éducation sont d’ailleurs au cœur de notre métier et lui donnent tout son sens”.

// JD

© Philippe Maréchal/En Marche

GEDINNE

“Un système plus solidaire, tôt ou tard indispensable”

Son diplôme de médecine en poche depuis bientôt neuf ans, Stéphanie Gendarme, établie dans la région très rurale de Gedinne (province de Namur), n’est pas du genre à se laisser impressionner par une garde. C’est qu’avec un père lui-même généraliste, son enfance toute entière a été bercée par les appels de toute nature, de nuit comme de jour. “A l’époque, c’était encore plus dur qu’aujourd’hui : la disponibilité, c’était 24 heures sur 24, 7 jours sur 7! Aucun répit possible.” Plongée à son tour dans la médecine de terrain, elle admet toutefois que ses gardes n’ont jamais été une sinécure. Ce n’est pas tant la périodicité de celles-ci (un week-end sur sept, en moyenne) que les appels nocturnes répétés qui étaient les plus éprouvants.

Etaient car le système a changé en février dernier, comme dans une partie de la province de Namur et celle de Luxembourg. Le Dr Gendarme doit, d’une part, assurer des gardes de nuit en semaine dans sa commune avec sept confrères de l’entité (ce qui l’amène à être de garde une nuit complète toutes les deux semaines). Elle doit, d’autre part, assurer une permanence de douze heures d’affilée lors des week-ends et jours fériés (ou la veille de ceux-ci) au poste de garde de Bièvres. Et cela, une fois toutes les cinq semaines. En plus de cette permanence effective au poste de garde, elle et ses 34 collègues du Sud namurois (de Gedinne à Vresse-sur-Semois, en passant par Wellin, Paliseul, Beauraing…!) doivent se partager des permanences de douze heures en seconde et troisième ligne (pour assurer un renfort ou un remplacement au poste de garde en cas de nécessité). “Personnellement, je n’étais pas demandeuse d’un changement. Mais je conçois parfaitement qu’il fallait arriver à un tel système, basé sur la solidarité entre sous-régions. Car à Gedinne, avec huit médecins, nous sommes encore des privilégiés. Mais à Vresse, ils sont à peine trois et, à Bouillon, quatre. Chez nous aussi, à Gedinne, ce serait devenu intenable tôt ou tard”.

Le chaos initial lié au nouveau système (des gens ont dû attendre parfois plusieurs heures, après leur appel au 1733 avant d’être rappelés et invités à se rendre au poste de garde) est aujourd’hui un mauvais souvenir. “Je crois que la majorité des gens sont satisfaits”. La confusion du public reste néanmoins de mise, principalement parce qu’il subsiste deux numéros téléphoniques (le week-end: 1733 et en semaine : 078/05.10.52.), auquel s’ajoute également le numéro personnel du médecin de garde en semaine. “Pour les touristes et les personnes âgées, par exemple, c’est vraiment très complexe. Ces dernières, par exemple, ne comprennent pas toujours ce qu’est un répondeur téléphonique et sont totalement désemparées…

// PHL

© Philippe Maréchal/En Marche

LIÈGE

“On a gagné en qualité de travail”

Médecin généraliste à Liège depuis 1976, le Dr Jean-Louis Mary a toujours travaillé en solo. Mais sa longue pratique bénévole de consultations auprès des personnes défavorisées avec MSF lui a donné le goût du travail en équipe et a éveillé son intérêt pour les postes de garde. En 2003, il a collaboré à la création du groupement liégeois des associations et des médecins omnipraticiens (Glamo) dont il est aujourd’hui le président.

Le Dr Mary est l’un des coordinateurs du poste de garde médicale de Liège qui a démarré en 2007 à l’initiative du Glamo. Ce poste centralise, le weekend et les jours fériés, les demandes de consultations et de visites à domicile dans la ville. Chaque week-end, le coordinateur supervise le fonctionnement du poste et se joint à ses confrères en cas de surcharge de travail. Le Dr Mary y assure lui-même des gardes environ une fois tous les deux mois. “Les gardes n’ont jamais été très contraignantes car on est 150 médecins en région liégeoise et, avant que le poste de garde soit créé, on n’assurait que 4-5 week-ends de garde par an”. Ce qui a changé ? La garde s’effectue durant des périodes moins longues (soit de 8 h à 19h, soit de 19h à 8h au poste médical) et les visites à domicile sont en diminution (1/4 de visites et ¾ de consultations au poste). Pour le Dr Mary, la plus-value du nouveau service de garde se marque essentiellement dans la qualité du travail. “On travaille en équipe, c’est boostant, riche, très agréable. Et au poste médical, on dispose de davantage de matériels diagnostiques et de soins. On est aussi dégagés des appels et tâches administratives par le personnel d’accueil et de secrétariat présent en permanence au poste de garde. Pour les visites à domicile, on dispose, en journée, d’un petit véhicule de fonction, et la nuit, un chauffeur vient nous chercher à domicile, nous conduit chez le patient et nous ramène après la visite. C’est nettement plus confortable et c’est extrêmement rassurant, surtout pour les collègues féminines”.

De l’avis du Dr Mary, si les médecins généralistes de la zone sont majoritairement satisfaits du fonctionnement actuel du système de garde, les patients le sont aussi : appel à un numéro unique, facilité d’accès au poste de garde situé en plein centre de la ville, temps d’attente réduit, possibilité de ne payer que le ticket modérateur de la consultation (tiers-payant) et... satisfaction quant à la qualité des soins. “Chaque week-end, environ 200 patients contactent le service de garde. C’est près de trois fois plus que lorsqu’il n’y avait pas de poste médical. Cela pourrait être encore plus si tous ceux qui se présentent aux urgences des hôpitaux pour des pathologies bénignes s’adressaient à un médecin généraliste”, regrette- t-il, appelant à un changement de mentalités et de pratiques à cet égard. Un changement qui ne pourrait qu’être bénéfique en termes de santé publique : diminution du coût des services d’urgence et meilleure disponibilité pour les vraies urgences hospitalières.

// JD

© Philippe Maréchal/En Marche

MONS

“Structurellement correct, humainement complexe”

Dominique Lamy est médecin généraliste dans la région montoise. Depuis vingt-huit ans, il y pratique comme “médecin aux mains nues”, selon l’expression qu’il utilise volontiers pour décrire son métier. Engagé corps et âme dans la profession, il participe à la formation des Aides et Soins à Domicile et de jeunes collègues. Il a, entre autres, occupé la présidence de l’Association des médecins généralistes montois, voici neuf ans.

La problématique de la garde était déjà une préoccupation majeure pour le Cercle de médecine montois à l’époque. Et sans doute le reste-telle encore en partie. Même si depuis, la région a vu l’instauration du numéro unique (1733), le recours à une centrale téléphonique organisée par le cercle qui réceptionne les appels (selon un système de cascade à partir du 1733 mais “invisible” pour l’appelant), l’élargissement des zones de garde et un aménagement des heures de garde à prester (moins d'heures de garde consécutives, mais plus souvent). La garde permet à chaque confrère de se reposer la nuit et les week-ends, parce que l'un d'entre eux et à tour de rôle, prend le relais. Cela n'empêche pas Dominique Lamy d'accompagner ses patients en soins palliatifs à domicile, même en dehors des heures habituelles de travail.

Pour le grand Mons, lors des gardes, un médecin consulte au poste de garde du centre ville, tandis qu’un confrère mobile balaye les quelque 200 km² de territoire. Théoriquement, un médecin montois réalise une garde - de huit heures - trois ou quatre fois par mois. “Tout cela a l’air bien organisé. La structure d’un point de vue macro peut paraître efficace, explique Dominique Lamy, mais sur le terrain, au niveau de l’humain, on ne peut accepter de continuer à travailler de cette manière”. Le médecin parle de “déshumanisation”. Un système informatisé établit le “rôle de garde”. “C’est équitable. Mais on ne se rencontre plus jamais”. Les échanges entre confrères, en cas d’indisponibilité, sont plus compliqués. Surtout, le généraliste montois évoque les limites d’une centrale téléphonique qui se borne à transférer les coordonnées des patients en attente d’une visite. A l’écouter, les images sautent aux yeux : celle du médecin “un peu stressé par la garde” malgré l’expérience, parce que – comme il l’explique –, “on doit jongler avec son seul stéthoscope et ce que l’on a dans les mains, sans nécessairement connaître le patient”, au volant de sa voiture, traversant l’entité montoise du nord au sud et d'est en ouest, sans logique de déplacements, au gré de la sonnerie du GSM qui se mue en rappels harcelants de situations toujours “urgentes”. Se dépêcher tout en trouvant la bonne route, tout en marquant sa disponibilité à l’égard du patient, tout en assurant un bon diagnostic et les soins ad hoc… l’exercice relève de l’acrobatie. Et il s’agit de continuer également à prendre note des adresses transmises par le téléphoniste… On entre alors dans la virtuosité.

Le Dr Lamy appelle de ses vœux à davantage de respect. De la part des patients qui devraient éviter d’appeler pour des broutilles. Un renouvellement de médicaments peut attendre les heures de consultations en journée. De la part de certaines autorités communales qui considèrent les gardes de médecine générale comme des consultations de confort, et refusent par exemple aux médecins de garde de stationner aisément en ville lors des consultations. De la part aussi des responsables du Cercle qui prennent trop peu en compte la complexité de la tâche et la solitude du soignant.

//CD


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Santé publique"

haut de page